cour de récréation

Imagine un monde meilleur

Collège Javouhey, Brest (29)
Marie Geoffroy, directrice adjointe
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Classe d'élèves
© N. FOSSEY-SERGENT

À Brest, le collège Javouhey mise sur la pédagogie de projet pour former des citoyens responsables. Cette année, ses sept classes mènent une action en partenariat avec l’ONG Le Projet Imagine qui agit pour une société plus inclusive et durable.

Dans le quartier populaire Recouvrance, à Brest (29), le petit collège Javouhey détonne.
Intégré à un ensemble scolaire gigantesque (deux écoles, un autre collège, un lycée professionnel, un lycée général et technologique et un pôle post-bac), qui rassemble près de 2 000 élèves sur deux sites, il ne scolarise que 160 élèves, répartis dans sept classes. Ses bâtiments modernes et aérés attirent l’œil. « Il y a quelques années, on avait du mal à remplir nos classes, confie Marie Geoffroy, directrice adjointe du collège. Mais depuis quatre ans, nous privilégions la pédagogie de projet qui plaît aux familles car elle rend les élèves acteurs. Elle permet aussi de mieux ancrer les apprentissages en les rendant plus concrets. »
Pas étonnant donc que le programme « Écoles Imagine » (cf. encadré p. 31), qui encourage les élèves à s’investir, ait résonné fort avec le projet du collège. « J’ai rencontré Frédérique Bedos, la fondatrice de l’association Le Projet Imagine, il y a quatre ans. Ce fut un coup de foudre. Faire en sorte que les enfants se sentent utiles, près de chez eux, via des projets qu’ils impulsent eux-mêmes et sans imposer une production finale, je trouvais cela passionnant », se souvient Marie Geoffroy. Javouhey s’investit dans ce programme pour la deuxième fois. En 2018-2019, ce collège avait été le premier à tester une participation à l’échelle d’un établissement tout entier.

«Le handicap ne détermine pas tout»

Habitués à travailler en îlots, de façon collaborative, les élèves (qui ne sont jamais plus de vingt-trois par classe) sont entrés facilement dans la démarche. «Le thème imposé par l’ONG était la différence. Les jeunes ont commencé par établir une liste : racisme, sexisme, différences physiques, mentales… », explique Marie-Laure Conq, professeur principal de la 6e Indigo et enseignante d’histoire-géographie. Le sujet est d’autant plus intéressant que la classe compte parmi ses élèves un jeune autiste assisté d’une AESH et un élève de petite taille qui vit mal sa différence. Les jeunes se sont regroupés par affinités à trois ou quatre pour approfondir tout au long de l’année un aspect du sujet. Leur souhait ? Réaliser un mini reportage filmé sur ce qu’ils auront appris. Pour enrichir leur réflexion, les élèves ont eu envie de rencontrer des personnes qui vivent cette différence.

En cet après-midi de mars, ils écoutent, concentrés, Erwan Conq (sans lien de parenté avec l’enseignante), champion du monde de foot-fauteuil, invité par la mère de Tinaïg, une élève de la classe, qui a monté une association pour que des personnes non valides profitent d’activités de loisirs. Atteint d’une myopathie qui l’a privé de ses jambes dès l’âge de 15 ans, le trentenaire, cadre dans une banque, explique les règles du jeu puis décrit « la fatigue mentale générée par la grande concentration nécessaire pour manœuvrer le fauteuil de sport et faire des passes ou récupérer un ballon ». Il évoque aussi l’aide dont il a besoin pour se laver, s’habiller… et le coût exorbitant d’un fauteuil électrique. « Cette maladie m’a fait grandir plus vite, ajoute le sportif. Je suis plus résilient et blindé mentalement. Je ne peux pas marcher, ni lever les bras mais j’ai pu aller à l’école, étudier… Je suis même devenu champion du monde ! Le handicap ne détermine pas tout. » Un message qui a marqué Jade, une des élèves, qui retient qu’il faut « oser parler aux personnes en fauteuil ». Le temps d’échange terminé, place à la pratique ! Véronique Follet, maman de Tinaïg, dont le frère est handicapé physique et scolarisé au lycée, est venue avec quatre fauteuils roulants. Dans la cour, les élèves découvrent la difficulté à les manier et la force à avoir pour gravir un terrain un peu pentu.

Éco-délégués et élèves médiateurs

En 5e, Cindy Perros, enseignante d’EPS et professeur principal, a choisi de travailler sur un autre projet Imagine, dont le thème imposé pour ce niveau était l’environnement : l’utilisation de l’eau dans la vie quotidienne. « Nous sommes accompagnés par l’association Water Family qui alerte notamment sur nos consommations invisibles : combien d’eau dépensée pour fabriquer un jean? un steak haché? faire tourner une machine à laver ? Au cours des séances, les élèves préparent des animations pour sensibiliser les autres jeunes de l’établissement en fin d’année. » En plus de travailler sur des compétences en SVT et en sciences physiques (évaporation et condensation de l’eau…), cela permet de responsabiliser les élèves. Aïna et Mewen apprécient : « On est contents qu’on nous confie un projet à nous, la génération future ! On prend conscience des choses, on sait que les réserves d’eau potable se réduisent. En cours d’histoire-géographie, on a vu que les coupures d’eau sont de plus en plus fréquentes dans certains pays. Si chacun fait un effort, achète moins d’habits, recycle les siens, cela peut aider ». Pour élargir la réflexion, les enseignants s’appuient sur Armelle Le Port, l’adjointe en pastorale : « Ces projets suscitent des questionnements intérieurs sur lesquels je peux rebondir en cours de culture religieuse avec les 6es, par exemple, ou en temps de pastorale pour ceux qui le souhaitent. Je fais aussi le lien avec Laudato si’. C’est un bon moyen de lutter contre la résignation. »
Les projets Imagine se complètent de nombreuses autres initiatives : éco- délégués (l’établissement a reçu le label E3D niveau 2 en février dernier), élèves médiateurs (onze élèves formés chaque année de la 6e à la 4e)… Petit à petit, des graines sont plantées pour que les collégiens de Javouhey deviennent des citoyens de demain, informés et responsables.