La céramique, c’est fantastique

Lycée Privé l’Initiative à Paris
Christophe Gautier
Envoyer un e-mail

L’Initiative, à Paris, est le seul lycée de l’Enseignement catholique à proposer des formations à la céramique. Bénéficiant d’une équipe soudée, cet établissement attire des élèves aux profils variés dont certains travailleront à la Manufacture de Sèvres. 

Dans l’atelier « historique » et tout en longueur dédié aux CAP Décoration en céramique du lycée L’Initiative, à Paris, – une formation qui existe depuis soixante-dix ans ! – le silence est impressionnant. Le bras posé sur un support en bois pour rendre le geste plus sûr, chaque élève peint sur une assiette de complexes motifs floraux. « Nous avons chacune notre style. Pour ma part, j’aime que l’on perçoive les traits de pinceau après la cuisson. D’autres, au contraire, les font disparaître », explique Yasmine, en première année de CAP, une promo qui ne compte qu’un garçon. Elle a découvert le modelage lors de son stage de 3e à Cergy-Pontoise (95) où elle habite, grâce à une voisine qui possède un atelier de céramique. 

Dix tours de potier

Aujourd’hui, son projet professionnel est clair : allier céramique et travail du métal en bijouterie. Et pour ce faire, une fois son CAP en poche, cette perfectionniste compte passer le Brevet des métiers d’art (BMA) Bijou option Bijouterie Joaillerie. En CAP, l’âge des élèves varie entre 15 et 22 ans. Le lycée propose aussi un BMA option Céramique, où les jeunes ont entre 17 et 25 ans. Dans ces deux formations, les parcours des élèves sont variés : certains, comme Yasmine, se sont inscrits en CAP dans la foulée de la 3e ; d’autres ont déjà un bac général et bouclent le certificat en un an. Idem pour le BMA qui se prépare en deux ans et dans lequel se retrouvent des jeunes qui viennent d’obtenir leur CAP mais aussi des bacheliers, des diplômés de DN Made (métiers d’art et du design), ou encore des étudiants du supérieur. « Nous nous adressons à un public hétérogène et devons tenir en haleine tous les élèves. C’est très stimulant », expose Jade Baloche, professeur de modelage et de décoration. Dans cette filière, de nombreuses techniques sont abordées. Le lycée compte dix tours de potier et enseigne aussi le modelage, le moulage, la cuisson et, bien sûr, la décoration. De nombreux jeunes viennent tester ce métier qui a le vent en poupe, comme en témoignent les magazines de décoration qui accordent une large place aux productions de talentueux professionnels. Dans un coin de la salle de décoration, quatre jeunes femmes participent à l’un des mini-stages (de deux jours) proposés par le lycée tout au long de l’année. Elles viennent s’assurer que cet artisanat d’art leur correspond. L’enseignante Christelle Barberena évalue la précision de leur geste. Matéa, étudiante aux Beaux- Arts de Caen (14), saisit rapidement la façon de centrer une assiette sur un tour afin d’en peindre les bords. « Nous ne l’orienterons pas vers un CAP, ce ne serait pas adapté à son profil. Le CAP, c’est comme le solfège en musique, il s’agit d’appliquer des techniques, de recopier des motifs, on ne sort pas beaucoup du cadre. Le BMA est plus créatif… », précise Christelle Barberena. L’équipe très soudée, composée de sept enseignantes – des professionnelles aguerries qui pour la plupart ont créé leur propre atelier –, est passionnée et exigeante. Pour preuve, vingt-six techniciens issus de L’Initiative travaillent actuellement dans la prestigieuse Manufacture de Sèvres, reproduisant des pièces historiques ou contribuant à la réalisation d’œuvres imaginées par des artistes contemporains.

Capter l’air du temps 

Le BMA cherche à développer la créativité des élèves, qui peuvent aller autant qu’ils le souhaitent « croquer » des céramiques dans les musées parisiens. Ils participent aussi à des concours (comme celui du Rotary Club Paris Académies) qui font appel à leur inventivité et partent en voyage scolaire dans des pays européens découvrir d’autres styles. « Nous formons des céramistes inventifs, certes, mais pas des artistes. Ils doivent être capables de s’adapter au marché », tempère l’enseignante de céramique et d’histoire de l’art, Virginie Armellin1. Dans ses cours, elle insiste sur la dimension fonctionnelle des objets. Lorsque les élèves lui ont présenté leurs théières d’inspiration japonaise – un gros projet conduit tout au long de l’année – elle a aussitôt testé la façon dont l’eau s’écoulait du bec verseur… et ce n’était pas toujours très concluant ! Les enseignantes invitent aussi les élèves à capter l’air du temps. « L’an prochain, ils concevront des diffuseurs de parfums d’ambiance, qui marchent très fort en ce moment », confie Virginie Armellin. Pragmatique, l’équipe travaille aussi en étroite collaboration avec le professeur de gestion du lycée. « Lorsque les élèves partent en stage, nous leur demandons de réaliser une fiche sur l’entreprise qui les accueille, son statut juridique, l’emplacement choisi, les jours d’ouverture de l’atelier au public, etc. Avec le professeur de gestion, nous analysons les choix qui ont été faits », détaille Virginie Armellin. Une formation qui permet aux plus audacieux d’ouvrir à court ou moyen terme leur propre atelier. Les enseignantes de céramique n’oublient jamais qu’elles ont affaire à un marché de niche. Pas question de se « griller » auprès des entreprises qui accueillent les jeunes en stage en leur adressant des élèves qui ne seraient pas à la hauteur de leurs exigences. « Nous avons établi des relations de confiance avec nos partenaires, nous devons les préserver », expose Virginie Armellin. La pression est forte, même si certains stagiaires effectuent leur stage hors de l’Hexagone. 

Des promos de 16 élèves 

Les formations à la céramique vont évoluer. Dès l’année prochaine, le BMA pourra s’effectuer en alternance. Et à partir de 2025, il devrait pouvoir être suivi en deux ou trois ans, en fonction du parcours de chacun. « Nous attendons les textes », note Christophe Gautier Bernard, chef d’établissement de L’Initiative. La céramique attire de plus en plus de jeunes (et de moins jeunes…) qui souhaitent exercer un métier concret et qui a du sens. À Paris, 163 personnes ont passé un CAP de céramique en 2024 contre… 40 en 2023. Malgré tout, L’Initiative, qui accueille au maximum seize élèves en CAP et douze en BMA par an, n’envisage pas d’augmenter ses effectifs. « Ce sont des formations onéreuses car il faut acheter du matériel. Or, nous ne bénéficions d’aucune aide… », affirme Christophe Gautier Bernard. D’ailleurs, pourquoi faudrait-il former des centaines de céramistes ? « Cela n’aurait pas de sens », tranche Virginie Armellin, qui préfère que les anciens élèves puissent créer leur atelier et vivre correctement de leur travail…