Le CPES, un cursus prometteur

Lycée privé Stanislas, Université Côte d’Azur
Olivier Sassi (Lycée Stanislas de Cannes)
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Le CPES (Cycle pluridisciplinaire de l’enseignement supérieur) n’a que deux ans ! Cette licence, qui permet d’accéder aux grandes écoles et aux meilleurs masters, est l’objet de toutes les attentions de la part de ses concepteurs, les lycées et les universités. C’est le cas à Nice, sur le campus Saint-Jean-d’Angély de l’université Côte d’Azur.

CPES (Cycle pluridisciplinaire de l’enseignement supérieur) ou classe prépa ? Pour Chloé et Nina, deux brillantes étudiantes qui, leur bac en poche, ont passé le concours d’entrée à Sciences Po Paris mais l’ont raté de quelques points, le choix a été vite fait entre les deux options qui se présentaient. « Si je n’avais pas été prise en CPES à Nice, j’aurais suivi une prépa littéraire. Mais j’aurais regretté de ne plus faire de sciences », explique Chloé, en deuxième année de licence CPES. Quant à Nina, elle voulait souffler un peu après avoir travaillé d’arrache-pied pour entrer à Sciences Po Paris et a choisi une formation moins intense qu’une prépa. Mais elle a appris le jour de la rentrée qu’elle devrait suivre… trente-quatre heures de cours par semaine. « J’étais un peu dégoûtée mais motivée malgré tout », confie l’étudiante.

Le CPES que les deux premières promos d’étudiants suivent sur le campus Saint-Jean-d’Angély – il en existe vingt en France, tous différents même s’ils répondent au même cahier des charges – a été mis sur pied par l’université Côte d’Azur en partenariat avec deux lycées dotés de classes prépas : le lycée Masséna de Nice et le lycée privé Stanislas Cannes. Ses concepteurs ont fait en sorte que tous les cours soient donnés à l’université – ce sont donc les profs des prépas qui font le déplacement jusqu’au campus.

Sciences et lettres

Car tel est le concept du CPES : la première année, les enseignants des prépas donnent 75 % des cours, 25 % revenant à ceux de l’université ; la deuxième année, les enseignants des deux structures se partagent les cours de façon égale ; puis la troisième année, les cours reviennent à 75 % aux profs d’université. Un modèle original « basé sur une connaissance mutuelle liée à de précédents partenariats et sur une relation de confiance », assure Olivier Sassi, chef d’établissement du lycée Stanislas Cannes.

Pour suivre la licence CPES à Nice, Chloé a quitté Marseille et Nina Toulouse. « 65 % des étudiants viennent d’autres académies. Même s’il n’existe que vingt CPES en France et que le dispositif est récent, il a acquis une visibilité nationale », se félicite Ali Douai, enseignant-chercheur en sciences économiques et coordinateur du CPES de l’université. Pourquoi un tel succès ? Parce que « la spécificité de cette licence, c’est la pluridisciplinarité », note Franck Moreau, responsable du post-bac au lycée Stanislas Cannes. Les jeunes – quarante-cinq en première année, trente-sept en deuxième – s’inscrivent en CPES pour cette diversité des enseignements. En effet, ils ont le choix entre deux parcours, « Humanités, lettres et sociétés » ou « Sciences et sociétés ». Dans chacun d’eux, à des doses différentes, ils sont amenés à suivre des cours de sciences et à découvrir le droit, les sciences politiques et la sociologie. La spécialisation apparaît en deuxième année et s’affirme encore plus en troisième année où ils ont le choix entre trois dominantes : « Humanités », « Sciences et technologies » et « Économie et sociétés ».

« Cette formation donne une culture générale approfondie et permet d’avoir un large rayon d’action, estime Ali Douai. Le monde économique et celui de la recherche ont besoin de ces profils. Lorsqu’il s’agit de gérer de grands projets, par exemple la conservation des ressources marines, sont réunis autour d’une même table des biologistes mais aussi des juristes, des économistes, des spécialistes de l’aménagement du territoire. Chacun ayant une formation différente, il leur faut du temps pour se comprendre. Je l’ai expérimenté personnellement. L’approche pluridisciplinaire que nous proposons permettra de s’entendre plus vite. »

Excellence et ouverture sociale

Les étudiants en CPES ont des profils assez spécifiques : ces bons, voire très bons élèves, ont souvent inscrit dans Parcoursup des vœux hétérogènes. Une part significative d’entre eux sont boursiers, la dimension sociale étant essentielle dans ce projet. « Ils sont curieux, persévérants et ambitieux. Il faut qu’ils aient une appétence pour les sciences, les sciences humaines et l’envie de découvrir de nouvelles disciplines », précise Ali Douai. Le CPES en trois ans n’a pas la même vocation que les prépas, qui visent la réussite aux concours en deux ans, ce qui crée une forte pression. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit « d’une formation d’excellence, d’un haut niveau intellectuel, avec un nombre d’heures de cours important – 800 par an contre 500 dans une licence universitaire classique », affirme Olivier Sassi. Ce programme implique une poursuite d’études, la licence CPES ne pouvant être une fin en soi. Les étudiants pourront accéder aux grandes écoles – ils y sont admis sur titre, mais doivent passer des épreuves orales ardues auxquelles le CPES prépare –, aux masters universitaires les plus prestigieux, français ou étrangers, aux IEP et aux écoles de journalisme. « Nous sommes en contact avec de nombreux responsables de grandes écoles qui accueilleront ces diplômés très favorablement », résume Olivier Sassi. Pour le moment, cette formation exige d’être encore rodée. « Nous la construisons chemin faisant », plaide Ali Douai. Les étudiants sont pleinement associés à son élaboration. « Nous avons toujours accordé beaucoup d’attention à la parole des élèves et nous souhaitions qu’il en aille de même dans le cadre du CPES », appuie Olivier Sassi. Chaque promotion (il y en a deux) élit deux délégués de classe qui font remonter un certain nombre de doléances. « En deuxième année (première promotion), nos enseignants de sciences politiques sont tous des spécialistes de géopolitique. Nous aurions aimé un enseignement plus diversifié et nous l’avons fait savoir », illustre Chloé, déléguée de classe. Message reçu. Tout sera entrepris pour faire évoluer l’enseignement dans cette discipline… l’an prochain.


Autre difficulté, la communication entre les professeurs des prépas et ceux de l’université pour des raisons d’emploi du temps (les enseignants de l’université qui donnent des cours aux étudiants en CPES sont issus de quatorze disciplines différentes !) mais aussi de culture. « Il s’agit de deux mondes parallèles. L’an dernier, nous avons monté un séminaire autour du CPES afin de mieux nous connaître mais il faut aller plus loin en créant des fonctionnements permettant une réelle concertation », constate Philippe Pilato, professeur d’anglais en prépa à Stanislas Cannes et aujourd’hui enseignant en CPES.

“Pas de compétition entre nous”

Quoi qu’il en soit, la quarantaine d’étudiants des deux premières promotions bénéficient d’un bon suivi. « Il existe une grande proximité avec la plupart de nos enseignants. Ils cernent nos profils et nous aident à nous orienter », observe Chloé. « Notre accompagnement est encore un peu artisanal. Ce serait mieux si une personne référente nous aidait à réaliser un travail plus systématique. C’est en projet… », ajoute Philippe Pilato.
Des ajustements se feront nécessairement. Pour le moment, chacun semble trouver son compte dans ce nouveau parcours. Les enseignants qui se lancent dans l’aventure doivent adapter le contenu de leur cours à ce public un peu à part ; quant aux étudiants, ils cultivent entre eux une belle solidarité. « Nous avons tous des profils très différents et nous ne voulons pas nous orienter vers les mêmes formations. Il n’y a donc pas de compétition entre nous. Nous nous entraidons autant que possible », indique Chloé.
Nina, elle, met ses cours en ligne pour aider les éventuels absents. Et elle est ravie de découvrir parmi ses camarades « des profils parfois attachants et très riches ».