La Team H
Collège Saint Exupéry de Roubaix (59)
Samuel Canonne, Chef d’établissement
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Depuis un an, le collège Saint-Exupéry de Roubaix (59) a mis en place une équipe d’adultes dédiée à la prise en charge du harcèlement scolaire. Baptisée Team H, elle a permis de libérer la parole des témoins de violence et de résoudre trois cas de harcèlement. Pour le plus grand bénéfice des élèves qui saluent l’amélioration du climat scolaire.
Je pars du principe que le meilleur moyen de traiter les cas de harcèlement, c’est de les rendre visibles. Alors, quand à mon arrivée dans l’établissement, en septembre 2023, une équipe d’enseignants s’est portée volontaire pour constituer la Team H, j’ai tout de suite accepté ! », se souvient Samuel Canonne, directeur du collège Saint-Exupéry, à Roubaix (59), qui accueille 800 élèves. Coordonnée par Catherine Despretz, professeur d’EPS formée comme personne-ressource sur le sujet par la direction diocésaine de Lille, l’équipe est composée d’une quinzaine de personnels volontaires, parmi lesquels des enseignants, le référent en pastorale, le conseiller principal d’éducation et le chef d’établissement. Pour que tous bénéficient du même niveau d’information, l’ensemble de l’équipe pédagogique et éducative a bénéficié d’une séance sur le 3PF (Programme de protection des publics fragiles) du Sgec1 et le plan de prévention du harcèlement de l’Éducation nationale au cours d’une matinée, orchestrée par un intervenant de la direction diocésaine de Lille, très investie dans ce domaine. « Beaucoup de questions ont porté sur la distinction entre un simple conflit et une situation de harcèlement », se rappelle Catherine Despretz. Le même jour, dans l’après-midi, cet intervenant a animé un atelier pour aider l’équipe de volontaires à construire son projet. Une série de mesures en a découlé : la création d’un logo apposé sur les casiers des enseignants de la Team H permettant aux élèves de les identifier, l’installation d’une boîte aux lettres pour recevoir des alertes ou des témoignages en cas de violence, l’ouverture d’un local d’écoute discret, la diffusion aux familles d’un diaporama de sensibilisation via l’ENT, et bien entendu la mise en place d’une large communication auprès des élèves pour les informer de ce nouveau dispositif.
Message d’espoir
Depuis, l’équipe se rencontre une fois par mois pour définir des actions de sensibilisation des élèves. Cette année, en plus de l’habituelle séance de prévention dispensée à tous les 5es par un intervenant extérieur (financée via le pass Culture), un représentant des forces de l’ordre a alerté les jeunes sur l’aspect répressif : « Il leur a rappelé les sanctions encourues par eux et leurs parents, notamment pour ce qui concerne les dérives sur les réseaux sociaux », indique le chef d’établissement. En outre, lorsqu’elle a entendu parler de la Team H, Victorine Jacquet, une ancienne élève et autrice du livre Je m’envole vers moi, est venue témoigner dans l’établissement sur le harcèlement qu’elle a vécu dans ce collège. « Elle a transmis un message d’espoir, pour montrer qu’on peut s’en relever », souligne Samuel Canonne.
Au-delà des actions de prévention, c’est aussi à l’identification des cas de harcèlement que la Team H a travaillé. La communication auprès des élèves a porté ses fruits. «Savoir que nous prenions le sujet en main a incité les jeunes à nous signaler des situations de violence dont nous n’avions pas connaissance », note Catherine Despretz. Les élèves n’ont pas utilisé les casiers ni la boîte aux lettres siglée au logo Team H, mais se sont confiés directement aux enseignants ou aux personnels d’éducation. Treize cas leur ont été rapportés, « la plupart via les délégués, les victimes osant rarement en parler directement », précise Catherine Despretz.
70 séances d’écoute
Conformément au protocole 3PF, l’équipe de la Team H a reçu, dans l’ordre : l’agresseur, la victime, les témoins de la victime, les témoins de l’agresseur. Les familles n’ont été rencontrées que lorsque la situation de harcèlement était avérée. « En tout, cela représente 70 séances d’écoute avec les élèves. Heureusement, nous sommes quatre à nous en charger ! C’est ce qui demande le plus de temps », détaille Catherine Despretz. Ces séances ont permis d’identifier trois cas de harcèlement sur les treize signalements : un en 6e et deux en 4e. « Avant, nous gérions ces situations dans l’urgence et nous ne savions pas comment nous y prendre. Aujourd’hui, la prise en charge est cadrée et progressive », se réjouit la référente. « Cette initiative a libéré la parole des témoins ! C’est très positif », complète Samuel Canonne. Le climat général s’en ressent. « Nous avons beaucoup plus d’échanges avec les jeunes qu’auparavant ! », pointe Catherine Despretz. « Avec la Team H, nous nous sentons en confiance ! », témoigne Louna, en 4e, qui a été harcelée dans son ancien établissement. L’équipe ne compte pas s’arrêter là. Prochaine étape, intégrer une équipe de collégiens à la Team H. « C’est une demande issue des délégués, qui jouent souvent le rôle de passerelle entre les victimes et les adultes. Nous formerons les élèves désireux d’en faire partie pour qu’ils puissent eux aussi s’appuyer sur un protocole », projette Catherine Despretz. Une façon d’impliquer davantage les jeunes pour que se diffuse encore plus largement une culture de la prévention du harcèlement.