adolescente qui gère les stocks

Une épicerie solidaire au lycée

Lycée Saint-François-d’Assise, Roubaix
Jean-Luc Lambert
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adultes qui font les courses

Depuis septembre, le lycée professionnel Saint-François- d’Assise de Roubaix a ouvert une épicerie solidaire, tenue par les élèves. Près de 80 personnes s’y rendent régulièrement.

Il est 13 heures. Le magasin n’ouvre ses portes que dans trente minutes, mais déjà une dizaine de familles se pressent devant le lycée professionnel Saint-François-d’Assise de Roubaix. Les élèves de la filière Métiers de la sécurité filtrent les entrées pour accéder à l’épicerie solidaire, installée dans l’établissement depuis septembre dernier. Seules les personnes orientées par le centre communal d’action sociale (CCAS), dont le « reste à vivre » est inférieur à 7 € par jour, peuvent en bénéficier. Et pour cause. Ici, tous les produits coûtent 10 % de leur prix réel. Pain, pâtes, lait, boîtes de conserves, fruits, café, petits pots, dentifrice, et même des livres…

Devant des rayonnages bien garnis, chaque client est accueilli par un élève, qui note les produits et la quantité choisis. Nawel Bellahsene, en terminale Arcu (Accueil, relation, client et usager), prend son rôle très au sérieux. « Ce dispositif est une aide précieuse pour les familles qui n’ont pas les moyens », dit-elle, fière de participer à cette action, avec une dizaine d’autres lycéens.

Canaliser l’énergie des CAP

Les questions fusent : « Combien coûte ce lait pour bébé ? », demande une maman. « C’est 20 centimes la bouteille », lui répond Farid Achouche, professeur en terminale Vente. Au total, soixante-dix-huit bénéficiaires sont accueillis deux après-midi par semaine, le jeudi et le vendredi. « Je viens pour mes parents malades dont les retraites ne permettent pas de boucler les fins de mois.

Ce système leur donne un sacré coup de pouce », témoigne Abdel Ehadi, qui repart avec deux sacs pleins. C’est à l’origine pour canaliser l’énergie débordante des CAP ECMS (Employé de commerce multi-spécialités), qu’est née l’initiative. « Une enseignante m’avait fait remarquer que ses élèves étaient plus attentifs pendant l’opération Bouchon d’Amour – une collecte de bouchons en plastique au profit d’associations », se souvient Grégory Bal, le chef d’établissement. Pour trouver un projet pérenne, il missionne Farid Achouche, professeur mais aussi ancien chef d’entreprise fourmillant d’idées. Ils optent pour un magasin permettant à toutes les filières de l’établissement de participer : des métiers de la sécurité à la gestion-administration, en passant par l’accueil client, la vente, ou le commerce. Et ce d’autant qu’une salle où s’exerçaient les élèves, servait déjà de magasin fictif.

« Dans un établissement privé catholique, il nous a paru indispensable d’ajouter une dimension solidaire au projet », précise Farid Achouche. Un contact est pris avec le CCAS de Roubaix pour identifier des bénéficiaires, tandis que la Banque alimentaire est sollicitée pour fournir les denrées. Un partenariat avec des enseignes de distribution permet de compléter ce fonds. Si le magasin est animé par les élèves de CAP ECMS, d’autres classes mettent la main à la pâte. « C’est un support pédagogique à la disposition des enseignants », indique Grégory Bal. Les 500 élèves de l’établissement sont susceptibles d’y participer au moins une fois dans l’année. « C’était un pari osé à plus d’un titre : non seulement nous faisons entrer des étrangers dans un établissement scolaire, mais les élèves sont aussi appelés à manipuler l’argent de la caisse », souligne le directeur. Le jeu en vaut la chandelle.

Utile socialement, l’initiative valorise les élèves. « Il y a beaucoup moins d’absentéisme les jeudis et vendredis : les jeunes savent que les familles comptent sur eux. Ils ont gagné en maturité », glisse le directeur. Enfin, d’un point de vue pédagogique, cette expérience donne du sens à leurs apprentissages. Rien ne vaut en effet le réel pour s’exercer. « C’est formateur d’avoir un véritable contact avec les clients », abonde Nawel, dépêchée avec trois autres élèves et son enseignante pour remplacer les CAP ECMS en stage ce jour-là. Elle n’avait en principe pas cours, mais cet effort lui a paru tout naturel.