L’apprentissage fait le plein

Institution Sainte-Jeanne-d'Arc, Aulnoye-Aymeries (59)
Richard Fétré, chef d’établissement
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À Aulnoye-Aymeries, près de Maubeuge (59), l’institution Sainte-Jeanne-d’Arc accueille de plus en plus d’apprentis en hôtellerie-restauration, avec des formations allant du CAP au Bac+3. Un enjeu important dans une région où ce secteur d’activité cherche à embaucher quelque 3 000 professionnels. Gaëtane Deljurie

Une matinée d’octobre à l’institution Sainte-Jeanne-d’Arc, à Aulnoye-Aymeries, près de Maubeuge (59). Les apprentis en CAP Boucher s’apprêtent à désosser, dénerver, trancher, fi celer, emballer et assurer la traçabilité d’un demi-boeuf et de quatre avants de veaux. Les produits préparés iront dans le magasin d’application situé à l’entrée de l’établissement, où les élèves apprennent à vendre la viande. Car conseiller les clients fait aussi partie du métier. « Je dis toujours qu’un bon boucher doit avoir la passion du client et la connaissance du produit », résume Pascal Mavet, formateur des CAP et bacs pro BCT (Boucher-Charcutier-Traiteur). Cet ancien apprenti, dernièrement chef du rayon boucherie à Auchan Louvroil, totalise quarante ans d’expérience. « Aujourd’hui, les jeunes entrés en boucherie ont souvent un père, un frère qui travaille dans ce secteur », poursuit le formateur. C’est le cas de Romain Bouquet, en CAP 2e année, qui dénerve une macreuse avec les mêmes gestes que son père.

« C’est un métier très varié. On s’occupe de la viande mais aussi de la partie traiteur. J’apprécie de conseiller la clientèle sur les différents morceaux et la manière de les cuisiner », explique le jeune homme. Quant aux conditions de travail – il faut travailler à 3 °C pour respecter les conditions d’hygiène –, « on s’habitue ».

Un bachelor parrainé par Thierry Marx

« Ces exercices d’application au lycée complètent les apprentissages en entreprise. Il nous faut composer avec les différents niveaux tout en répondant aux référentiels de chaque diplôme », commente Pascal Mavet. « Un CAP de cuisine peut être passé dans une pizzeria comme dans un restaurant étoilé : c’est donc au lycée d’apporter aux jeunes tous les outils nécessaires pour être opérationnel », souligne Richard Fétré, le chef d’établissement, cuisinier de formation. Et pour leur donner envie d’aller plus loin, le lycée propose, depuis cette rentrée, un bachelor Responsable de gestion d’unité opérationnelle, parrainé par le chef étoilé Thierry Marx, pour former les futurs chefs d’entreprise en hôtellerie-restauration. L’institution Sainte-Jeanne-d’Arc a été sélectionnée parmi vingt candidatures pour devenir l’un des cinq établissements français à proposer ce bac+3, grâce à un partenariat entre RenaSup et le Collège de Paris. « C’est une grande chance pour nos recrues, à un moment où le secteur doit se réinventer, en misant notamment sur les circuits courts », pointe Richard Fétré. Du côté des CAP en pâtisserie, chaque apprenti s’emploie à sortir 16 croissants, 16 petits pains au chocolat et 8 éclairs au chocolat, qui seront vendus à 15 h 40, dans le magasin d’application. Amandine Clivvio, en 2e année, surveille la pâte à choux pétrie dans les robots. Bonne élève au collège, la jeune fille a toujours aimé faire des gâteaux. « Ici, j’apprends plein de nouvelles recettes, cela complète ce que je fais dans la pâtisserie artisanale où je suis apprentie, s’enthousiasme-t-elle. Je m’ennuyais dans l’enseignement général. Mes parents m’ont soutenue : le plus important pour eux c’est que je me sente bien dans mon métier. » Chez les futurs boulangers, ce matin, c’est brioche. « N’aie pas peur, ça va bien se passer », lance Sébastien Haas, le formateur, à un élève inquiet. « Je suis là pour leur apprendre le savoir-faire de base, mais aussi la dextérité et la rapidité », note-t-il en montrant le geste pour couper l’énorme bloc de pâte en pâtons de 50 grammes. Son geste est sûr : du premier coup, la balance confirme le poids exact du pâton. « Cette expérience est très importante aux yeux des jeunes, car vous devez leur démontrer l’intérêt du savoir-faire et de l’expérience pour leur donner envie », analyse Richard Fétré (photo ci-dessous).

Des passionnés de tous horizons

Avec la récente réforme de l’apprentissage de 2018, le nombre d’apprentis au lycée a littéralement « explosé », notamment en post-bac avec l’arrivée des licences, masters et bachelors, comme dans tous les autres établissements qui sont en lien avec le CFA Jean Bosco (cf. encadré). Le lycée compte aujourd’hui 144 apprentis dans trois grandes familles (coiffure-esthétique et métiers de proximité pour un tiers, boulangerie-pâtisserie, boucherie-charcuterie-traiteur). Les profils ? Des passionnés de tous horizons, « sans forcément que ce soient des jeunes en grande difficulté scolaire et sociale », précise le chef d’établissement. Nous accueillons de plus en plus de personnes en reconversion, puisque l’apprentissage est accessible désormais jusqu’à l’âge de 30 ans ». Évidemment, l’avantage de toucher un premier salaire pèse aussi sur le choix d’orientation. Sans oublier la gratuité de l’enseignement, « même si nous devons nous battre pour faire passer le message que la formation en établissement catholique coûte zéro euro », ajoute Richard Fétré. En effet, depuis la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et le partage clair des compétences État/Région, les Opco (opérateurs de compétences) prennent en charge le financement de la formation des apprentis avec un coût déterminé à l’avance (alors qu’avant, le conseil régional abondait le budget à la hauteur des dépenses). Les récentes subventions régionales pour l’apprentissage – jusqu’à 8 000 euros, soit un reste à charge symbolique pour l’employeur –, y sont pour quelque chose. Même les Opco « ont versé l’année dernière 500 euros à chaque apprenti pour aider à l’achat d’un premier équipement professionnel nécessaire au démarrage », note Richard Fétré.

Des apprentis très demandés

Pour élargir son vivier de candidats, le lycée a organisé un forum de l’apprentissage tout un week-end (vendredi compris) dans la galerie marchande d’Auchan Louvroil. « Nous avions une liste d’employeurs potentiels mais nous n’avons rencontré que deux jeunes intéressés », regrette le chef d’établissement. La raison ? « Trop d’élèves orientés en 2de générale et technologique : les parents poussent à faire des études, et surtout, ils ne valorisent pas les filières professionnelles. » Pourtant, tous ses élèves arrivent quasiment avec un contrat de travail. « Les recruteurs, souvent des groupes agroalimentaires ou de grande distribution, ne trouvent pas d’apprentis. Si rupture de contrat il doit y avoir, elle se fait généralement dans les deux mois, affirme Richard Fétré. Globalement, nous n’avons pas beaucoup d’échecs et c’est plus souvent un problème de mésentente que de motivation. Les candidats ont déjà une bonne vision du métier. » Près de sept élèves sur dix sont embauchés dans les quelques mois, voire les quelques semaines après leur formation.