Micro-collège : une main tendue aux décrocheurs

Micro-collège Saint-Augustin, Perpignan (66)
Sébastien Munoz, chef d'établissement
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À Perpignan (66), seize élèves de 11 à 15 ans retrouvent le goût des apprentissages au micro-collège Saint-Augustin. Créée il y a un an, cette structure, rare en France, offre une pédagogie sur-mesure dans un cocon bienveillant.

Il ne se sépare jamais de sa balle de relaxation. « Ça m’aide à me concentrer », confie Noé, 11 ans. En cette fin septembre, un rayon de soleil illumine le visage de l’adolescent. « Je suis heureux ici », souffle-t-il. « À la rentrée, il n’osait parler à personne, se souvient Johana Desperamont, sa professeure principale et enseignante d’anglais. Il pleurait, persuadé qu’il n’y arriverait pas. Il gagne en confiance chaque jour. » Cette métamorphose a été possible grâce au micro-collège Saint-Augustin, à Perpignan (66). « C’est un sas pour calmer les angoisses », indique d’emblée Carine Pouplier, qui vient de prendre la direction de l’établissement. Rattaché à l’institution Jeanne-d’Arc voisine, ce petit collège accueille seize jeunes en décrochage scolaire âgés de 11 à 15 ans. Tous ont traversé des épreuves – harcèlement, drames familiaux, maladies… – qui les ont conduits à l’absentéisme : « Certains de nos élèves n’ont pas mis les pieds dans une école depuis des mois, voire plusieurs années, explique la directrice. Ils ont tous un rapport très compliqué à l’institution scolaire. Notre priorité est donc de les ramener progressivement aux apprentissages. »

Un collège à taille humaine

Surtout ne pas les brusquer. Le cocooning est la clé. Contrairement aux établissements scolaires traditionnels avec leurs immenses bâtiments et leurs classes bondées, Saint-Augustin a élu domicile dans une petite bâtisse modeste, à deux pas du collège Jeanne-d’Arc, dont les murs en pierre et en plâtre rappellent une école de village. « Nous voulions que l’environnement soit rassurant, intimiste, presque familial », pointe

Sébastien Munoz, ancien responsable du collège Jeanne-d’Arc et du micro-collège Saint-Augustin qu’il a initié. « On avait un jeune qui pleurait chaque matin en sortant de la voiture de ses parents. Alors, on allait le chercher, on le rassurait. Quatre mois plus tard, il prenait le bus ou le train tout seul. C’est une de nos victoires ! », se souvient-il. Toute l’équipe est aux petits soins. « Avec notre feeling de maman, on les accompagne pendant la pause méridienne, racontent Maguy Serra, la secrétaire de direction et

Sandrine Solé, l’économe. Ils disposent d’une heure pour déjeuner et faire la vaisselle dans la petite cuisine attenante à leur salle de classe. On fait en sorte qu’ils se sentent bien. » Au cœur de la pédagogie du micro-collège, une idée simple : c’est l’École qui doit s’adapter à ces élèves, et non l’inverse. « L’objectif n’est pas de les stresser avec des notes, mais de leur redonner envie d’apprendre », affirme Johana Desperamont. Dans cette classe unique regroupant quatre niveaux (de la 6e à la 3e), l’enseignante jongle avec les besoins différents de ses élèves. « Dès le début de l’année, nous commençons par des jeux pour favoriser la cohésion », souligne-t-elle. Cela peut aller du “Jacques a dit” en anglais aux quiz de culture générale avec des questions simples comme “Que signifie Men in Black ?”. Cela permet de briser la glace. » Les élèves sont regroupés en îlots. Cet après-midi de septembre, une atmosphère studieuse règne dans leur immense salle de classe. Sous le regard bienveillant de deux professeurs de mathématiques, chaque collégien se concentre sur son manuel, avançant à son propre rythme. « On fait du sur-mesure, note la professeure principale. Chaque cours est un ajustement. »

L’évaluation aussi s’adapte à ce rythme particulier. « Nous ne faisons pas d’évaluation avant un mois et demi. On leur laisse le temps d’acquérir les notions et quand ils se trompent, ils peuvent recommencer », précise Johana Desperamont.

Avec leurs quatorze professeurs, les élèves font régulièrement des activités qui débordent du cadre académique : « Notre priorité c’est leur bien-être, pas leurs résultats », insiste Johana Desperamont. Journée d’intégration, Laser game, déjeuner autour d’une pizza ou d’un burger : des activités conviviales sont régulièrement proposées afin de souder le groupe. « Ce sont des moments précieux qui contribuent à leur épanouissement », estime Sébastien Munoz. « Les activités sportives comme la voile, le paddle ou l’escrime permettent aussi aux élèves de se reconnecter avec leur corps et d’apprendre à gérer leurs émotions », fait remarquer Florine Sans, professeure d’EPS. « C’est pendant ces moments-là que l’entraide entre nous est la plus forte », remarque Sylvain, en 3e. De son propre aveu, c’est grâce à cette école qu’il s’est reconstruit, après des mois d’errance scolaire suite à une maladie. À la fin de l’année, il passera le brevet et se réjouit que l’organisation des examens soit pensée pour éviter tout stress inutile.

Pas de stigmatisation

Tous les enseignants semblent convaincus de l’importance de l’aide à l’orientation et s’y investissent, chacun à son niveau. Ainsi, Sophie Del Gatto, enseignante de mathématiques et de la spécialité NSI (Numérique et Sciences informatiques), sensibilise aux stéréotypes de genre associés aux métiers par un atelier méridien de débat et un projet Erasmus+ sur la place des femmes dans l’histoire des sciences. Pour Caroline Bartiaux, enseignante de français, « le plus délicat est d’amener des élèves, un peu fragiles scolairement mais focalisés sur un métier assez ambitieux, à élaborer un plan B ; mais aussi d’accompagner ceux qui n’ont absolument aucune idée ni envie ». Pour ce faire, les enseignants ont appris à raisonner, comme en lycée pro, en termes de familles de métiers et travaillent davantage avec les universités, « qui intègrent enfin les nouvelles spécialités dans leur communication et leurs propositions de remise à niveau », salue Caroline Bartiaux.

Pendant ce temps, la classe de 2de de Dolores Latosinski, enseignante d’histoire-géographie, vit un nouveau temps d’aide à l’orientation qui prend une modalité particulière : il s’agit de participer au groupe de

« Nous faisons passer les élèves en dernier pour qu’ils ne soient pas trop exposés », justifie la professeure principale. La recette est payante : les trois élèves qui ont passé le brevet l’an dernier l’ont réussi avec mention. Pour Solal, actuellement en 2de, le retour vers la normalité est très progressif. Chaque jeudi, les élèves de Saint-Augustin rejoignent les collégiens de Jeanne-d’Arc pour suivre avec eux des cours de musique ou des séances de laboratoire. « Ce processus d’inclusion leur permet de s’habituer peu à peu à un environnement scolaire plus classique. Ils ne sont jamais stigmatisés », reconnaît Sébastien Munoz.

Un projet né d’une urgence

L’idée de créer le micro-collège Saint-Augustin lui est venue d’un constat : celui de l’aggravation du décrochage scolaire suite à la pandémie de Covid-19 et de l’absence de structures qui répondent à ce besoin massif. « Nous en avons discuté en conseil pédagogique », évoque-t-il. Puis, en vertu d’un formidable alignement des planètes, les choses sont allées vite. » Bénéficiant du Plan en faveur des réussites éducatives du Sgec et avec l’appui de l’Enseignement catholique et notamment de la déléguée épiscopale du diocèse

Perpignan-Elne, Catherine Saby, les moyens ont été alloués rapidement, permettant d’ouvrir à la rentrée 2023. Une création appréciée par les familles, car les alternatives pour les élèves en décrochage se limitent souvent à de coûteux établissements hors contrat. « Chez nous, la contribution des familles dépend des revenus des parents via le quotient familial, souligne

Sébastien Munoz. C’est aussi une des missions de l’Enseignement catholique que d’offrir aux élèves en grande difficulté un espace sécurisé pour reprendre pied. » D’autres micro-collèges ont ouvert ces dernières années, comme celui de Saint-Joseph, à Bordeaux, ou de La Salle – Saint-Charles, à Marseille.

Les prénoms des enfants ont été changés pour respecter leur anonymat.