Enfant qui a fait un dessin

Remue-méninges à l’école

Ecole Les Saints-Anges, Mohon
Raphaëlle Depret
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Professeur et enfant
N. Fossey-Sergent

En Bretagne, quatre écoles et un collège ont mené un travail de longue haleine sur le cerveau. Des émotions aux rêves en passant par la mémoire, les enfants ont décrypté le fonctionnement de cet organe qui permet de mieux se connaître.

Un lundi matin de mars à l’école Les Saints-Anges de Mohon, dans le Morbihan… Hermann et Benjamin, élèves dans la classe de grande section-CP d’Anne-Laure Clavier, cogitent sur l’agencement des wagons du « train du sommeil » imaginé par Raphaëlle Guillaume, enseignante spécialisée qui co-intervient. « Ils doivent mettre dans l’ordre les différentes phases de sommeil et expliquer ce qui se passe dans leur cerveau à chaque fois », explique Raphaëlle Guillaume. Les deux élèves rappellent ainsi à leurs camarades qu’une nuit est composée de quatre à six cycles. « D’abord on s’endort mais on entend encore des bruits, explique Benjamin. Ensuite, on fait un sommeil léger, le corps se repose puis c’est le sommeil paralysant ». « Paradoxal », corrige l’enseignante. « C’est celui où le cerveau rêve, travaille et range tout ce qu’on a appris dans la mémoire », précise Hermann. Depuis décembre dernier, Raphaëlle Guillaume mène avec les enseignants de cette école et des écoles Sainte-Thérèse de Saint- Malo-des-Trois-Fontaines, Saint-Jean- Baptiste de Ménéac et Saint-Joseph de La Trinité-Porhoët, un ambitieux travail sur le cerveau. Une suite logique à un projet sur les intelligences multiples mené en 2014-2015 (cf. ECA n° 364) avec les mêmes écoles. Objectif : mieux comprendre le fonctionnement de cet organe clé pour mieux se connaître et donc mieux apprendre.

À quoi tu rêves ?

Une fois par semaine, chaque classe primaire, de la petite section au CM2, et vingt collégiens (soit 450 élèves en tout) s’attaquent à ce vaste sujet par de multiples biais : les plus jeunes se concentrent sur les cinq sens et les émotions, les CE2, CM1 et CM2 se plongent dans des questions plus techniques : vocabulaire neurologique, schéma de synapses, rôle des neurones quand les 4es de Sainte-Anne, à La Trinité-Porhoët, tentent de percer le secret des illusions d’optique. De leur côté, les enseignants se retrouvent régulièrement pour échanger sur le projet et se forment, notamment sur l’attention chez l’enfant et ses paramètres (gestion des émotions, sollicitation de parties du cerveau différentes de chez l’adulte…).

Le récapitulatif sur les phases de sommeil et l’importance de bien dormir terminé, place à la créativité dans la classe d’Anne- Laure Clavier ! « Vous allez dessiner ce que vous avez vu dans votre dernier rêve ou cauchemar », lance l’enseignante. Ryan, en CP, lunettes rondes au bout du nez, semble particulièrement inspiré par son dernier cauchemar. À la façon du film Vice-versa vu par toute la classe en décembre, le voilà qui dessine l’affiche de son cauchemar : un enchevêtrement de monstres coloré auquel il a même donné un titre : « Monstres de peur ». En petits groupes, d’autres élèves apprennent avec Raphaëlle Guillaume à mettre des mots sur ce qui leur fait peur la nuit ou au contraire les enthousiasme.

Reconnaître ses émotions

Dans la classe d’à côté, Audrey Urvoy commence sa séance avec une partie de ses petites et moyennes sections. « Vous vous souvenez quelles sont les émotions désagréables ? », demande-t-elle. « Tristesse, colère, peur, jalousie », égrènent les enfants. « Et vous quand vous êtes en colère, ça vous fait quoi ? », lance l’enseignante. « On crie », « on fronce les sourcils », « on casse des choses », répondent certains. « Et pour vous calmer, qu’est-ce que vous pourriez faire ? » Pour Audrey Urvoy, ce travail autour des émotions est l’occasion de travailler le vivre ensemble. En sachant reconnaître une émotion, ils apprennent aussi à ne pas en avoir peur et à la dompter. « Ils apprennent à devenir élèves, à se gérer, à s’accepter », confirme Audrey Urvoy. À l’école Sainte-Thérèse, située à quelques kilomètres, à Saint-Malo-les-Trois- Fontaines, Marie Coston directrice et enseignante en petite section, a préparé un parcours sensoriel sur le toucher. Au sol : cordes, perruques, paille, papier de verre, papier bulle… En chaussettes, les enfants marchent sur chaque objet avant de définir leurs sensations. Dans une autre pièce, Raphaëlle Guillaume fait passer à un petit groupe des ballons remplis de différentes matières : cailloux, eau, farine… Deux ateliers qui permettent de faire participer les petits, à leur niveau, à ce projet sur les neurosciences et à les encourager à porter attention à leurs sensations. Dans la classe de CM1-CM2 d’Émilie Jarno, l’approche du cerveau est un peu plus complexe. Répartis en groupe par type d’intelligence (visuo- spatiale, linguistique, musicale), certains écrivent une chanson sur le fonctionnement du cerveau ; d’autres, après avoir visionné un épisode de C’est pas sorcier !, dessinent neurones et synapses pendant que d’autres répondent à un questionnaire sur les différentes parties du cerveau.

Point d’orgue de ce projet au long cours : une journée, fin avril, à laquelle les trois quart des 289 familles conviées se sont rendus. Les élèves y ont présenté leurs découvertes, animé des stands et expliqué à leurs parents le fonctionnement de leur cerveau. L’occasion de faire prendre conscience aux familles des besoins des enfants, en sommeil et en alimentation.

Classe
N. Fossey-Sergent