3 adolescentes

Cellule mobile anti-décrochage

Collège Sainte-Bernadette-Apprentis d’Auteuil, Pau (64)
Corinne Julien
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Adultes
© M. BROUSSOUS

Quatre collèges catholiques de Pau (64) et de sa banlieue bénéficient de l’appui du Spres (Service de prévention des ruptures éducatives et scolaires). Une équipe « volante », composée de quatre professionnels, suit des collégiens démotivés ou mal dans leur peau.

Ce matin-là, Corinne Julien, enseignante spécialisée rattachée au Spres (Service de prévention des ruptures éducatives et scolaires) a rendez-vous avec trois élèves de 4e dans le collège Notre-Dame, à Lescar, situé à 9 km de Pau (64). Depuis quelques mois, elle y suit Solena dont les résultats scolaires étaient en chute libre. « Je me sentais bien dans ma classe mais j’étais démotivée », explique l’adolescente. Corinne Julien la rencontre toutes les semaines dans la bibliothèque. Elle parle avec elle de l’école, de la vie en général et lui apprend à travailler. « Ce sont les jeunes qui choisissent les disciplines qu’ils veulent étudier avec nous. Mais l’objectif n’est pas tant de faire du soutien scolaire que de les remobiliser sur leur scolarité et de leur permettre de retrouver confiance en eux », précise l’enseignante.

Dans la foulée, elle accueille Amandine.
«En début d’année, j’étais très agressive avec les professeurs et mes camarades. J’ai redoublé ma 4e et cela m’a beaucoup contrariée. Maintenant ça va mieux car j’en vois les effets positifs. J’obtiens à nouveau de bonnes notes. Parfois, j’ai le sentiment qu’elles ne me sont pas destinées car j’ai perdu l’habitude d’avoir de bons résultats ! », indique la collégienne. Depuis qu’Amandine est suivie par Corinne Julien et Jean- Charles Coulon, éducateur spécialisé, ses relations avec les autres se sont apaisées. « Avant, j’insultais tout le monde pour un oui ou pour un non. Maintenant, j’ai l’impression de mieux maîtriser mes émotions. »
Chloé, quant à elle, a une vie de famille compliquée et douloureuse. « J’ai du mal à me concentrer, ce qui a des répercussions sur mon travail. Ça va mieux depuis que je vois Corinne Julien. J’ai acquis de la méthode et mes résultats scolaires se sont améliorés », assure-t- elle. Autant de jeunes qui ne perdent pas pied grâce au regard confiant que posent sur eux les intervenants du Spres.

Main dans la main avec les enseignants

À l’origine du Spres, créé il y a trois ans, il y a Florence Roux, directrice du collège Sainte-Bernadette – Apprentis d’Auteuil de Pau, et la direction diocésaine des Pyrénées-Atlantiques qui a contribué à ficeler le projet (cf. encadré). « Il s’agissait au début de créer une classe relais. Le projet a été retravaillé quand nous avons constaté qu’il n’y avait aucun local disponible pour l’accueillir. D’où l’idée de créer une structure itinérante », explique Pierre Barreau, responsable ASH (Adaptation scolaire et scolarisation des élèves en situation de handicap) à la direction diocésaine. Cette petite cellule qui compte quatre personnes est coordonnée par Jean-François Cassou. Également responsable de l’internat relais du collège Saint-Bernadette, il exerce cette mission à mi-temps.

Pour s’organiser, au tout début, les membres de la petite « cellule » mobile de prévention du décrochage scolaire se réunissaient dans des cafés de Pau. Depuis, la structure s’est vu attribuer un bureau dans le collège Sainte- Bernadette. Et des relations fortes se sont établies avec quatre collèges catholiques de Pau et de ses environs. « Nous avons surtout fait valoir la possibilité de suivre des élèves qui venaient d’entrer en 6e. Progressivement, nous nous sommes concentrés sur les niveaux suivants où les problèmes sont d’ailleurs plus costauds », affirme Jean-François Cassou. « Entrer » dans les collèges, convaincre les équipes que le Spres pouvait les aider dans leur mission était un défi. « Finalement, cela s’est fait en quelques mois. Aujourd’hui, les salles des professeurs nous sont ouvertes. Nous y avons même nos casiers ! Les enseignants nous autorisent aussi à assister à leurs cours lorsque nous voulons mieux comprendre le comportement d’un élève », indique Corinne Julien.

Tirer la sonnette d’alarme

Un vrai travail de coopération est nécessaire. Ce sont les chefs d’établissement, les professeurs principaux, les enseignants ou encore les conseillers principaux d’éducation qui alertent quand un collégien semble ne pas aller bien. Les signaux sont toujours un peu les mêmes : difficultés à se concentrer, baisse des résultats scolaires, absentéisme, changement de comportement, tendance à la dépression, dyslexie détectée tardivement… « Avec les membres de l’équipe pédagogique, nous réfléchissons à ce que nous pouvons faire. Parfois, de simples aménagements initiés par les enseignants permettent d’améliorer les résultats scolaires d’un ou de quelques élèves fragiles. Si cela ne suffit pas, nous décidons d’accompagner le collégien individuellement », explique Jean-François Cassou.
L’approche du Spres est originale. Les parents doivent donner leur accord pour que leur enfant soit suivi mais le Spres ne cherche pas à établir de relations avec les familles – cela reste du ressort de l’équipe pédagogique.

Par ailleurs, la psychologue Eugénie Mora n’intervient pas directement auprès des élèves mais uniquement lors des réunions de synthèse avec les membres de l’équipe. Si le jeune a besoin d’être suivi, il sera aiguillé vers le psychologue du diocèse ou vers des professionnels choisis par ses parents. Le Spres tire la sonnette d’alarme si nécessaire mais ne se lance pas dans un travail thérapeutique. « Nous restons dans le champ scolaire, précise Corinne Julien. Nous nous concentrons sur le rapport des enfants à l’institution, l’origine de leur souffrance à l’École, leur manque de confiance en eux. » Jean-Charles Coulon, qui reçoit les jeunes mal dans leur peau ou au comportement agressif, explique : « Je travaille sur les émotions et je m’appuie sur la discipline positive pour les aider à aller de l’avant. Nous leur fixons des objectifs atteignables en termes de concentration, de respect envers les autres, etc. » Mais il arrive que l’équipe soit amenée, si elle pressent qu’un jeune est en danger, à transmettre aux services sociaux et éventuellement au procureur de la République, une information préoccupante. « Protéger les jeunes fait partie de notre mission. Nous le faisons, en général, en plein accord avec les chefs d’établissement», ajoute Jean-Charles Coulon.

La démarche du Spres est sécurisante pour les enseignants au moment où l’École se veut plus inclusive. Elle leur permet de partager leurs difficultés, de porter un autre regard sur l’élève et de déminer des situations conflictuelles. C’est aussi un temps de pause pour les collégiens qui réfléchissent sur leur vie et leur rapport à l’institution. « Au fil du temps, les relations avec les équipes pédagogiques sont devenues plus fluides. Nous sommes devenus de vrais partenaires. Quant aux jeunes, ils viennent aussi nous voir spontanément ou conseillent à leurs amis de le faire. Ce que nous observons, c’est qu’un espace de parole est nécessaire aussi bien pour les enseignants que pour les jeunes », conclut Corinne Julien.