La philo en lycée pro

Lycée Vincent de Paul, Avignon
Rémy Cagnolo, chef d’établissement
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À Avignon, les Tles pro de Vincent-de-Paul suivent depuis 2015 une heure hebdomadaire de philosophie. Ce lycée a ouvert la voie, puisque depuis la réforme du bac pro de l’an dernier, les établissements peuvent dédier l’heure de co-intervention tous les quinze jours à un atelier d’initiation à cette discipline. Les élèves, eux, sont enthousiastes.

« La philosophie en lycée professionnel : et pourquoi pas ? », lançait Philippe Chiron, enseignant en lettres-histoire et philosophie, pour présenter ce projet, mis en place au lycée Vincent-de-Paul à Avignon (84), lors de la Journée académique de la pédagogie (JAP)1 d’Aix-Marseille, en 2018. Un projet pour lequel l’établissement a reçu le prix de l’innovation, décerné par le ministère de l’Éducation nationale, dans la catégorie « Plaisir d’apprendre ». C’est à son arrivée en tant que directeur, trois ans plus tôt, que Rémy Cagnolo avait mis en place une heure de philosophie par semaine en demi-groupes pour tous les élèves de Tle pro. « Avant d’être enseignant, en parallèle de mon métier de commercial, j’ai suivi des cours de philosophie. J’ai pu mesurer combien cette matière m’a concrètement aidé dans mon activité professionnelle, en particulier dans l’argumentation de vente », raconte le chef d’établissement. Le projet, qu’il avait déjà expérimenté dans un précédent poste au lycée Saint-Vincent-de-Paul, à Versailles (78), était précurseur puisque depuis la réforme du bac pro de l’an dernier, les établissements ont la possibilité de dédier l’heure de co-intervention tous les quinze jours à un atelier d’initiation à cette matière.

© E. VEILLAS

Être capable d’argumenter

Avec pour thème cette année « l’illusion et les objets », l’histoire de la philosophie est abordée des mythes grecs aux auteurs contemporains, mais d’une manière ludique. « Plutôt que d’étudier des textes parfois difficiles, je propose aux élèves de visionner l’extrait d’un fi lm, un documentaire ou même un dessin animé, de regarder une peinture, une sculpture ou d’écouter une oeuvre musicale », explique Philippe Chiron. Puis, l’enseignant leur demande de décrire ce qu’ils voient, ce qu’ils comprennent et ce qu’ils ressentent. Le concept philosophique n’est pas vu au début, mais à la fin du cours, avec l’apport d’un petit texte pour conclure la séance. « Cette méthode les rassure quant à leur capacité à mettre des mots sur des choses simples », précise-t-il. Pendant le cours, la part belle est aussi donnée aux échanges et à l’argumentation. Pour chaque point de vue avancé, l’élève, aidé par le questionnement de l’enseignant, doit détailler son raisonnement. Enfin d’année, le professeur constate que leur analyse est plus pointue et plus étayée. Le premier objectif est de préparer les élèves à l’exigence du BTS et à son épreuve de culture générale, 95 % d’entre eux poursuivant leurs études vers ce niveau. « Il s’agit d’une épreuve écrite où il faut avoir un esprit de synthèse et être capable de défendre ses idées. La philosophie les prépare à avoir cette rigueur conceptuelle et rédactionnelle », détaille Aurélien Pécot, directeur adjoint de l’établissement. Le choix d’enseigner la philosophie aux Tes pro relève aussi d’un double enjeu. « Ces élèves au parcours scolaire parfois difficile sont habités par de vraies questions sur le sens de la vie. Ce cours leur donne un espace pour les exprimer », indique Rémy Cagnolo. « Cette proposition répond à une demande de leur part. Ils sont fi ers d’étudier la philosophie comme les autres terminales. Ils se sentent valorisés et gagnent confi ance en eux », complète Aurélien Pécot. En cela, ce choix rejoint bien le projet de la tutelle vincentienne, qui insiste sur l’accompagnement des élèves dans leur construction humaine et professionnelle. Il fait également écho à un enjeu de « vivre ensemble », en aidant ces jeunes à mettre des mots sur ce qu’ils pensent, en leur apprenant à écouter le point de vue des autres et à collaborer.