Quand enseignants et soignants travaillent ensemble
Lycée Notre-Dame-du-Mur – Le Porsmeur
Charlène Chartier - Pilote du Dispositif Alternatives Lycée
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À Morlaix (29), le lycée Notre-Dame-du-Mur – Le Porsmeur a créé, il y a huit ans, le DAL (Dispositif alternatives lycée), qui accueille des élèves souffrant d’anxiété et en décrochage scolaire. Depuis deux ans, il est adossé à une équipe de professionnels du secteur médico-social qui l’aide à bien accompagner ces jeunes.
À l’étage de l’internat du lycée général technologique et professionnel Notre-Dame-du-Mur – Le Porsmeur, à Morlaix (29), des élèves travaillent dans une ambiance studieuse. Nous voici au DAL (Dispositif alternatives lycée). Vingt-quatre élèves y sont inscrits cette année. « On accueille ici des jeunes aux profils variés : certains sont en recherche d’orientation, d’autres ont des problèmes psychologiques. Ils ont en commun d’avoir beaucoup d’anxiété et d’avoir connu des phases de décrochage », explique Charlène Chartier, responsable de ce dispositif qui existe depuis 2016. La directrice adjointe de l’époque, Christine Moysan, l’avait imaginé pour que des élèves qui ne pouvaient plus passer la grille de l’école gardent un lien avec le milieu scolaire. Au fil des ans, le dispositif s’est étoffé, passant de six heures d’accompagnement à dix-huit heures aujourd’hui, financées dans le cadre du PRE (Programme de réussite éducative). Sorte de micro-lycée, le DAL dispose d’un espace de 200 m2 auquel les jeunes accèdent par une entrée spéciale. Refaites récemment, les salles ressemblent à des espaces de coworking où les élèves étudient de multiples façons : sur de petites tables, assis sur une banquette, à plusieurs autour d’une grande table, sur des ordinateurs ou dans des poufs colorés…
Cours seulement le matin
Ils ne viennent que le matin, de 9 h à 12 h. La moitié d’entre eux suivent des cours en inclusion dans leur classe de référence l’après-midi. Les autres rentrent chez eux se reposer, ou se rendent à leurs rendez-vous médicaux. « Certains sont très fatigables en raison de leurs troubles ou parce qu’ils sortent d’hospitalisation », appuie Anne Pellé, enseignante référente du dispositif. Le mardi après-midi est consacré à des ateliers autour des compétences psychosociales : les élèves travaillent leurs capacités d’interactions via la médiation animale, leur sens de l’organisation et de la collaboration en ateliers cuisine… Pour les encadrer, Charlène Chartier et Anne Pellé sont présentes chaque matin, en plus d’un vivier de six enseignants des lycées pro et général, qui se relaient. Les lycéens, tous équipés d’ordinateurs, planchent en autonomie sur leurs cours déposés la veille par leurs professeurs sur un espace numérique. Les encadrants sont là pour réexpliquer une notion ou un outil méthodologique, mais aussi pour discuter. « On fait de la pédagogie individualisée, en s’adaptant à leur rythme. On échange avec leurs AESH pour placer les évaluations au bon moment. En n’étant présents que les matinées, ils ont beaucoup moins d’heures pour maîtriser le programme, donc il faut être efficace », souligne Anne Pellé, qui communique beaucoup avec les enseignants du lycée pour les sensibiliser aux besoins et aux façons de travailler de ces élèves particuliers. « On s’applique à ce que les élèves du DAL ne soient pas oubliés, bien que leurs professeurs ne les voient pas forcément, car tous ne sont pas en inclusion dans leur classe de référence », poursuit-elle.
Prise en charge précoce
Depuis deux ans, grâce à un partenariat entre le lycée et une équipe de professionnels médico-sociaux, les jeunes du DAL sont accompagnés encore plus finement. Ils bénéficient en effet de l’expertise d’Antoine Guillerm, infirmier détaché de l’hôpital de Morlaix, et de Faustine Hoffmann, éducatrice spécialisée de la résidence Saint-Michel, à Plougourvest, qui sillonnent le Finistère nord pour orienter les 16-25 ans en souffrance psychique vers des structures de soins et pour coordonner leur suivi, tout en soutenant leur famille. C’est le seul dispositif de ce type en Bretagne. « L’intérêt de notre présence, c’est la précocité de la prise en charge. Plus une détresse psychologique est traitée tôt, plus il y a de chances de maintenir des compétences cognitives, des capacités d’apprentissage et des liens sociaux », insiste Antoine Guillerm. Et leur pratique du terrain, depuis deux ans, confirme leur utilité : les jeunes qui vont mal vont plus mal qu’avant, certains n’ont pas de suivi, voire pas de médecin traitant. Au Porsmeur, le tandem échange une fois par mois avec les élèves du DAL mais aussi avec des lycéens de classe ordinaire pour dépister d’éventuels problèmes naissants. Ils peuvent aussi se rendre au domicile des jeunes. Les troubles qu’ils observent sont variés : premiers signes de schizophrénie, dépression réactionnelle à un décès ou à des tensions intrafamiliales, mal-être identitaire… « On balaye avec eux leur environnement social, leur santé physique et psychique, leurs loisirs, leur quotidien, leur scolarité… Puis on les oriente selon leurs besoins », précise Faustine Hoffmann, dont le travail consiste aussi à créer un réseau de partenaires (Mission locale, Centre départemental d’action sociale…) pour une prise en charge globale. Leurs partages d’informations, encadrés par un accord signé par les familles en début d’année, permettent à Charlène Chartier et Anne Pellé de mieux comprendre les difficultés de leurs élèves, d’adapter leur posture ou de différer un projet d’inclusion si l’élève n’est pas psychiquement prêt. « Ce lien facilite notre travail », estime Charlène Chartier. Si le DAL fait fonction de cocon rassurant, les jeunes s’y confrontent toutefois à l’altérité, ses vingt-quatre élèves n’ayant pas les mêmes difficultés. « C’est un cocon, mais avec des règles, reprend Charlène Chartier. On demande aux élèves de beaucoup communiquer avec nous. S’ils ne se sentent pas capables de venir un matin, ils doivent nous prévenir. »

Préparer à l’après DAL
Chaque mardi, les enseignants, AESH et responsables du DAL font aussi le point sur les élèves avec Jean-Marie Pouliquen, le directeur adjoint. Nombre de notes enregistrées pour évaluer la représentativité du semestre, blocage lors des évaluations, comportement en inclusion… Le but est de les préparer au mieux à l’après-DAL : le saut dans les études supérieures ou sur le marché du travail.
L’année dernière, cinq élèves du DAL ont obtenu leur bac. L’un d’eux a eu un petit coup de mou mais grâce à un appel téléphonique de Charlène Chartier à son établissement pour lui expliquer « son mode d’emploi », il est de nouveau sur la bonne voie. « C’est un dispositif qui répond à un vrai besoin des jeunes et des familles, conclut Maël Saillour, le chef d’établissement. Et pour nous, il fait vivre l’accueil de la différence. »