Une maîtrise qui va crescendo

Institution Sainte-Philomène à Haguenau (67)
Nicolas Wittner, directeur de la maîtrise
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Créée en 2007, la maîtrise de l’Institution Sainte-Philomène, à Haguenau (67), dont les effectifs ont augmenté au fil des ans, propose à ses élèves une formation musicale solide, notamment grâce à un partenariat avec la ville.

« Et si vous nous donniez aussi les exercices 6, 7 et 8 pour la semaine prochaine ? », demandent les enfants de CE2 en classe de musique avec Annette Schäfer. Voilà une demi-heure qu’ils font, à l’oral et à l’écrit, des lectures de notes et des dictées de rythme et ils en redemandent… Annette Schäfer, professeure à l’école de musique d’Haguenau (67), petite ville située à une trentaine de kilomètres au nord de Strasbourg, les encourage et les enfants restent concentrés. La quinzaine d’élèves font partie de la pré-maîtrise de l’Institution Sainte-Philomène. Les enfants ont « signé » en CE1, après un mois d’essai, leur participation à l’école maîtrisienne de l’établissement pour une période qui va du CE2 à la 3e… « Ce mois d’essai est crucial. Nous nous assurons qu’ils sont motivés et que le désir de chanter est bien le leur et pas seulement celui de leurs parents », explique Jean-François Petitdemange, chef d’établissement de l’école primaire. Dans une autre salle de l’école de musique, Nicolas Wittner, fondateur, animateur passionné de l’école maîtrisienne et professeur de musique du collège donne un cours de chant. Après s’être mutuellement massé les épaules et tapoté le dos pour se détendre, les collégiens s’étirent, relâchent leur mâchoire… Puis ils démarrent en douceur des vocalises afin d’obtenir un son plus ample. Nicolas Wittner est au piano et l’utilise pour leur faire comprendre ce qu’il voudrait entendre. « Si vous demandez à un enfant qu’un son soit plus soutenu, plus riche, plus ouvert, ou au contraire plus concentré, il ne saisit pas. Il faut le lui faire comprendre autrement, soit avec des petits exercices soit avec le piano », précise-t-il. Après cet échauffement, la douzaine d’élèves abordent avec entrain un passage de l’opéra qu’ils joueront bientôt devant des écoles de la ville en février, Les Enfants du levant, d’Isabelle Aboulker.

S’écouter et s’observer

Le travail est collectif mais Nicolas Wittner est attentif à chacun. « Je peux t’embêter un peu ? », interroge-t-il avant de faire travailler un enfant sur la prononciation d’un mot, la justesse d’un son ou l’attaque d’une phrase musicale. Pour « libérer » le chant, il demande aux élèves d’être plus expressifs avec leurs mains, leur corps, leur regard. Il teste de nouvelles pistes pour les aider à progresser, il les fait chanter par petits groupes, les invite à s’écouter et à s’observer mutuellement…
Plusieurs fois par semaine, à partir de 14 h 30, les 70 choristes du primaire et du collège se rendent à l’école de musique d’Haguenau pour participer à divers ateliers : technique vocale, solfège, déchiffrage de partitions, cours de théâtre… La formation est solide. Une vingtaine d’entre eux apprennent aussi à jouer d’un instrument et tous s’initient, au collège, à la guitare, au violon, au piano ou à la batterie ainsi qu’à la composition musicale à partir d’un clavier numérique.

Un projet de vie

Il ne s’agit pas d’une Cham (Classe à horaires aménagés musique), réservée aux établissements publics, mais les horaires des enfants sont également aménagés. En effet, les sept heures hebdomadaires de travail musical sont intégrées au temps scolaire. « Pour les enfants, l’école maîtrisienne, c’est un projet de vie, un projet intégral. Ils doivent être capables de gérer leur participation à la maîtrise et leur scolarité », note le professeur de musique. Pour autant, à moins qu’ils n’aient de très grosses difficultés, aucun élève n’est écarté d’emblée de la sélection permettant d’intégrer cette chorale de haut niveau. « C’est une source de motivation pour les enfants qui ne sont pas vraiment scolaires. Ils savent que pour continuer à chanter dans la maîtrise, ils doivent travailler efficacement les autres disciplines », assure le chef d’établissement, Jean-Marie Christ.
Nicolas Wittner a lancé le projet en 2007. Pianiste et chanteur, titulaire d’un Capes d’éducation musicale et de chant choral et d’un DE (Diplôme d’État) qui lui permet d’enseigner dans les conservatoires de musique, il a lui-même, durant sa jeunesse, participé à une maîtrise. « Cela a changé ma scolarité. J’ai adoré », confie ce passionné qui sait transmettre son goût pour la musique de façon joyeuse et bienveillante. Le nombre d’enfants inscrits dans la maîtrise n’a cessé d’augmenter au fil du temps, passant d’une trentaine au tout début à soixante-dix aujourd’hui.

Un opéra tous les trois ans

Le répertoire musical pour les chœurs d’enfants est vaste, puisqu’il va de la musique baroque à la musique contemporaine… Les enfants travaillent sur trois œuvres en parallèle et tous les trois ans, l’école maîtrisienne « monte » un opéra. Sur une année scolaire, ils se produisent une dizaine de fois sur scène, en France mais aussi en Europe. Parfois, ils vont à la rencontre d’autres ensembles vocaux, comme récemment à Lyon où ils ont donné un concert en commun. « La maîtrise renforce l’attractivité de l’établissement. Les parents qui inscrivent leur enfant nous interrogent sur son fonctionnement et la façon dont y sont recrutés les élèves », affirme Jean-Marie Christ.
Pas de doute, la maîtrise de l’Institution Sainte-Philomène est loin d’être une simple chorale d’enfants. Elle a en effet remporté, en 2023, le Prix Liliane-Bettencourt pour le chant choral décerné en partenariat avec l’Académie des beaux-arts dont le jury a salué les qualités musicales et la démarche artistique qui permettent aux jeunes « de se construire en tant que musicien et enfant ». Un prix doté de 50 000 euros et d’un accompagnement financier permettant de développer un projet. « Cette maîtrise est aujourd’hui à son plus haut niveau. Bien sûr, cela fait rayonner la ville d’Haguenau », estime Vincent Lehoux, adjoint à la culture à la mairie. Mais l’établissement ne perd pas de vue le bien-être des enfants, n’acceptant les invitations à se produire sur scène que si elles vont de pair avec un enrichissement musical.