Notation en révolution

Groupe scolaire Saint-Laurent, Lagny-sur-Marne (77)
Marie-Laure Grandgirard, chef d’établissement
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Le groupe scolaire Saint-Laurent, situé à Lagny-sur-Marne (77), mène depuis deux ans un ambitieux projet sur l’évaluation. Noter de façon bienveillante, un objectif pas si facile à atteindre…

Avec la réforme du bac et l’introduction d’une part de contrôle continu dans le résultat final, la question de l’évaluation a ressurgi. Certains établissements s’en sont emparés en catastrophe, prévoyant que le contrôle continu allait s’imposer une nouvelle fois en raison de la crise sanitaire. Ils se sont alors efforcés d’harmoniser les notes des élèves tout au long de l’année.
D’autres en ont fait un vrai projet d’établissement. C’est le cas du lycée Saint-Laurent– La-Paix–Notre-Dame, situé à Lagny-sur-Marne (77), un groupe scolaire mariste paisible mais exigeant, qui a commencé à réfléchir au sujet il y a deux ans. « Le besoin de travailler sur l’évaluation est venu des équipes », se souvient le chef d’établissement Marie-Laure Grandgirard. Un comité de pilotage a été créé avec à sa tête quatre enseignants. L’inspectrice pédagogique d’histoire-géographie Janick Julienne, du rectorat de Créteil, est intervenue en soutien au projet et Benoit Skouratko, responsable du pôle Collège au département éducation du Sgec, a donné, en octobre dernier, une conférence en visio pour nourrir le débat.

« La réforme du bac a accéléré la réflexion autour de l’évaluation », confirme Solenn Letexier, enseignante de SVT, qui fait partie du comité de pilotage. Les épreuves communes sont organisées dans les établissements où sont scolarisés les élèves. Certes, les copies sont anonymes et les correcteurs n’ont pas les candidats comme élèves, mais cela interroge de façon plus aiguë sur la façon dont les enseignants les notent. « Pour une même discipline, il existe de grandes disparités d’un enseignant à l’autre. Et ils n’évaluent pas tous la même chose ! Il nous fallait réagir », explique Solenn Letexier.

Du côté des bacs professionnels, « l’évaluation prend davantage en compte des éléments venus du monde du travail. Par ailleurs, avec le renforcement de l’oral, sa dimension subjective est plus grande, ce qui peut aussi générer plus de partialité… », souligne Caroline Gonnet, professeur de gestion et finance. Une crainte qui oblige aussi à mettre les points sur les « i ».
Au lycée Saint-Laurent, le mot d’ordre est la bienveillance. « L’évaluation doit mettre en valeur l’individu et ce qu’il est capable de faire, même s’il a encore du chemin à parcourir. Elle doit être ajustée, c’est-à-dire qu’elle doit intégrer les efforts réalisés par les élèves pour leur permettre de progresser encore », pointe Caroline Gonnet. L’évaluation positive est donc la règle.

« Nous ressentons une bienveillance collective de la part des enseignants. Heureusement car dans les disciplines de spécialités, les coefficients sont de 16. Une mauvaise note lors d’un devoir sur table peut avoir un impact sur la moyenne annuelle. Ici, il est possible d’aller voir l’enseignant et de compenser une note très moyenne grâce à un devoir maison », expose Juliette, en Tle. Léo, en 1re, trouve « qu’il est toujours possible de discuter de façon informelle avec les enseignants et d’obtenir des conseils personnalisés pour progresser ».

Malgré tout, certains élèves ont du mal à comprendre les critères d’évaluation : « Au lycée, ils sont plus vagues qu’au collège. On peut travailler beaucoup et ne pas obtenir de bonnes notes », fait remarquer Nora, en classe de 1re. « Il est vrai que ce qui est demandé au lycée, c’est une certaine forme d’autonomie dans la réflexion individuelle et dans l’argumentation, développe Caroline Villordin, enseignante en histoire-géographie. Ce qui est évalué est donc assez subtil. C’est pourquoi, les commentaires que nous rédigeons sur leurs copies doivent être précis. » La justesse se reconnaît à certains signes. « Il faut être en mesure de justifier la note auprès des élèves et des parents. Si l’on ne parvient pas à le faire, c’est que quelque chose n’est pas clair », argumente Caroline Gonnet. D’où l’importance des grilles d’évaluation sur lesquelles travaille le comité de pilotage. « Le ministère de l’Éducation nationale indique les éléments fondamentaux sur lesquels faire reposer l’évaluation. Mais ce que nous nous efforçons de faire, c’est de rendre leurs critères concrets et utilisables par tous au sein d’une même discipline », estime Solenn Letexier. Un gros travail de « traduction » est donc à effectuer.

Pour autant, le comité de pilotage ne s’arrête pas là. Il ne cesse d’innover. Il a, par exemple, mis au point des grilles adaptées au confinement. « Il s’agissait de mieux gérer le contrôle continu dans ce contexte particulier des cours en distanciel », indique un de ses membres, Fabrice Vogel, professeur d’histoire-géographie. Des critères spécifiques sont apparus, comme l’investissement de l’élève, la régularité dans son travail, la qualité des devoirs remis aux enseignants, ses compétences numériques et le contact établi avec les professeurs. « Chacun de ces critères a été décrit de façon concrète. Nous leur avons aussi adjoint un barème allant de 1 à 4 », précise Fabrice Vogel. D’une façon générale, se mettre d’accord sur le sens des termes employés, harmoniser les attentes par compétences et lors des évaluations exige un important travail de concertation. « La clé, c’est d’étudier les descripteurs de chaque compétence, de préciser, pour chacune d’elles, le niveau de maîtrise à atteindre et de définir les objectifs visés sur une année », détaille Solenn Letexier. Les enseignants d’une même discipline ont pris l’habitude de se réunir régulièrement pour travailler sur les thèmes abordés dans leurs cours, sur ce qui est attendu des élèves et sur les critères d’évaluation. Il existe un coordinateur par discipline. Pour Christophe Mosset, professeur documentaliste, « le travail d’équipe a démarré sérieusement ». Même si quelques réfractaires estiment que la façon dont ils notent fait partie de leur liberté pédagogique…

Bien communiquer aux élèves les compétences attendues est essentiel. En juillet 2020, un atelier autour du grand oral a été organisé par le comité de pilotage avec tous les enseignants concernés. « Nous avons décidé d’expliciter les critères d’évaluation de cette épreuve afin que les lycéens sachent comment s’y préparer. Notre objectif est de les rendre acteurs pour qu’ils puissent aborder le grand oral dans de bonnes conditions… », affirme Solenn Letexier. Pour aller plus loin, un « Guide du grand oral » est en cours de préparation. Il sera distribué aux lycéens dès la rentrée prochaine.