Ecole

Neuf écoles et un collège partagent

Collège Saint-Joseph, Cossé-le-Vivien (53)
Tom Busson
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Enfants dans une classe
© E. Veillas

Conseil de coopération, élèves médiateurs, élèves tuteurs… Depuis deux ans, un collège et neuf écoles de Mayenne partagent des outils issus des pédagogies coopératives. Objectif : créer un « parcours citoyen » de la maternelle au collège.

Premier conseil de coopération, en cette rentrée scolaire, au collège Saint-Joseph de Cossé-le-Vivien (Mayenne) pour les 6es E, réunis en cercle au CDI. Mathieu Souchon, professeur principal, préside exceptionnellement la séance et en assure le secrétariat. Deux rôles qui seront dévolus à des élèves lors des prochains conseils. Au programme : des sujets concernant la vie de la classe ou du collège. « Je trouve que cela chahute pendant les intercours », fait remarquer un élève. « Qu’est-ce qui pourrait être mis en place pour que cela se passe bien ? », interroge le professeur. Des mains se dressent. « On pourrait donner le rôle de gardien du bruit à un élève », exprime l’un d’eux. « Ou aux délégués de classe », renchérit un autre. « Oui, mais dans ce cas-là, ce seront toujours les mêmes qui effectueront la tâche », souligne un camarade… L’enseignant clôt l’échange en appelant à voter à main levée. Pas d’unanimité aujourd’hui, aucune proposition ne sera adoptée. « On se laisse le temps d’y réfléchir », conclut Mathieu Souchon. La plupart de ces collégiens ont l’habitude de ces débats qu’ils ont connus dans le 1er degré. Depuis deux ans, le collège Saint-Joseph et neuf écoles des alentours ont mis en place en réseau « un parcours citoyen ». Le projet est né d’un constat commun : d’une part, les élèves semblaient de plus en plus individualistes, ce qui pouvait créer des difficultés relationnelles ; d’autre part, ils manifestaient le besoin d’être valorisés et responsabilisés. De leur côté, les enseignants cherchaient un moyen de stimuler la motivation des élèves. Pour ces établissements habitués à collaborer depuis longtemps, les pédagogies coopératives sont apparues comme une évidence : « Elles correspondaient à notre volonté de prendre soin du vivre ensemble et d’éduquer nos élèves à la relation », explique Mikaël Angin, directeur du collège. Résultat : les quatre-vingt enseignants du réseau ont participé à une formation en 2015-2016 aux pédagogies coopératives. « Dans toutes les écoles, au moins un aspect est mis en place, intervient Philippe Grimault, l’ancien directeur de l’école Sainte-Marie, voisine du collège, aujourd’hui chargé de mission à la direction diocésaine de Laval. Nous souhaitons qu’il y ait une continuité dans la proposition entre le 1er et le 2d degrés. C’est un projet à long terme pour former de futurs citoyens. »

Avec les conseils de coopération, l’objectif est de rendre les élèves acteurs de la vie de l’établissement. « Avant, il y avait bien des débats pendant les temps de vie de classe, mais ils étaient fouillis, aujourd’hui c’est très cadré, explique Sophie Gargam-Segrétain, professeur référente du niveau 6e. La classe est disposée en forme de U ; un élève est élu président de la séance et distribue la parole ; un secrétaire et un gardien du temps sont choisis. Enfin une boîte à idée est ouverte à chaque séance pour que les élèves y déposent une proposition ou expriment ce qui va bien ou pas.

Des idées qu’ils auront à argumenter devant leurs camarades en conseil. » Des décisions peuvent être prises pour la classe lors d’un vote à main levée, mais peuvent également faire l’objet d’une proposition débattue en conseil de coordination. Ce dernier est basé sur le même modèle que le conseil de coopération mais il rassemble les délégués de classe, le directeur et des éducateurs.

Trente élèves formés pour être tuteurs

L’année dernière, plusieurs propositions ont été adoptées et réalisées, comme l’installation de casiers pour les sacs de sport qui encombraient les classes, de séchoirs dans les toilettes ou encore la mise en place d’une opération bol de riz pour une association. Eloïs, élève de 3e, Lucile et Guénaël en 4e, ont été heureux en tant que délégués d’avoir été consultés : « Tout le monde peut présenter un projet. Il est étudié et s’il est accepté, il est réalisé. C’est concret, on voit le résultat. »

Par ailleurs, un outil, intitulé « les messages clairs », est proposé aux élèves en début d’année pour apprendre à écouter son ressenti et l’exprimer. Il peut être utilisé lors de petits conflits qui ne nécessitent pas l’intervention d’un adulte. Un élève est ainsi invité à formuler « un message clair » à celui qui l’a blessé. Si son interlocuteur accepte, il lui présente les faits et les émotions qu’il a ressenties. Il conclut en demandant à son camarade s’il a bien compris. Si la réponse est oui, le « message clair » est terminé. « Cela permet de poser des mots sur les conflits. Des enfants qui ont vécu une dispute à la récréation ne sont pas disposés à suivre un cours, explique Philippe Grimault. Nous voulons les mettre dans les meilleures conditions pour apprendre. »

Au collège Saint-Joseph, ont aussi été mis en place des médiateurs. Des élèves volontaires, visibles à leur brassard fluo, peuvent intervenir pendant la récréation lorsque, dans un conflit, le « message clair » n’est pas entendu. En suivant un protocole précis, ils essaient d’instaurer un dialogue. L’année dernière, une vingtaine d’élèves se sont relayés pour assurer ce service pour lequel ils ont été formés. « Aujourd’hui, nous intervenons moins pour régler des petites disputes », indique Sylvie Anet, éducatrice de vie scolaire. Rozenn, Bertille, élèves de 5e, et Alexis, en 3e, témoignent : « Nous avons vécu les mêmes situations que les élèves qui se disputent. C’est pourquoi ils préfèrent nous parler plutôt qu’à des éducateurs. »

Autre proposition faite aux élèves : le tutorat. « L’objectif est de créer un co-enseignement entre pairs et que chaque élève puisse trouver sa place », explique Anthony Bouhallier, professeur référent de 4e. Deux fois par semaine, en fin de journée, les élèves sont en « temps partagés » pendant cinquante minutes. Ceux qui n’ont pas de difficultés travaillent en autonomie. Les autres sont en petits groupes et ils peuvent solliciter l’aide d’un professeur, d’un adulte ou d’un élève-tuteur. Mathys, en 4e, faisait partie l’année dernière de la trentaine d’élèves qui ont été formés pour être tuteurs : « Pour aider un camarade à trouver la solution d’un exercice, je lui pose plein de questions. Le but, c’est de travailler ensemble. »

À l’école Sainte-Marie, à quelques mètres du collège, les élèves vivent aussi des conseils de coopération ainsi que des conseils de délégués. Même les délégués des maternelles y participent ! Il y a également des élèves médiateurs et un projet de tutorat devrait voir le jour. « Grâce à tous ces outils, on désamorce bon nombre de conflits, explique Jean-Luc Péan, enseignant en cycle 3. Les élèves acquièrent de la maturité. Et le conseil de coopération est un bon exercice de prise de parole et un apprentissage de la démocratie. » Deux ans après le lancement du projet, comme au collège, le bilan est donc très positif à l’école Sainte-Marie et l’équipe soudée autour de cette initiative. « Cela ne résout pas tout, tempère Xavier Bréhard, enseignant de cycle 2, mais nous avons la conviction que cela aidera nos élèves plus tard ». Pour le nouveau directeur de l’école, Reynald Bouttard, il est important que le projet reste en mouvement, et qu’une réflexion soit menée sur la formation des nouveaux enseignants et directeurs d’établissement car « nous voyons bien la force de l’implication de l’ensemble du réseau dans la réussite de ce projet. »

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© E. Veillas