L’option climat pour donner envie d’agir
Ensemble scolaire Fénelon – Notre-Dame, à La Rochelle (17)
Fanny Rubia, éducatrice à la Transition écologique et sociétale
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Dans le cadre d’une option innovante, des lycéens de Fénelon – Notre-Dame, à La Rochelle (17) sont partis une semaine dans les Alpes à la découverte des glaciers. Un voyage multidimensionnel, où compréhension des enjeux environnementaux rime avec dépassement de soi et lutte contre l’éco-anxiété.
Un trajet en bus de nuit. La lumière d’un tunnel révèle les visages de lycéens endormis. Au petit jour, la montagne défile derrière les vitres. Des panneaux bleus indiquent une destination : Chamonix. Ilouna, Enzo, Marion, Léo… Ils ont entre 16 et 18 ans et viennent de l’ensemble scolaire Fénelon – Notre-Dame, à La Rochelle (17). Leur point commun : avoir choisi l’option Demain c’est nous, insufflée en 2018 par François Bernard, alors professeur de technologie au collège, partisan de l’expérience collective sur le terrain. Chaque année, les jeunes travaillent sur un projet en lien avec l’environnement. En 2023, l’enseignante d’histoire-géographie Fanny Rubia a repris le flambeau. Nul besoin de traverser la planète pour mesurer l’ampleur du réchauffement climatique : dans les Alpes, 50 % à 90 % des glaciers existants pourraient disparaître d’ici à 2100. En plus des aspects pédagogique et écologique, ce projet s’inscrit dans une démarche d’éducation aux enjeux environnementaux. Il permet aux élèves de se dépasser et de faire diminuer leur éco-anxiété par l’action. C’est ainsi tout un pan de leur personnalité qu’ils vont découvrir au cours de cette expédition d’une semaine.
Un paysage gris piqué de blanc, le glacier de Leschaux. Les jeunes descendent le long d’échelles fixées à la pierre. Des panneaux indiquent le niveau d’enneigement des années précédentes. « Depuis 2015, je ne pensais pas que ça aurait autant descendu ! C’est un peu triste mais on se rend ainsi compte du changement climatique », débriefe une élève. Chaque été, la Mer de Glace se réduit un peu plus. « En un été on a perdu neuf mètres d’épaisseur. Pendant l’hiver, elle se recharge un peu, mais ce n’est pas assez pour compenser la perte », explique Heïdi Sevestre, glaciologue, qui accompagne les élèves. Aussi accablant soit-il, cet état des lieux mérite d’être connu, déclarent les lycéens unanimes. « On ne peut pas être dans le déni », affirme Marion. Un autre élève insiste : « Ce n’est pas en lisant que je vais avoir un déclic, c’est en allant le constater. » C’est toute la force de l’option Demain c’est nous : aller sur le terrain.
Un constat accablant
D’une main, les jeunes caressent la glace tempérée du glacier. L’aventure au cœur des Alpes leur permet de comprendre les causes du changement climatique, notamment le tourisme de masse. Heïdi Sevestre insiste sur « la valeur inestimable » d’une mer de glace, impossible à « recréer artificiellement », alors même que la ville de Chamonix, à rebours des enjeux climatiques, continue à promouvoir un tourisme « de luxe » sur le glacier. Les jeunes approfondiront cette idée lors d’une enquête auprès des habitants sur l’évolution de leur ville, l’accélération de la fonte des glaces, les possibles solutions…
Ascension d’un sommet
Le documentaire s’achève sur l’ascension d’un sommet. L’occasion pour les lycéens de se découvrir de nouvelles capacités. « J’ai compris qu’on peut y arriver quand on veut se donner les moyens », retient Léonie. Enzo explique mieux contrôler sa peur de l’inconnu. Pour l’enseignante, ce voyage leur apprend à aller au bout de leurs idées, de comprendre que « si je m’allie à quelqu’un, il va pouvoir m’aider ».
Les jeunes sont les plus touchés par l’éco-anxiété
En France, 2,5 millions de personnes souffrent d’éco-anxiété, selon une enquête de l’Observatoire de l’éco-anxiété. Parmi elles, les jeunes âgés de 16 à 25 ans sont les plus touchés. Face à cela, un remède, selon Fanny Rubia : agir, et pour cela, l’option Demain c’est nous vient à point. « L’avantage de faire partie d’un groupe, c’est l’action, le sentiment d’aller dans le bon sens. Ce que permet cette option, c’est de sortir de l’éco-anxiété. » Depuis leur randonnée dans les Alpes, les élèves de cette option ont présenté leur initiative à la Fondation GoodPlanet, présidée par Yann Arthus-Bertrand. Le documentaire a également été projeté au festival international du Film et du Livre d’Aventure de La Rochelle, le 17 novembre 2024. Une façon pour les jeunes, qui ont depuis quitté le lycée, de poursuivre l’épopée et le combat

L’option climat
Demain c’est nous est une option scolaire et une association, créées en 2018 par l’enseignant François Bernard au collège-lycée Fénelon – Notre-Dame de La Rochelle (17), avec une idée : pour comprendre pleinement le changement climatique et avoir envie d’agir, il faut sortir de la classe, afin que l’élève appréhende et mesure par lui-même son impact sur son environnement. Ce projet de pédagogie innovante est parrainé par la glaciologue Heïdi Sevestre, Cyril Dion, auteur et réalisateur écologiste, et le ministère de la Transition écologique et solidaire.
Expérimenté en 2017 avec des élèves de 3e pour un premier voyage en Arctique, cet EPI (Enseignement pratique interdisciplinaire) regroupe maintenant entre vingt et trente élèves, de la 2de à la Tle. Exit les notes et les devoirs. Au sein de cette option, les lycéens travaillent librement et en équipe, deux heures par semaine, sur les projets de leurs choix. L’enseignant accompagne les réflexions et encadre les projets. Avec l’objectif de développer la confiance en soi des jeunes, favoriser l’esprit de coopération et organiser l’aventure collective en pleine nature. Tout enseignant peut prendre en main l’option, qui vise l’horizontalité, l’encadrant apprenant en même temps que ses élèves. Ces derniers s’investissent d’ailleurs dans le projet du début à la fin : découverte du sujet, recherche de fonds, discussions avec des chercheurs, organisation du voyage… Cette aventure pédagogique a vocation à se multiplier. Un kit pédagogique est disponible pour que l’option soit dupliquée dans d’autres établissements selon des modalités adaptées à leur contexte. Ainsi, pour la rentrée 2025, huit nouveaux candidats se sont déjà fait connaître.