UPE2A

UPE2A mode d’emploi

Collège Père-Jacques, Villeneuve-le-Comte (77)
Sylvie Puech, chef d’établissement
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À Villeneuve-le-Comte (77), le collège Père-Jacques, du réseau Apprentis d’Auteuil, a ouvert depuis deux ans une UPE2A (Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants) d’une dizaine de places. Ces jeunes migrants sont pour la plupart envoyés par le foyer voisin, géré lui aussi par la fondation.

Quand la cloche sonne, à 11 heures, Brrhima, Alpha et Rayem, respectivement du Mali, de Guinée et de Tunisie, en 4e pour le premier et en 3e pour les deux autres, rejoignent l’enseignante de Français langue étrangère (Fle). Au programme : des exercices de compréhension écrite pour s’approprier la langue de Molière. Appliqué, Brrhima se jette à l’eau, lisant un texte court dans lequel il est question d’un homme aux cheveux fins, timide et travailleur. Chaque mot, encore inconnu pour le petit groupe, fait l’objet d’une explication, dessins à l’appui. Puis les élèves sont invités à répondre à des questions simples en faisant des phrases entières. Une manière pour eux de s’entraîner à la construction sujet-verbe-complément tout en vérifiant leur compréhension du nouveau vocabulaire acquis ce matin. Tous prennent cette tâche à cœur, chaque faute étant soigneusement effacée à la gomme. Pas question de perdre une bribe de ce précieux savoir, synonyme pour eux de passeport vers un nouveau départ.

« C’est difficile mais on s’accroche », explique Alpha dans un français encore hésitant, arrivé il y a une semaine d’un long périple qui l’a notamment conduit à traverser la Lybie… En cette fin de premier trimestre, ce sont les nouveaux élèves accueillis dans l’UPE2A (Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants) ouverte dans l’établissement il y a deux ans. « Ce projet s’inscrit dans notre ADN, déclare en souriant Marie- Georges Rocton-Schulze, la directrice du collège Père-Jacques, du réseau Apprentis d’Auteuil. Nous avons fait le choix depuis notre création d’accompagner les décrocheurs et jeunes en voie de re-scolarisation. S’intéresser aux MNA est un moyen de poursuivre l’objectif de l’ouverture à tous auprès de ce nouveau public. »

Une volonté de fer

Concrètement, une dizaine d’enfants allophones peuvent rejoindre le dispositif, n’importe quand en cours d’année, en fonction de leur arrivée sur le sol français. Envoyés le plus souvent par le foyer géré par Apprentis d’Auteuil situé à Tournant, à 17 kilomètres, ou par d’autres associations installées à proximité, ils suivent un programme scolaire spécifique. « En fonction de leur âge, nous les intégrons dans une des classes du collège (de la 6e à la 3e) où ils sont mélangés à leurs camarades pour les cours de maths, d’anglais, de technologie et d’éducation physique et sportive. Leur non-maîtrise du français les empêchant de participer aux autres enseignements, ils suivent des cours adaptés à leurs difficultés tout au long de l’année scolaire dans l’UPE2A », ajoute la directrice.

Ici pas de connaissances livresques mais un travail basé sur le français au quotidien. Ils doivent en effet se préparer au Delf (Diplôme d’études en langue française) de niveau A1 (connaissances de base) ou A2 (connaissances leur permettant d’évoluer dans le monde du travail), suivant les cas. L’idée est de leur apporter rapidement un niveau suffisant et certifié en français pour qu’ils puissent suivre le même cursus que les autres élèves. « C’est indispensable pour les orienter vers un CAP ou un bac pro car pour nombre d’entre eux, qui arrivent entre 14 et 16 ans, le temps est compté. Dès l’âge de 18 ans, ils peuvent être expulsés s’ils n’ont pas obtenu un diplôme professionnalisant », soupire la chef d’établissement.

La voie est étroite mais ces élèves sont bien décidés à profiter au maximum de l’opportunité qui leur est offerte. « Ils ont une volonté de fer et ils nous donnent des leçons. La plupart d’entre eux ne maîtrisaient pas le français avant d’arriver et parfois n’avaient pas été scolarisés. Je me sou- viens notamment de Brrhima, arrivé dès juin der- nier. Il avait d’énormes difficultés pour écrire. Il a mis à profit les vacances d’été pour s’entraîner afin de commencer l’année du bon pied », précise Chantal Pan, la professeure de Fle qui les suit au quotidien. Cette dernière a été recrutée par le collège qui a bénéficié pour faire fonctionner l’UPE2A d’une dotation de 21 heures hebdomadaires. Pendant ces heures, l’enseignante travaille aussi avec ses collègues qui suivent les MNA dans les cours dits d’inclusion où ils évoluent avec les autres afin de pallier leurs difficultés qui dépassent parfois la seule maîtrise du français. « Il s’agit d’éviter que les jeunes qui n’arrivent pas à suivre car le niveau est trop élevé pour eux, se sentent exclus », lance Chantal Pan. Les professeurs qui accueillent les MNA dans leurs classes sont eux aussi particulièrement vigilants. « Ces jeunes ont un programme adapté portant en 4e sur la compréhension orale. Il m’arrive donc de faire travailler la classe en autonomie pour pouvoir, pendant ce temps-là, m’occuper davantage d’eux », met en avant Sandra Vandamme, professeure d’anglais.

Des visages qui s’ouvrent

Après les tout premiers mois où les jeunes allo- phones commencent à se débrouiller en français, se met en place une véritable synergie. « Pour nombre d’élèves, ils sont devenus des exemples à suivre. La plupart sont impressionnés par leur volonté et leur comportement. Pour eux, le professeur est une personne à respecter. Ils sont curieux de tout, très combatifs et apportent une autre dimension à la classe », poursuit l’enseignante. Et quand certains deviennent les meilleurs de leur classe – ça arrive – les autres, piqués au vif, se mettent alors à redoubler d’efforts. La dynamique se mue en émulation positive pour tous. Certains MNA sont même repérés par l’établissement qui récompense chaque année les qualités humaines des élèves les plus méritants.

« Mais notre plus grande fierté est de voir comment au fil du temps leur visage se transforme. Quand ils arrivent, ils sont fermés et certains donnent l’impression d’être déjà des adultes tant ce qu’ils ont vécu les a endurcis. Mais au bout de quelques mois, ils ressemblent de nouveau à des enfants, ce qu’ils sont avant tout ! », se réjouit Marie-Georges Rocton-Schulze, estimant avoir gagné, grâce à cette métamorphose, la première manche d’un processus de reconstruction pouvant parfois prendre des années…