Défis science de haute volée

Collège Sacré-Cœur, Riom-ès-Montagnes, Cantal
Mickaël Bourion
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force-pensée
© Cécile Vachet

Les élèves du collège Sacré-Cœur de Riom-ès-Montagnes (Cantal) se sont lancés dans un projet ambitieux : trouver un moyen de piloter un fauteuil roulant uniquement par la pensée. Une expérimentation enthousiasmante menée en partenariat avec une chercheuse.

La température extérieure n’a rien à envier à celle du pôle Nord en ce mois de février, mais dans le CDI du collège Sacré-Cœur de Riom-ès-Montagnes, la fièvre monte. Ce lundi après-midi, trente-six élèves, de la 6e à la 3e, sont réunis pour participer à un atelier de l’itinéraire « Sciences + ». Le programme est on ne peut plus alléchant : il s’agit de montrer comment il est possible d’actionner un objet par la seule force de la pensée ! De la magie ? Pas vraiment… Un casque bourré d’électrodes sur la tête, Nathan, en 6e, accepte de jouer le rôle de cobaye. « Ne pense à rien pendant huit secondes, lui dit le directeur, Mickaël Bourion. Maintenant, essaie au contraire de faire comme si tu poussais un corps vers l’avant, toujours pendant huit secondes. » Le collégien s’exécute. L’ordinateur, relié au casque, enregistre les ondulations et les flux qui irriguent le cerveau de Nathan lors de ces tâches et il les code. En reproduisant ensuite les mêmes comportements – repos puis concentration pour atteindre un point situé en avant –, Nathan est capable de mettre en mouvement ou de ramener au repos un doigt modélisé, lui aussi connecté à l’ordinateur.

Fascinés, les élèves découvrent en direct des potentialités que certains pensaient, il y a quelques secondes encore, appartenir au domaine de la science-fiction… « C’est incroyable ! », lance Pauline, elle aussi en classe de 6e, exprimant ainsi le sentiment général. Les élèves ne sont pourtant pas nés de la dernière pluie… « Nous avons déjà appris à programmer des robots », mentionne, non sans fierté, sa camarade de classe Mélina. Sauf qu’ici, les jeunes vont faire un pas de plus. L’exercice proposé aujourd’hui n’est en effet que la première étape d’un long parcours qui doit déboucher d’ici deux ans sur une innovation de portée révolutionnaire : proposer aux patients en fauteuil roulant de le piloter uniquement avec leur cerveau !

Un projet au long cours

« Cette idée est née l’année dernière à la suite des travaux que nous menons depuis deux ans avec la chercheuse Lauren Thévin, ingénieure cogniticienne, docteure en informatique de l’université de Grenoble et actuellement à l’INRIA (Institut national de la recherche en informatique et en automatique) », poursuit le directeur. La scientifique est intervenue à plusieurs reprises, en classe ou en vidéo-conférences, pour expliquer aux élèves comment les connaissances en neurosciences pouvaient faciliter leurs apprentissages. « Elle nous a dit que les chansons sont bien plus efficaces pour retenir les verbes irréguliers en anglais que d’apprendre des listes entières ! », illustre Lucie, en classe de 3e. Autre conseil de la chercheuse qui a réconcilié Pauline avec les tables de multiplication et Baptiste avec les théorèmes de Pythagore et de Thalès : relire ses leçons avant de s’endormir.

Puis, dans la continuité des travaux entrepris sur la mémoire, est venue l’heure des expérimentations autour des interfaces entre l’homme et la machine. Les collégiens, captivés par leurs premières découvertes, ont alors décidé de s’intéresser à l’apport de l’intelligence artificielle dans le milieu médical. « Nous nous sommes rapprochés du centre implanté ici qui accueille des patients atteints de la sclérose en plaques, indique le directeur.

Après avoir discuté avec les malades et les équipes soignantes pour comprendre leurs problématiques et leurs besoins, nous avons choisi d’étudier la possibilité de guider un fauteuil roulant à partir de la pensée. » Partant des premiers résultats obtenus ce lundi, les élèves devraient au cours de la prochaine séance s’intéresser à la façon de modéliser non plus un simple doigt mais une main entière pour pouvoir équiper demain les fauteuils roulants d’assistants bien plus efficaces… « Nous allons d’abord travailler avec de la pâte à modeler pour formaliser une main. Nous allons ensuite la tremper dans du lait pour étudier les volumes. Puis, grâce à l’imprimante 3D dont l’établissement a fait récemment l’acquisition, cette main modélisée prendra forme, indique Sandra Bourion, le professeur de SVT qui co-anime ces ateliers avec la chercheuse. Nous veillons à chaque fois à rendre ces exercices aussi ludiques que possible. Car c’est bien ce qui fait la force de ces expérimentations. Les enfants ont en effet le sentiment avant tout de s’amuser ! » La programmation des robots est, au-delà même de l’aspect humanitaire du projet, un support de cours bien plus parlant que tous les livres remplis de courbes et de figures géométriques pour enseigner certes le codage mais aussi les mathématiques. « De nombreux termes étant en anglais, les élèves élargissent leur vocabulaire et s’aperçoivent à quel point la maîtrise de la langue de Shakespeare est utile ! », déclare Mickaël Bourion. Les professeurs de français y trouvent aussi leur compte car pour présenter le projet à un public extérieur, les élèves doivent travailler sur la communication écrite et orale.

Ce projet neurosciences avec son volet robotique est d’ailleurs devenu la carte de visite de l’établissement et il a rejailli sur sa réputation. La preuve ? Le collège fait partie des deux établissements de l’enseignement catholique retenus sur les trente pour être présents à la Journée nationale de l’innovation, organisée le 4 avril dernier par le ministère de l’Éducation nationale à Paris. Les parents d’élèves y sont également sensibles. « Sur les vingt-neuf nouveaux élèves inscrits cette année en 6e, nombre d’entre eux participent aux ateliers et sont même venus chez nous en raison d’eux. Cela crée une véritable dynamique et nous sommes en train de réfléchir à la manière d’y associer les élèves du primaire », indique Mickaël Bourion. Lucie, en 3e, y a puisé de quoi alimenter sa réflexion sur son orientation. « J’avais déjà envie d’aller en S mais maintenant, vu ce qu’on a fait, je suis très motivée et j’aimerais bien ensuite m’orienter vers une carrière scientifique », raconte-t- elle. Mathis, élève de 5e, est lui aussi tenté. Après avoir demandé à ses parents de lui offrir un robot à Noël, il imagine chaque jour de nouvelles activités à réaliser avec son nouveau compagnon de jeu. « Avec, qui sait demain, la possibilité qu’il fasse mes devoirs à ma place ! », s’esclaffe-t-il, sous le regard songeur du directeur !