Quelle est ta forme d’intelligence ?

Collège Sainte-Croix de Châteaugiron (35)
Jean-Jacques Blanchet, chef d'établissement
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Le projet du collège Sainte-Croix de Châteaugiron (35) intègre les neurosciences dans ses pratiques pédagogiques. Les élèves y apprennent à se connaître en découvrant comment fonctionnent leur cerveau, leur mémoire ou encore le stress.

En ce vendredi de juin, pour le dernier atelier de neurosciences de l’année, les 5es du collège Sainte-Croix de Châteaugiron (35) ont apporté des objets symbolisant les intelligences qu’ils ont le plus développées. Plusieurs volontaires se succèdent au tableau. Emma présente une partition de piano et une médaille gagnée lors d’une compétition de natation. « Quelles sont tes formes d’intelligence dominantes ? », lui demande Julien Tretout, leur professeur d’histoire-géographie formé aux neurosciences, qui anime ces ateliers en 5e. « Les intelligences musicale-rythmique et corporelle-kinesthésique », répond l’adolescente. Il y a quinze jours, les élèves ont découvert la théorie des intelligences multiples d’Howard Gardner, ce psychologue du développement cognitif qui a défi ni huit formes d’intelligence. « Vous les avez toutes, explique le professeur, mais vous en avez développé certaines plus que d’autres. Vous êtes donc tous intelligents ! »

Au collège Sainte-Croix, l’équipe éducative a fait le choix d’un projet d’établissement novateur visant à intégrer les neurosciences dans les pratiques pédagogiques. Il est le fruit d’un travail commun de trois ans, nourri de plusieurs formations données dans l’établissement par Pascale Toscani, directrice du GRENE.MONDE (cf. p. 23), mais aussi par l’Isfec Bretagne, qui a envoyé un collaborateur de Bruno Hourst pour intervenir sur le « Mieux Apprendre ».

Favoriser l’attention

« En explorant ce champ, nous souhaitons donner aux élèves des outils pour qu’ils découvrent comment fonctionnent leur cerveau, leur mémoire ou encore le stress. L’objectif est que chacun trouve sa façon optimale d’apprendre », explique le chef d’établissement, Jean-Jacques Blanchet. Pour répondre à cet objectif, le projet éducatif, qui avait déjà pour socle l’éducation intégrale, a défini trois nouveaux axes : favoriser l’attention de l’élève en classe, le rendre au maximum acteur de ses apprentissages par une pédagogie de « l’engagement actif et du droit à l’erreur » et insister sur la consolidation des savoirs. « Le projet auquel nous avons abouti est très concret et très rassurant pour les parents d’élèves et les professeurs », poursuit le chef d’établissement, qui a réceptionné plusieurs demandes d’inscription en raison de ce projet. Concrètement, à chaque niveau d’enseignement correspond une proposition. Il y a six ans, avant que ne soit formalisé ce nouveau projet pédagogique, des ateliers de neurosciences avaient déjà été lancés en 5e. Puis des ateliers sur la gestion de l’attention en classe ont été mis en place pour les 6es ainsi qu’un « Parcours santé » autour de la connaissance de soi, de son corps et de ses émotions en 4e-3e. De plus, les enseignants, qui ont tous reçu une formation, peuvent varier les propositions en classe pour favoriser l’apprentissage des élèves. Avec un élève doté d’une intelligence logico-mathématique, ils privilégieront les tableaux ou les schémas. D’autres enseignants pourront en début de cours demander à leur classe de faire des mouvements pour réactiver le cerveau droit et gauche, prendre un temps de relaxation avant une évaluation ou encore réaliser des cartes mentales (un schéma à plusieurs branches favorisant la mémorisation). En 5e, ces ateliers mobilisent trois enseignants volontaires, qui ont reçu une formation individuelle complémentaire sur laquelle ils s’appuient ainsi que sur des ouvrages de référence (cf. Savoir plus).

L’enjeu est d’arriver à vulgariser des données scientifi ques sans les altérer », explique Lydia Le Chaix, professeur de SVT. La plasticité cérébrale et le rôle des neurones, l’inhibition cognitive ou l’importance du sommeil sur la mémorisation sont présentés. Mais ces ateliers restent ludiques : « Il n’y a pas de notes, prévient l’enseignante. Les élèves sont en demi-classe pour favoriser une participation interactive. Ils sont mis dans une posture de chercheur par la réalisation d’activités. Des volontaires viendront, par exemple, présenter un résumé de l’atelier précédent sous la forme d’une vidéo, d’une chanson ou d’une réalisation manuelle. »

Mémoriser ses cours

Une formule très appréciée par les 5es : « Je trouve cela plus amusant donc j’apprends mieux », confie Gabriel. « Dessiner des cartes mentales m’a permis de mieux mémoriser mes cours », ajoute Camille. Océane, elle, a appris à gérer son stress en identifiant les facteurs déclencheurs. Et Anaïs a pris confiance en elle en découvrant son intelligence interpersonnelle (elle aime apprendre en coopérant avec d’autres). Dernière innovation : le pôle « Caméléon », un nom choisi parce que « chaque élève a une couleur différente et des attentes propres auxquelles nous souhaitons répondre », précise le chef d’établissement. Les enseignants y trouvent des ouvrages en neurosciences, consultent les dossiers des élèves à besoins particuliers et peuvent être conseillés par un AVS (Auxiliaire de vie scolaire) et deux professeurs. Pour l’équipe éducative, ce projet d’établissement répond à un vrai besoin. « J’avais de plus en plus de collégiens en diffi culté et je voulais les aider sans pour autant négliger les bons élèves », témoigne Thomas Geslin, professeur de SVT, coordinateur des 6es, engagé dans un programme de recherche (cf. encadré). Même constat pour Wibke Pieper, enseignante d’allemand : « Les neurosciences m’aident à comprendre le fonctionnement des élèves et à mieux les accompagner. Désormais, je fais plus travailler un élève dyslexique à l’oral qu’à l’écrit. » Et Sophie Le Ruyet, professeur d’EPS avec Carole Poterre, enseignante spécialisée du dispositif Ulis, qui assurent le suivi des élèves à besoins éducatifs particuliers, de conclure : « En conseil de classe, cette connaissance plus fi ne des élèves est intégrée. Aucun jeune n’est laissé de côté. »

© E. VEILLAS

Savoir plus : Pascale Toscani, Comprendre le cerveau de son enfant, Hatier, 2019 ; Stanislas Dehaene, Apprendre, Odile Jacob, 2018 ; Jean-Philippe Lachaux, Les Petites Bulles de l’attention, Odile Jacob, 2016 ; Bruno Hourst, À l’école des intelligences multiples, Hachette, 2014 ; Francis Eustache, Les Petites Cases de ma mémoire, Le Pommier, 2013. Témoignages d’élèves en vidéo sur : stecroix35.fr (onglet «Visite du collège» puis «Les neurosciences»).