élèves classe

Mon éco-école au quotidien

École Saint-Michel, Yvetot (76)
Aurélia Sery
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cantine
A. Sobocinsk

Faire de l’éducation au développement durable un mode de vie. Tel est le sens de la démarche que cherche à construire l’école Saint-Michel d’Yvetot, qui vient d’obtenir pour la première fois le label international Éco-École.
Avec l’engagement de tous ses acteurs et partenaires, c’est un nouvel esprit d’école qui se vit.

À l’école Saint-Michel d’Yvetot (Seine-Maritime), l’éco-responsabilité devient réalité. De l’espace de recyclage, situé à l’entrée de la cour, à la table de tri et au composteur installés à la cantine, en passant par les corbeilles réservées au papier dans les classes, des habitudes nouvelles se prennent et les comportements changent. « C’est modeste mais on avance ! », se réjouit Aurélia Sery, la chef de cet établissement congréganiste sous tutelle des Sœurs de Saint-Joseph-de-Cluny, qui compte 610 élèves.
Dès sa nomination il y a deux ans, la responsable, désireuse de répondre à l’appel du pape François lancé dans l’encyclique Laudato si’, a invité toute la communauté à placer l’écologie au cœur du projet d’école. Optant pour une stratégie des petits pas sécurisante et structurée, l’équipe s’est engagée dans l’obtention du label international Éco-École (2 500 établissements en France en 2019). Année après année, la démarche propose d’aborder huit thèmes : les déchets, l’énergie, l’eau, les solidarités, l’alimentation, la santé, le climat et la biodiversité.
À l’école Saint-Michel, tout a commencé par la construction de la nouvelle cantine pour l’élémentaire et la gestion problématique de ses déchets. « Même sans fabrication des repas sur place, les poubelles débordaient, tout était mélangé. Cela nous a incités à repenser notre fonctionnement. Jeunes et adultes devaient apprendre à trier, de la cantine jusqu’à la salle de classe !», explique Aurélia Sery.

De 10 à 20 kg d’aliments jetés en moins

D’emblée, les élèves ont été étroitement associés. « L’idée est de leur donner des clés concrètes pour réfléchir au respect de leur environnement, au devenir de la planète, à leur rapport au monde et pour agir ! », précise la chef d’établissement, qui espère les voir devenir de réels ambassadeurs jusqu’à la maison, au centre aéré et dans les clubs qu’ils fréquentent. Les délégués, devenus éco-délégués, ont donc pour mission, depuis la rentrée, de sensibiliser leurs camarades au gaspillage alimentaire et au tri des déchets. Ils sont relayés par les membres de l’équipe éducative. « On a eu des réunions pour réfléchir ensemble aux messages qu’on pouvait transmettre en classe : ne pas jouer avec la nourriture, prendre juste ce dont on a besoin, ne pas se tromper de poubelle ni laisser traîner les papiers par terre », explique Daphné, éco- déléguée en CE1, qui prend son rôle très à cœur. « C’est important que tous les élèves se sentent responsables. Dans la cour, on a organisé des ramassages de déchets. Pareil pour la cantine : c’est un lieu beaucoup plus agréable ! », soutient Clément, éco-délégué en CM2. Parmi les nouveautés : la mise en place, depuis la Toussaint, d’une table de tri au bout de la ligne de self. Si elle a créé des bouchons au début, l’opération est désormais exécutée par chacun en quelques secondes montre en main, précise Isabelle Tierce, personnel Ogec. Elle a été complétée par l’installation d’un bac à compost qui viendra nourrir les plates-bandes de l’école et celle d’un espace de recyclage proposé par les enfants à l’entrée de l’établissement. Affichés semaine après semaine, les résultats de la pesée des restes parlent d’eux-mêmes : de 30-35 kg d’aliments jetés par semaine, l’école atteint régulièrement les 10 kg désormais. « Ce n’est pas parfait ni généralisable à tous les repas. Cela dépend aussi beaucoup des menus – les jours de poisson, c’est plus difficile. Mais il y a une réelle prise de conscience des enfants, un ajustement des commandes aussi et une baisse concrète du nombre de déchets », a pu observer Marie Lebreton, recrutée en service civique cette année pour aider les enfants à cette prise de responsabilité et à valoriser leurs progrès. « Ce qui me frappe, c’est le changement de sujets avec les délégués, indique Aurélia Sery. Du “plus de frites à la cantine’’, on est passés à ce que l’on partage et comment en prendre soin : c’est là que l’école joue pleinement son rôle éducatif ! » En complément du comité de pilotage pour le label, deux commissions restauration ont été organisées en cours d’année avec les éco-délégués, les parents, les enseignants et personnels Ogec pour aller plus loin dans l’organisation de la cantine. La question d’une valorisation des déchets biodégradables via leur méthanisation a été abordée, celle des circuits courts sera évoquée au prochain point d’année avec la société de restauration de l’école…

À l’heure de la généralisation du développement durable dans les pro grammes, l’expérience vécue au quotidien a été un terreau riche pour l’équipe enseignante. « Cette mise en cohérence crée du sens et les touche beaucoup », observe Béatrice Lefebvre, enseignante de CE1 qui a fait des maths avec ses élèves à partir des pesées à la cantine, du français via l’écriture d’une charte éco-citoyenne, de l’Éducation morale et civique (EMC) à travers la notion d’engagement…

Transversale, la dynamique a tissé des liens nouveaux de la maternelle au CM2, dont l’aboutissement a été la journée Éco-École en mai proposant à tous les enfants vingt-cinq ateliers de sensibilisation à l’environnement. Favorisant la mise en projet de façon plus collective, la dynamique fédère bien au-delà du seul niveau pédagogique et permet un changement d’échelle. « La force de la démarche tient dans son caractère global : depuis le début, tous les partenaires de l’école (l’Ogec, les parents d’élèves, les collectivités locales, les associations) nous suivent », insiste Aurélia Sery.

« L’adhésion au projet nous est apparue naturelle. On parle beaucoup de Responsabilité sociale des entreprises (RSE). À l’école, il faut faire pareil », commente Yves Delavigne, président de l’Ogec de Saint-Michel, qui a financé l’équipement du self (1,4 M €) et imagine déjà une révision prochaine de l’éclairage avec des solutions moins énergivores. « C’est de l’investissement, des coûts de fonctionnement différents et des économies potentielles, ajoute le responsable, prêt à une gestion plus efficiente de l’école au patrimoine impeccable, vieux de 300 ans. Mais c’est surtout des conditions d’accueil et une responsabilité que l’on transmet aux enfants ! »

Des gobelets réutilisables

Dans la démarche, les parents ont également trouvé leur place. « Le label a agi comme un catalyseur. Beaucoup de familles ont rejoint l’Apel avec l’envie d’accompagner l’école sur ce thème décisif pour l’avenir des enfants », relève Carole Genest, vice-présidente de l’association de parents, qui a commencé par offrir des gobelets réutilisables à chacun au sein de l’école, a révisé sa gestion des lots pour la kermesse, et réfléchit à la commande de matériaux scolaires plus durables. « En tant qu’école catholique, c’est une invitation à se recentrer sur la qualité de ce que l’on vit ensemble, sans culpabilisation, apprécie la jeune maman. Les enfants ramènent plein d’idées à la maison et cela amène des partages de connaissances différents des apprentissages classiques ! »
C’est la première fois aussi qu’autant de liens se tissent avec les partenaires institutionnels : mobilisation pour les ateliers de la journée Éco-École, visite dans toutes les classes de l’ambassadeur de tri de la communauté de communes, projet avec la mairie d’installation d’un local à vélos à proximité de l’école… « On se sent soutenus et parties prenantes du territoire, se réjouit Aurélia Sery. Cela donne envie de faire plus de choses encore ! »