edumix

La belle aventure d’un Edumix

Collège Saint-Jean Saint-Sulpice-la-Pointe
Hélène Mulot, enseignante
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Enfant et adulte
D. R.

« Remixer » le collège pour favoriser la coopération et les apprentissages ? C’est le défi qu’a relevé, les 9 et 10 mars 2018 le collège Saint-Jean, à Saint-Sulpice dans le Tarn, en organisant un « Edumix ». Depuis, la démarche continue à porter ses fruits dans cet établissement du réseau Apprentis d’Auteuil.

Quel point commun existe-t-il entre la classe mobile inaugurée en 5e, l’écriture d’une charte de vie commune interactive, le fil d’infos interne « Saint-Jean News » et le nouvel espace d’échanges réciproques de savoirs ? Toutes ces nouveautés sont nées de l’Edumix vécu au collège Saint-Jean à Saint-Sulpice-la-Pointe (81), entre le 9 et le 10 mars 2018.

Pendant deux jours, le marathon créatif a réuni entre les murs de cet établissement du réseau Apprentis d’Auteuil de 230 élèves, situé aux portes du grand Toulouse, une cinquantaine d’acteurs – élèves, parents, enseignants, éducateurs, AVS, mais aussi développeurs, artistes, médecins, architectes… Objectif : réinventer les lieux et les pratiques de l’apprentissage.

« Bien plus qu’un événement, l’Edumix à Saint-Jean s’est inscrit dans une histoire : celle d’une équipe questionnée par l’arrivée du numérique à l’École, et engagée depuis le début des années 2010 dans une dynamique de réflexion et de renouvellement », précise Hélène Mulot, professeur documentaliste de l’établissement. Pivot de la démarche, cette dernière était déjà à l’initiative en 2014 d’un « pédagolab », lieu d’échanges informel entre enseignants autour de l’impact des nouvelles technologies. La réforme du collège de 2016 et ses enjeux d’interdisciplinarité – auxquels toute l’équipe a été formée pendant trois journées – sont aussi passés par là.

« On ressentait le besoin de redonner du souffle au collège. Il nous fallait continuer à chercher, à penser ensemble les transformations à l’œuvre, le rapport au savoir bousculé, la prise en compte des nouveaux médias, l’évolution des publics2, l’impact sur les postures professionnelles et l’organisation de la classe, mais on manquait de temps », explique Cécile Ansselin, le chef d’établissement, également inspirée par la dynamique « Penser et Agir ensemble », initiée au même moment dans le réseau Apprentis d’Auteuil. C’est dans ce contexte que sa collègue documentaliste a eu l’idée d’organiser un Edumix, influencé par le « design thinking » (une démarche centrée sur les besoins des utilisateurs), et expérimenté pour la première fois dans un collège public fin 2017. « L’intérêt du « remix » est de proposer une méthodologie de travail participative avec des jalons bien définis qui sécurisent et en même temps libèrent la créativité », souligne Christine Rossignol, directrice du pôle scolarité à Apprentis d’Auteuil.

Imaginer d’autres possibles

La première journée pédagogique proposée autour de la démarche s’est tenue en juillet 2017, avec l’association toulousaine Culture Remix3. Plus de trente professionnels de l’établissement sur cinquante-cinq – tous métiers confondus – ont répondu présents. Deux autres journées ont suivi, financées par Formiris avec une participation de la Région, et des commissions thématiques ont été créées (restauration, organisation intérieure, communication, relations avec les partenaires) pour construire ce temps de mise en projet global, prévu au même moment que les journées portes ouvertes. « L’objectif était de faire émerger des problématiques à la hauteur des besoins réels des acteurs de l’établissement, et d’accueillir des personnes extérieures pour imaginer d’autres possibles et aboutir à des réponses concrètes et pérennes », commente Cécile Ansselin.

Les 9 et 10 mars 2018, vingt-quatre « remixeurs » aux profils très divers se sont portés volontaires pour inventer un collège plus apprenant, qui laisse place aux initiatives dans un environnement « capacitant ». Parmi eux, des collégiens, déjà sensibilisés à la démarche via l’organisation d’un « tec-noremix » en décembre 2017 pour repenser la classe de techno avec leurs enseignants. Répartis en équipes de six, entourés d’un staff d’organisateurs et de facilitateurs, ils se sont saisis de l’une des quatre thématiques retenues par l’équipe du collège : aménager une salle de classe pour favoriser la coopération et l’apprentissage ; concevoir une borne météo du climat scolaire pour aider chacun à trouver sa place au sein du collectif ; créer un média pour favoriser une dynamique de réseau ; ou encore un espace pour valoriser les compétences de chacun.

« À la fin des deux jours, un mode d’emploi et un début de réalisation des projets choisis ont pu être montrés à tous. On peut toujours lancer de grands “y’a qu’à, faut qu’on”, là, c’est du petit réalisable et concret, qui aide à prendre conscience d’un pouvoir d’agir au quotidien », relève l’ancien chef d’entreprise Gilles Brochen, ambassadeur d’Apprentis d’Auteuil qui a participé aux deux journées. Pour Quentin, élève de 3e, « C’est motivant de voir des personnes extérieures qui veulent faire avancer le collège. Et nous, les collégiens, nous avons pu aussi proposer des idées pour l’améliorer. Dans ce travail collectif, je ne me suis pas senti “juste” élève, mais beaucoup plus : c’est une autre façon de voir l’école ».

Chaises à roulettes avec casiers intégrés

Aujourd’hui, plusieurs des projets ont pris corps, salue Maryline Barisic, cofondatrice de Culture Remix. Le « Saint-Jean News » d’abord, fil d’infos multi-supports affiché dans trois lieux incontournables de l’établissement (CDI, foyer, self) pour faire connaître les événements, projets, anniversaires, qui s’y vivent. « Les Talents de Saint-Jean » ensuite : un tiers-lieu d’échanges et de partage des savoirs en dehors des cours, bientôt installé dans une salle dédiée.

La « classe flexible » a été aussi particulièrement soutenue par la direction. Réorganisée, enrichie, remeublée – tables mobiles pliables, chaises à roulettes avec casiers intégrés, mini amphi meublé de canapés, accès à Internet – elle a été aménagée dans une classe de 5e à la rentrée dernière et sera étendue cette année à une 6e et une 4e. «Ona voulu proposer une autre façon de vivre la classe, plus mobile et adaptée aux besoins de travailler, seul ou en groupe », détaille Pablo, en 3e, qui a co-conçu le projet. « La motivation est beaucoup plus importante chez les élèves aujourd’hui. Il faut être créatif, contribuer à donner du sens, sinon on s’ennuie tous ! », insiste Patrice Lenoir, enseignant de sciences de la vie et de la Terre.

« L’enjeu maintenant, c’est la durabilité ! », pointe Matthieu Foulcher, éducateur au collège, qui voit dans la démarche « une façon d’ouvrir l’école et de montrer qu’elle peut permettre de grandir, y compris pour des élèves en grande difficulté rejetés par le système scolaire ». Dans cet esprit, l’accent a été mis sur l’accompagnement des équipes : début juillet, deux nouvelles journées de formation ont été organisées sur les classes coopératives et les espaces « capacitants ». Du self, récemment remixé, au prochain gymnase, le mouvement se propage : « Cette nouvelle façon de travailler ensemble nous permet de tester nos intuitions et d’élaborer des hypothèses. Elle touche l’ensemble de l’organisation et la place de chacun. C’est une culture commune qui se construit », se réjouit Cécile Ansselin, qui s’appuie aujourd’hui sur cet élan pour la réécriture du projet d’établissement.