L’Éco-École qui économise
Notre-Dame-de-la-Providence, Enghien-les-Bains (95)
Habouba Amara, enseignante de SVT et référente développement durable de l’établissement
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L’ensemble scolaire Notre-Dame-de-la-Providence, à Enghien-les-Bains (95), a entamé il y a cinq ans une rénovation de ses bâtiments accompagnée d’une réflexion sur sa consommation d’énergie. Élèves et enseignants sont impliqués, notamment à travers le défi Cube.S.
Devant un PowerPoint projeté au tableau, Yannis et Anne-Lyse, élèves de 1re et éco-délégués au lycée Notre-Dame-de-la-Providence, à Enghien-les-Bains (95), commencent leur sensibilisation à la consommation d’énergie devant une classe de 2de. Statistiques à l’appui, ils présentent leurs analyses de la consommation d’énergie de l’établissement et surtout des effets des mesures correctives prises pour l’économiser. Un projet de longue haleine qu’ils ont pu mener grâce au projet Cube.S, un défi destiné aux collèges et lycées pour rendre leur bâtiment le moins énergivore possible (cf. encadré). En groupes, les 2des classent par ordre croissant d’énergie consommée différents appareils électroménagers… L’exercice n’est pas facile mais semble les intéresser, beaucoup maîtrisant déjà nombre d’éco-gestes. Comme Quentin, qui fait attention « à ne pas rester trop longtemps sous la douche » et trie ses déchets à la maison. « Le ministère de la Transition écologique nous a sollicités en 2022 pour participer au challenge Cube. S, porté par le Cerema, se souvient Habouba Amara, la dynamique professeure de SVT et référente Développement durable de l’établissement. Nous avions remarqué que nos classes étaient souvent trop chaudes ou trop froides et le prix de l’énergie avait bondi de 50 % à cette période. Cela faisait sens de réfléchir à notre consommation énergétique. »
LED et panneaux solaires
Après plusieurs formations du Cerema auprès des enseignants investis dans le projet, quatre classes de lycéens ont mesuré durant trois mois la température, la consommation électrique, les taux de CO2 et d’humidité de leurs salles de classe et ils ont relevé plusieurs anomalies : une classe sous les toits surchauffait dès que les températures remontaient, des salles étaient saturées en CO2 car l’air n’y circulait pas assez, ce qui troublait la concentration des élèves… « Nous avons mis en place des actions correctives au fil des deux ans qu’a duré le projet », déclare Habouba Amara. Travail de fond avec le responsable technique, retrait des VMC en surnombre, pose de LED dans les salles, avec doubles interrupteurs permettant de n’en allumer qu’une partie, installation de panneaux solaires pour alimenter l’éclairage du local à vélos et trottinettes, extinction du réseau informatique de toutes les classes à 18 h et à 20 h pour les autres salles, arrêt du chauffage à 16 h 30 le soir et durant le week-end… Et surtout, grâce aux nombreuses sensibilisations faites par les éco-délégués, le comportement des élèves a changé : la plupart vérifient désormais que les fenêtres sont fermées et que le vidéoprojecteur et les lumières sont bien éteintes quand ils quittent leur classe. Cette année, l’équipe est même allée plus loin dans la traque des pertes énergétiques en testant deux classes intelligentes qui s’autorégulent via un détecteur de présence en éclairage, température et taux de CO2. « Au final, tout ce travail a conduit en 2024 à diminuer de -19 % l’énergie consommée chaque année, soit d’économiser l’équivalent de 24 000 euros », se réjouit la référente Développement durable. Ce qui a permis notamment de ne pas augmenter les contributions familiales.
Ce projet s’inscrit dans une démarche menée depuis cinq ans. À son arrivée à la tête de l’établissement, Frédéric Ronsmans a voulu pousser plus loin la démarche Eco-École amorcée par son prédécesseur. « Nous sommes un établissement de centre-ville, très minéral et avec peu d’espaces verts. Quand nous avons commencé à rénover le bâti, j’ai voulu que cela s’accompagne d’un travail pédagogique pour les élèves », explique-t-il.

2 tonnes de biodéchets
Après les premières phases de rénovation (création d’un jardin devant l’établissement, isolation, changement des huisseries, remplacement du chauffage au fioul par des pompes à chaleur…), la rénovation de la cantine et l’installation de bacs de tri des déchets ont été l’occasion d’impliquer les élèves. « Notre travail sur les questions environnementales avec les jeunes a vraiment commencé là. Les biodéchets ont été notre premier chantier », évoque Habouba Amara. Les jeunes prennent le pli très vite. Les restes de nourriture sont conservés dans une grande poubelle. Jusqu’en 2024, une entreprise les récupérait chaque mois pour les transformer en biogaz. Désormais, une association les valorise en compost. Deux tonnes de restes de nourriture ont déjà été recyclées grâce à ce partenariat. En parallèle, les élèves sont encouragés à cuisiner chez eux les fruits et légumes abîmés. Une professeure d’EPS a même créé un livret de recettes, compilant les idées de chacun. Enfin, la commission restauration a obtenu que son prestataire privilégie des circuits courts d’approvisionnement et les élèves donnent leur avis sur la composition des menus dans l’optique de limiter le gaspillage.
Un plus pour Parcoursup
Après les biodéchets, la dizaine de professeurs investis et les éco-délégués lycéens et collégiens ont décidé de s’attaquer au recyclage des déchets plus classiques. Des bacs ont été installés pour le papier (grâce à un partenariat avec le Syndicat Émeraude), et « l’administratif a basculé en tout numérique », ajoute Frédéric Ronsmans. Bouchons de bouteille, piles et cartouches d’imprimantes usagées ont maintenant leurs bacs de collecte que les élèves ont la mission d’aller vider dans de plus grands bacs, situés en salle des professeurs, quand ils sont pleins.
L’établissement s’est également penché sur la question de la biodiversité, avec la construction de deux hôtels à insectes par les élèves et la rencontre, en 2020, de Pierre Rabhi, qui a marqué les 1 700 élèves. Une démarche d’ampleur agrémentée d’actions ponctuelles (nettoyage du quartier, collecte de vêtements pour Emmaüs…) qui vaut aujourd’hui à Notre-Dame-de-la-Providence d’avoir atteint le niveau Or du label Eco-École et le niveau 3 du label E3D.
Cette année, l’équipe a choisi d’explorer le thème de la santé, l’un des huit domaines proposés par le label. Six classes du lycée travaillent sur des sous-thèmes différents : danger des lumières bleues, addiction aux réseaux sociaux… en réalisant des diagnostics (sondages envoyés à leurs proches) et des recommandations. Comme pour Cube.S, ils sensibiliseront en mai les collégiens à ce qu’ils auront découvert et compris. « Tout ce travail est un plus pour Parcoursup et aide les élèves à faire du lien entre les apprentissages », souligne Dina Mnaouare, enseignante de mathématiques qui apprécie aussi ces occasions de connaître différemment ses élèves. « On sent les jeunes bien plus sensibilisés aux enjeux environnementaux que les générations précédentes, note Habouba Amara. Ils sont volontaires, ont envie de s’engager. C’est motivant pour les enseignants et cela fait sens : nous sommes là pour transmettre des connaissances mais aussi pour les aider à agir. »