Enfants

L’inclusion, un projet partagé à Largenté

Groupe scolaire Largenté, Bayonne (64)
Chef d’établissement : Philippe Mayté
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Enfants cour récréation
© A. Sobocinski

Le groupe scolaire Largenté, près de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), accueille une cinquantaine de collégiens à besoins éducatifs particuliers et… affiche 100 % de réussite au brevet ! L’inclusion y est un projet vécu par toute l’équipe, en lien avec l’école, le lycée et les partenaires médico-sociaux.

À Largenté, tout a commencé avec la loi sur le handicap de février 2005 et le souhait « de vivre l’inclusion non plus comme une contrainte mais comme une réelle opportunité », expose Philippe Mayté, le chef d’établissement. Cet ensemble scolaire, proche du centre- ville bayonnais (Pyrénées-Atlantiques), accueille près d’une centaine d’élèves à besoins éducatifs particuliers (dont la moitié au collège qui compte 480 élèves) reconnus ou non en situation de handicap et affiche 100 % de réussite au brevet. « Chez nous, il n’y a pas de sélection des dossiers, pas de classes d’élite, mais une hétérogénéité dont on croit qu’elle apporte beaucoup en termes de valeur sociale mais aussi de qualité des apprentissages », ajoute Philippe Mayté, dont la devise de la tutelle ursuline « Insieme » (ensemble) a été placée au cœur du projet d’établissement. L’enjeu est de rester « une école ordinaire » et « surtout pas de devenir un établissement spécialisé ou ghettoïsé de l’intérieur », insiste le directeur.

Oui, mais comment ? D’abord en misant sur la qualité du suivi et le développement de dispositifs adaptés tout au long de la scolarité. Après avoir encouragé les professeurs à se former à la différenciation pédagogique, un Service d’accompagnement à la scolarité (SAS) est né en 2013, financé par le plan Réussite pour tous de l’enseignement catholique. L’idée : aménager des « lieux de répit » pour les collégiens en difficulté. Au programme, des activités éducatives (yoga, théâtre, sophrologie, recyclage-collecte…) ou pédagogiques ayant vocation à générer du plaisir et de l’engagement pour donner aux jeunes une autre image d’eux- mêmes et de la réussite. À raison de deux à trois heures par semaine, sur le temps de l’accompagnement personnalisé, les collégiens concernés (40 à 50 en moyenne, soit 10 % maximum des effectifs du collège) ont été invités à ces séances conçues par les enseignants en interdisciplinarité et en complémentarité avec les dispositifs d’aide personnalisée (Plan d’accompagnement personnalisé et Programme personnalisé de réussite éducative).

En contribuant au maintien d’une scolarité « normale » tout au long du collège (intégration en classe), à l’orientation positive en fin de collège (la majorité des élèves sont orientés en 2de générale) et à la mobilisation de plus en plus d’enseignants, une dynamique encourageante a été initiée. Autant de premiers pas facilités sans doute par la présence d’une psychologue dans l’établissement pour le suivi de l’accompagnement personnalisé (repérage des difficultés, mise en place des aménagements et des aides, montage des dossiers en lien avec la MDPH1 et les partenaires) qui a su aussi apporter un autre regard.

En 2015, l’équipe du collège a voulu franchir une nouvelle étape avec l’obtention de l’ouverture d’une Ulis (Unité localisée pour l’inclusion scolaire), qui accompagne aujourd’hui douze élèves aux handicaps variables (retard d’apprentissage, troubles psychomoteurs, du comportement, syndrome d’Asperger). Situé au rez-de-chaussée de l’établissement, ce lieu chaleureux, décoré de dessins d’enfants, « n’est pas une classe, mais un dispositif », insiste l’enseignante spécialisée, Séverine Lepage, issue du 2d degré – un cas unique dans l’académie et qui facilite le dialogue. « L’élève est d’abord l’élève de sa classe, souligne cet ancien professeur de sciences de la vie et de la Terre. En fonction de ses besoins, on voit quels sont les aménagements et soutiens nécessaires.» C’est ainsi que Swann, en 5e, suit toutes les matières en classe, sauf les temps d’évaluation qu’il vient faire à l’Ulis et que Maïder est en 6e D, « sauf pour les maths et les évaluations ».

Priorité à la formation

Pour relever ce pari d’une inclusion portée par tous, le projet SAS a évolué. « On s’est aperçu que le dispositif stigmatisait en réalité les élèves. Et que si l’on voulait vraiment travailler l’inclusion – au sens de préserver une place pour chacun parmi les autres – et faire du collège un lieu de rencontres et d’engagement aussi, ces ateliers devaient être développés et ouverts à tous », explique Anne-Catherine Lendre, la psychologue. Un responsable d’animation a aussi été recruté pour coordonner les propositions (jeux coopératifs au théâtre forum, création d’un roman photo pour lutter contre le harcèlement…), contribuant à faire du collège et du lycée des lieux de vie. « On a voulu professionnaliser cette proposition, mais les professeurs s’y investissent aussi », précise Philippe Mayté, qui s’est appuyé sur la réforme du collège pour organiser les heures d’accompagnement personnalisé en barrettes afin de favoriser l’interdisciplinarité.

Dans ce cheminement vers l’idée de la réussite pour tous, la question d’un soutien efficace aux équipes s’est posée. « Sans leur implication, rien n’est possible, mais cela demande énergie et outillage de compétences ! », analyse Philippe Mayté. Celui-ci a donc soutenu de nombreux départs en formation. Trois enseignants obtiendront bientôt le 2CA-SH² (désor- mais Cappei3), cinq le BEP-ASH4, sans oublier une formation en interne à la pédagogie coopérative suivie par soixante enseignants en deux ans.

« Face à la diversité des situations des enfants à besoins éducatifs particuliers – qui sont parfois trois, quatre, cinq dans la même classe , on est appelés à articuler étroitement didactique, pédagogique et éducatif, observe Emmanuelle Audras, professeur de français. On apprend en même temps qu’eux. C’est déstabilisant mais possible parce que l’on peut échanger ici en équipe sur nos difficultés… »

En complément de la psychologue, de l’enseignante de l’Ulis et des quinze AESH (Accompagnants des élèves en situation de handicap) présents auprès des élèves, une enseignante de mathématiques détentrice du 2CA-SH2 dispose désormais d’un quasi mi-temps pour aider ses collègues à gagner en efficacité dans l’aménagement des ateliers mais aussi des dispositifs de soutien. Avec elles, un maître E, chargé de l’aide pédagogique, travaille au sein de l’établissement pour assurer la continuité des parcours de tous les élèves jusqu’au lycée. « Ce que l’on cherche à mettre en actes, c’est une façon de vivre dans un cadre commun qui profite à tous, en ayant le souci des singularités de chacun », précise Daniel Moustirats, adjoint de direction au lycée.

Pour que l’inclusion ne reste pas l’affaire de spécialistes, ce petit groupe ressource BEP-ASH a beaucoup œuvré en trois ans pour la transmission d’informations à l’équipe éducative. Et depuis quelques semaines, il s’est ouvert à ceux qui le souhaitent « comme un laboratoire », se réjouit Laurence Dospital. Ensemble, ils préparent une grande journée à Largenté en 2019/2020, pendant laquelle chacun pourra « travailler l’extraordinaire dans sa classe ordinaire », explique Christine Hiribarren, professeur de français et membre du groupe, qui s’est formée au BEP-ASH.

Une autre perspective mobilise l’équipe : celle de la création à court terme d’un Sessad (Service d’éducation spéciale et de soins à domicile) à Largenté, en partenariat avec deux instituts médico-éducatifs, ce qui facilitera les prises en charge pour les élèves (orthophonie, psychologie, ergothérapie…). « L’avenir est à l’interdisciplinarité et au réseau, soutient Philippe Mayté. Ce travail de collaboration est un art difficile mais il est vital pour concrétiser l’École inclusive ! »