Elèves et professeur

Place à l’intelligence collective !

Collège Saint-Joseph, à La-Guerche-de-Bretagne (35)
Patrick Bureau, chef d’établissement
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Groupe d'escrime
© A. SOBOCINSK

« Tout est lié », nous dit le pape François. Ainsi, notre relation aux autres doit être repensée au même titre que celle à la nature. Dans un établissement scolaire, ce pourrait être en changeant le mode de gouvernance. Un exemple au collège Saint-Joseph, à La Guerche-de-Bretagne (35).

Des rencontres parents-professeurs transformées en un temps d’échange plus approfondi avec deux enseignants de la classe ; un travail sur la mémorisation avec les professeurs des écoles alentour ; des actions pastorales avec le lycée catholique voisin et l’hôpital… Tous ces projets sont le fruit de conseils participatifs créés il y a deux ans au collège Saint-Joseph de La Guerche-de-Bretagne, en Ille-et-Vilaine. Cet établissement rural de 570 élèves, situé en périphérie de Rennes, entend aider ses élèves à ouvrir davantage le champ des possibles. Appelé par sa tutelle mennaisienne à la rédaction d’un projet d’établissement allant plus loin dans la valorisation des talents de chacun, le chef d’établissement, Patrick Bureau, arrivé en 2017, et l’équipe déjà très dynamique du collège ont imaginé un système de gouvernance qui s’appuie sur l’intelligence collective et la co-construction.

« Si l’encyclique Laudato si’ n’a pas été notre point de départ, nous partageons sa vision d’une écologie relationnelle et sociale qui implique une réflexion sur les modes d’exercice du pouvoir et le partage de la responsabilité », indique Patrick Bureau, qui s’appuie sur la doctrine sociale de l’Église et un récent cursus en licence de psychologie du travail. Après avoir mis en forme dans un livret, au printemps 2018, les repères qui composaient le bien commun de l’équipe (être tous partie prenante, prendre le temps de la relation, connaître et reconnaître chacun, responsabiliser les élèves…), un travail a été engagé pour faire évoluer les pratiques en partant de la base. « Nous avons fait le pari de la rencontre et de la subsidiarité, en initiant un mode de pilotage qui prend en compte la parole de chacun au service du développement de l’ensemble du collège », indique le responsable.

Tous les professionnels de l’établissement (enseignants, cadres éducatifs, adjoint en pastorale, personnels) sont invités à participer à l’un des sept conseils thématiques : Pédagogie, Pastorale, Usages numériques, Association sportive… Les collégiens, quant à eux, sont encouragés à apporter leur contribution au sein du conseil Vie scolaire, comme les familles au sein du conseil Relations École-familles.

Sept conseils thématiques

Chaque instance est pilotée par un binôme de référents volontaires qui fait valoir ses propositions, soit au sein du conseil d’établissement, soit auprès du chef d’établissement et du conseil de direction pour validation. À leurs côtés, des membres s’engagent comme permanents ou peuvent embarquer à titre de passagers ponctuels. « Ces conseils nous donnent un temps pour débattre et interroger nos pratiques. Cela permet de sortir de la classe et de partager ce que l’on vit au quotidien. Mais il n’y a ni format ni fréquence imposés », explique Myriam Boulet, enseignante d’espagnol et co-référente du conseil Ouverture. Cette dernière est à l’origine d’une harmonisation des pratiques en matière de voyages scolaires, désormais centrés sur la socialisation en classe de 5e et sur l’ouverture à l’Europe en 4e-3e. « La nouveauté tient dans la mise en œuvre : les conseils rendent le processus visible et explicite ! », se réjouit Elisabeth Desprez, co-référente du conseil Pastorale.

« Avec eux s’est ouvert un espace de créativité au collège », pointe Carole Herrmann, professeur de mathématiques, responsable du conseil Relations École-familles. « On se sent force de proposition », confirme son binôme Géraldine Delonglée, agent de cuisine et parent d’élève, qui apprécie le mélange des profils. « On comprend mieux aussi les réalités des uns et des autres et la nécessité de partir des besoins exprimés par chacun pour améliorer les liens entre nous », poursuit la co-référente du conseil.

« Tout ne repose pas sur un seul homme ! »

« L’idée, c’est de laisser les projets naître collectivement, l’opérationnel vient après. Cela permet d’être dans le partage du sens et de capter très finement aussi où chacun en est et jusqu’où on peut aller », souligne Patrick Bureau. Devenu personne ressource, il reste néanmoins celui qui rappelle le cadre et prend la décision in fine. « On sait qui s’occupe de quoi et suit telle ou telle question. Tout ne repose pas sur un seul homme ! Cela paraît plus solide en termes de fonctionnement, même s’il faut veiller à ne pas épuiser les troupes », relève Bénédicte Delorme, secrétaire de l’établissement.

L’élan repose sur « une responsabilité partagée », insiste Anne-Laure Rebours, enseignante en mathématiques, co- référente du conseil Pédagogie, à l’origine de l’expérimentation d’un parcours de 5e en deux ans. « On s’enrichit des idées des collègues, y compris des autres conseils, on tâtonne, on adapte, on priorise ensemble. Cela ouvre à une vision globale des enjeux sur l’ensemble des niveaux et au-delà même de notre établissement », complète la co-animatrice du conseil, qui réfléchit aussi avec les écoles et le lycée du secteur. « Il n’y a aucun impératif de réussite, juste l’envie d’avancer ! Et aucune réticence à faire tourner la responsabilité des missions entre nous, ce qui permet d’éviter trop de pression », insiste sa collègue Kristell Liger, co-référente du conseil Ouverture.

Déstabilisants au départ, les conseils incluent aujourd’hui la quasi-totalité des personnels. « Il nous faudrait favoriser la capillarité en impliquant davantage les jeunes et en développant les liens avec l’extérieur », analyse Elisabeth Desprez, adjointe en pastorale.

Le conseil Vie scolaire, auquel vingt-cinq élèves volontaires participent, constitue un premier pas. « On nous demande d’améliorer notre collège. Cela casse une certaine hiérarchie. On est à la fois soutenus et soutiens, bénéficiaires et acteurs ! », note Rafael, en 4e. Installation du chauffage dans les vestiaires, aménagement de casiers pour libérer la cour des cartables… ces réalisations très concrètes ont commencé à changer la vie dans l’établissement. Depuis la rentrée aussi, les jeunes conseillers « poussent » pour la création d’espaces verts au collège… « Nous n’étions pas prêts pour aborder ce sujet important, mais avec les jeunes, on va sûrement y arriver ! », admet le chef d’établissement. La boucle vertueuse est lancée. Reste à l’entretenir pour permettre à Saint-Joseph de rayonner au sein du territoire et d’attirer des élèves bien au-delà de la zone de recrutement du collège, comme cela a déjà commencé.