Petite coopérative du vivre ensemble
École Nicolas-Barré – Saint-Maur, à Pau (64)
Thomas Troncho, chef d’établissement
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À l’école Nicolas-Barré – Saint-Maur, à Pau (64), la moitié de l’équipe enseignante tient chaque semaine un conseil de coopération avec sa classe, ouvrant ainsi un lieu d’expression, de résolution de conflits et de possibilité d’actions aux élèves, dès la maternelle.
Le vendredi, la classe de CE2-CM1 de l’école Nicolas-Barré – Saint-Maur, à Pau (64), écourte sa récréation de l’après-midi pour clore sa semaine en conseil de coopération. Timothée, le président du jour, ouvre avec solennité le temps d’échange hebdomadaire, qui va durer 1 h 15, en en rappelant les règles : « On s’écoute et on se respecte, sous peine d’avertissement, le troisième entraînant une exclusion. » Après une rapide estimation à main levée de la météo du climat de classe, plutôt ensoleillée cette semaine, Joachim, le secrétaire, enchaîne avec le compte-rendu du dernier conseil et ouvre un point sur le suivi d’un atelier de récré « Confection de bijoux », lancé la semaine dernière.
Une philosophie de vie
Les élèves se distribuent les rôles pour réaliser des affiches et passer informer chaque classe de l’instauration d’un roulement pour l’activité, victime de son succès. Le dépouillement des messages concernant les conflits restés en suspens donne ensuite lieu à des explications entre élèves, jeu de rôle à l’appui si besoin. Suivent les propositions : passer certaines récréations en classe et réaliser un film… dont le scénario reste à imaginer. Le conseil s’achève sur les messages de remerciements et de félicitations aux élèves distingués par leurs pairs pour avoir rangé la classe, fait preuve de gentillesse, réalisé un exposé passionnant… Jusqu’à la longue lettre format A4 adressée par Sofiane, le maître bijoutier, qui remercie la maîtresse pour « sa patience et son humour » et toute la classe « pour sa camaraderie qui lui permet de ne plus se sentir exclu »…
« C’est ce genre de cadeau inattendu que les pratiques coopératives nous offrent. Parce que, bien plus qu’une technique pédagogique, c’est une philosophie de vie qui transforme profondément et durablement les élèves, les enseignants… et toute l’école », s’enthousiasme l’enseignante Maïder Berenguer, les yeux encore papillonnants en sortie de conseil.
Fruits d’un vivre-ensemble apaisé et d’un travail de longue haleine, ces moments semblent d’autant plus précieux dans cette école très inclusive et socialement mixte, qui s’emploie à promouvoir la richesse des différences.
Ceintures de compétences
C’est en 2017 que l’équipe découvre les pratiques coopératives et pressent qu’elles peuvent être un levier : « Nous sommes entrés dans la coopération par un outil, avec une formation aux ceintures de compétences qui, sur le modèle des grades de judo, permet aux élèves de suivre leur progression et induit une dynamique de classe particulièrement stimulante pour les apprentissages par cœur de type tables de multiplication ou conjugaisons », explique Marie Gilloux, enseignante en CE1-CE2, qui raconte ensuite « une appropriation progressive, par petites touches, à recommencer chaque année avec détermination ». En vue d’expérimenter les ceintures, l’équipe se forme encore, notamment aux émotions et à la coopération entre adultes, avec le personnel éducatif, l’enseignante spécialisée et celle du regroupement d’adaptation.
Exprimer à l’autre son besoin
En 2019 enfin, une formation sur la communication non violente fait office de déclic coopératif. Des élèves médiateurs, comme Jeanne, en CM2, choisis pour leur bonne compréhension du « message clair » et formés trois jours en début d’année par les enseignants, changent l’ambiance des récréations : « Quand il y a un problème, une dispute entre enfants, on se retrouve dans un coin spécial de la cour où une affiche confectionnée par les maîtresses rappelle le mode d’emploi du message clair : exposer les faits sans jugement, expliquer son ressenti, puis exprimer à l’autre son besoin : des excuses, ne plus recommencer… » Résultat : un climat de cour particulièrement serein, surtout les vendredis où les jeux de ballons sont proscrits : « Dans mon ancienne école, à chaque récré, c’était une longue file d’attente devant les adultes. Ici, ils discutent tranquillement ensemble et avec nous et sont immédiatement disponibles pour les cas graves », commente Amaury, en CM2, qui salue aussi « le très bon accueil fait à la différence ». Ainsi, il a pu expliquer son autisme en conseil de coopération, à la dernière rentrée, en présence de ses parents et d’intervenants. Dans la cour trône également le banc de l’amitié, multicolore, « décoré par un point doré du doigt de chaque enfant et qui sert à réclamer de la compagnie quand on se sent seul, présente fièrement Gabrielle, en CM1. C’est très utile, tout comme d’apprendre à verbaliser ses émotions plutôt que de se laisser submerger par elles… »
Sanction réparatrice
Arrivé il y a deux ans, Thomas Troncho, chef d’établissement lui-même formé à la pédagogie personnalisée du père Faure, a tout de suite adhéré à cette culture coopérative de l’école. Le vendredi matin, il réunit un élève de chaque classe, envoyé par son enseignant pour partager une réussite autour d’un « Success hot chocolate Friday ». Un intitulé anglais qui fait référence à l’option « immersion linguistique » lancée cette année. Une fois par trimestre, Thomas Troncho anime aussi un conseil d’école qui réunit les élèves médiateurs pour évoquer des problématiques de cantine et de cour. « Nous y avons aussi travaillé un nouveau règlement intérieur, formulé en phrases positives pour responsabiliser davantage. Conduite parallèlement en concertation pédagogique, cette réflexion a fait émerger le besoin d’approfondir la notion de sanction réparatrice. » Pour l’heure, le dernier conseil d’école fera la part belle au spectacle de fin d’année. Projet fédérateur qui implique les parents et donne lieu à un chef-d’œuvre d’école, en lien avec le thème d’année : colombe en mosaïques pour célébrer la paix l’an dernier et, cette année, soleil rayonnant pour illustrer la joie et dont chaque classe a participé à compléter les rayons. À la rentrée prochaine, après avoir été agrémentée de fresques, de barres de traction, de cabanes et de jardinières, la cour s’invitera au menu des conseils d’école, avec son projet de végétalisation et ses magnifiques platanes, sous lesquels on coopère si bien !
