On en parle autour d’un Café ?
École de la providence, Vinay (38)
Marie-Hélène Guihard
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Tous les mois, l’école de la Providence de Vinay (38) héberge dans ses locaux le Café des parents. Ce temps d’échange sur des thèmes variés fait évoluer les regards sur la parentalité et s’inscrit dans la pédagogie de la relation mise en place par l’établissement.
C’est un rendez-vous qu’elle ne manque jamais, ou presque. Quand Léa, mère de deux élèves, vient au Café des parents, organisé une fois par mois à l’école de la Providence, à Vinay (38), elle ne « regarde pas forcément le thème ». Si elle est là, c’est avant tout pour « enrichir son rôle de parent ». Ce jeudi 5 décembre, dès 8 h 30, une banderole marron, suspendue au grillage de l’entrée de l’école, annonce le rendez-vous. Une douzaine de parents se sont rassemblés dans le chalet de bois situé dans le fond de la cour, derrière le petit terrain de football. Sur la table, de l’eau chaude, du café, quelques viennoiseries et une boîte de mouchoirs, plutôt utile. Car ce matin, on est là pour parler de la mort. Un thème souvent tabou, qui, huit ans après l’inauguration du premier Café des parents, revient régulièrement. Léa se souvient : « Il y a deux ans, mon père était hospitalisé et je ne savais pas comment en parler à mes enfants. J’ai participé au Café des parents où d’autres personnes passées par cette épreuve m’ont donné des ressources sur lesquelles je me suis appuyée une semaine plus tard lorsque mon père est décédé. »
Confronter ses réalités
Échanger dans un cadre bienveillant, appréhender d’autres visions de la parentalité, ou encore partager son expérience et ce, régulièrement. C’est le défi que se sont lancés les parents de l’école de la Providence et la cheffe d’établissement, Marie-Hélène Guihard, en instaurant en 2016, le Café des parents. « On confronte notre réalité à celle d’autres parents. Cela me donne confiance dans ma posture de mère, moi qui à un moment pensais avoir tout faux. C’est à la fois déculpabilisant et hyper-enrichissant », assure Tatiana, mère de trois enfants et membre de l’Apel, qui anime la rencontre du jour. Pour l’heure, elle rappelle quelques principes avant de lancer le premier tour de parole : « Le Café des parents n’est ni un lieu de conseils, ni de bavardages, mais de paroles où l’on parle en “je”. Ce qui se dit ici reste entre nous. Cet espace est ouvert à tous. »
Autour de la table, Marie-Hélène Guihard et les parents – trois pères et neuf mères. Parmi eux figure Alexandra, dont les deux enfants sont scolarisés dans l’école publique de Vinay. Informée du rendez-vous par le journal local, cette maman, veuve depuis deux mois, a souhaité livrer son vécu : « J’ai perdu mon épouse d’un cancer, le 24 septembre. Ma fille de 3 ans a accepté la perte de sa maman, on en parle tout le temps. Mon fils, lui, a eu beaucoup de colère. » Autour, les parents hochent la tête. Loin des « il faut » ou des « tu devrais », les prises de parole se ponctuent par des silences. Un impératif, selon Marie-Hélène Guihard : « le Café des parents n’est pas un lieu où l’on est interrompu, le silence imposé permet de se laisser le temps de penser, c’est rare. En fait, c’est un rendez-vous où l’on réfléchit avant, on écoute pendant et on cogite après. » Un cadre d’échanges que l’on peut difficilement retrouver ailleurs. « En famille ou entre amis, la conversation dévierait forcément », estime Léa.
Resserrer les liens
Si le Café est un temps dédié aux parents, Marie-Hélène Guihard tient à ce qu’une personne de la communauté éducative soit présente : « Le rôle de l’école va jusqu’ici car c’est au service de l’enfant. C’est le principe de co-éducation qui nous guide. Cependant on ne se retrouve pas là pour parler école. On aborde des sujets variés, définis avec les parents, comme l’argent de poche, Noël ou encore le temps d’écran, le sommeil, les religions et la laïcité. » Alors, dans l’équipe, ça discute : qui participe au prochain Café ? Si certaines personnes sont plus ou moins à l’aise avec les thématiques proposées, chacun y trouve sa place : aide maternelle, AESH, enseignante… C’est la cheffe d’établissement qui, mettant à profit son jour de décharge, assure le remplacement durant toute la durée du Café. Quand elle en explique la raison aux élèves, ces derniers sont « enthousiastes à l’idée que leurs parents participent au Café et qu’ils soient présents dans leur cour de récré ». Le lien suscité par l’initiative est multi-dimensionnel : entre parents, avec les enfants et l’ensemble de la communauté éducative. Daniel Blanc, président de l’Ogec de l’école, approuve : « Le Café des parents, c’est un maillon en plus, qui vient en complément de la pédagogie existante basée sur le bien-vivre ensemble. » Dans le petit chalet, les discussions vont bon train. Marie-Hélène Guihard a troqué sa casquette de cheffe d’établissement pour celle de maman et se livre : « Un jour, alors que je discutais avec ma mère de ses directives anticipées, mon fils de 8 ans nous a demandé pourquoi nous préparions la mort de mémé. Nous lui avons dit la vérité, très simplement. Il a répondu : “Ah ok, c’est bien”. »

« On ressort avec des questions sur soi »
Quelques sourires se dessinent sur les visages. Au fil des échanges, un premier constat se dresse : « Finalement les enfants gèrent mieux ce sujet que les parents », avance une mère. Une autre suppose : « Peut-être est-ce parce qu’ils ont moins investi sur la vie ? » Puis cette conclusion : « En fait, on vient pour parler des enfants, mais on ressort avec des questions sur soi, cela donne un autre regard sur la parentalité », fait remarquer Céline, adepte du Café depuis quelques années.
10 h 15. Un père sonne le glas de la rencontre : « Je dois filer au travail ! » La tablée regarde l’heure et s’étonne : « Nous avons rajouté une demi-heure l’an passé, ça ne suffit toujours pas », note Tatiana. Ce rendez-vous de décembre est une réussite pour elle : « D’habitude, il y a un petit noyau de parents qui participent, mais on voit que ça s’étend de plus en plus, c’est super que des papas aient été là. »