S’extraire pour repartir


Etienne Osson, responsable du dispositif GR78 A
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Quand un établissement peine à trouver une solution au comportement difficile d’un élève, une piste peut être de passer le relais. C’est ce que propose le dispositif GR78 A, à Paris, pour les établissements lasalliens d’Île-de-France.

À 36 ans, Étienne Osson est le nouveau responsable du dispositif éducatif relais GR78 A (pour « Grandir et repartir »), situé au 78 A rue de Sèvres, au siège parisien des Frères des Écoles chrétiennes. Créé il y a cinq ans à l’initiative d’un groupe de chefs d’établissement lasalliens soucieux de trouver une solution aux élèves sur le point d’être exclus, il invite des
jeunes en décrochage ou en mal-être à engager une démarche réflexive hors de leur établissement. La décision est prise collectivement et l’établissement donne une délégation au GR, le jeune demeurant élève de sa structure d’origine. « Je les accueille tout au long de l’année durant un ou deux jours à la Maison La Salle. Mon but est de les aider à ouvrir une réflexion sur eux-mêmes, sur l’acte qui les a conduits au dispositif et sur la suite de leur scolarité », résume Étienne Osson, jusqu’alors directeur du collège Oscar-Romero, à Garges-lès-Gonnesses (95), spécialisé dans l’accueil d’élèves en grande difficulté.

Une marche dans Paris

Pour cela, Étienne Osson use d’outils originaux. Sa première journée avec le jeune accueilli commence toujours par une marche de quelques kilomètres dans Paris, où souvent, les premiers échanges débutent. « Ils arrivent ici après un face-à-face un peu musclé avec leur établissement, donc j’essaie de proposer un début de relation différent, qui ne soit pas surplombant, où on marche côte à côte, sans obligation de se parler. » Ensuite, Étienne Osson s’appuie sur les différents supports collectés par Emmanuelle d’Hubert et Cécile Saulnier, qui l’ont précédé à la tête du GR, pour amener le jeune à faire un pas de côté. Il y a quatre grandes étapes : la connaissance de soi, la prise de conscience de la situation problématique et des besoins du jeune, la projection dans l’avenir avec un repérage des ressources pour y parvenir et enfin l’engagement, symbolisé souvent par une lettre écrite par le jeune aux responsables de son établissement et à lui-même. «En fonction de la problématique de l’élève, j’utilise des supports très divers : portrait chinois, tests de personnalité, vidéos de prévention sur les addictions, dessin, sophrologie, chansons à message, témoignages de résilience de personnalités comme le nageur handisport Théo Curin ou le chanteur Grand Corps Malade… Je suis très libre dans ma façon de travailler avec le jeune », insiste le responsable.

Réfléchir à la tricherie

Avec un T de 16 ans qui avait été pris en train de consommer des stupéfiants mais persistait à nier, il a, par exemple, creusé la notion du mensonge, qui avait particulièrement braqué son établissement, et par ricochet celle de la confiance. « Je lui ai parlé du mythe de l’anneau de Gygès pour l’amener à réfléchir sur la liberté. Si toi aussi tu avais la capacité d’être invisible, que ferais-tu ? » Avec un jeune à la fibre artistique, il imaginerait s’appuyer sur le tableau Le Tricheur à l’as de carreau de Georges de la Tour pour creuser la question du ressenti de celui qui est abusé… Face à un jeune mutique, il privilégierait sans doute une activité manuelle, une partie de billard… Selon les demandes, le responsable travaille aussi des aspects méthodologiques et des stratégies d’apprentissage. Le déjeuner avec les frères lasalliens qui vivent sur place, parfois un peu déroutant pour le jeune, offre souvent l’occasion d’échanges profonds… Pour autant, « le passage au GR n’est pas magique », insiste son responsable. Il peut ne pas convenir à certains profils ou ne pas avoir l’effet transformateur escompté mais seulement ouvrir un chemin. »

Une personne de confiance

Le jeune réintègre ensuite son établissement, à qui Étienne Osson résume son passage au GR et fait parfois des recommandations, comme l’usage d’un casque anti-bruit en cas de problème de concentration. Une personne de confiance pour le jeune est désignée au sein de l’établissement et fait l’interface avec Étienne Osson plusieurs fois par an. Chef d’établissement du lycée La Salle – Saint-Nicolas, à Issy-les-Moulineaux (92), Michel Quinton envoie plusieurs élèves au GR78 A. « Dans 95 % des cas, c’est plutôt une réussite, observe-t-il. Mais le retour dans l’établissement n’est pas toujours évident. Un élève qui faisait l’imbécile en cours, par exemple, retrouve ses trente camarades qui attendent qu’il reprenne son rôle, même s’il a compris au GR que c’était précisément son problème…» Le chef d’établissement travaille donc sur cette réintégration, qui passe notamment par la diffusion du compte-rendu de l’expérience vécue au GR à son professeur principal et à toute l’équipe enseignante. « Pour certains jeunes, la meilleure issue reste tout de même le changement d’établissement, confie Michel Quinton. Mais au moins, l’équipe encadrante aura essayé tout ce qui était possible aujourd’hui pour l’éviter.»