Esprit de justice
Lycée Le Rebours à Paris
François Chopineau, Enseignant d’histoire-géographie
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L’exposition itinérante de la CEF, « Du cri du cœur à la voix des Justes », a été l’occasion pour les lycéens du Rebours, à Paris, de découvrir les parcours héroïques de plusieurs Justes parmi les Nations. Un travail de recherche qui les a passionnés.
Dans la cour du lycée parisien Le Rebours, le 25 avril dernier, le vent un peu frisquet n’est pas parvenu à refroidir l’enthousiasme des lycéens. Ils ont exposé en petits groupes le parcours de Justes parmi les Nations, rendant hommage oralement ou grâce à de courtes vidéos à quelques-uns d’entre eux : le père Jacques qui, dans le Petit collège – Sainte-Thérèse, à Avon (77), a caché trois enfants juifs avant d’être déporté avec les écoliers ; ou le diplomate suédois Raoul Wallenberg, qui a sauvé des milliers de juifs hongrois en leur délivrant des passeports suédois et en négociant avec les nazis l’annulation de leur déportation. Face au public composé d’élèves mais aussi de la direction de l’établissement, en BTS SAM (Support à l’action managériale) ont aussi présenté « leurs Justes », en expliquant pourquoi ils de représentants de la direction diocésaine de Paris et de la mairie du XIIIe arrondissement, des étudiants avaient choisi Nelson Mandela, Gisèle Halimi, Coluche ou encore Malala Yousafzai. Enfin, d’autres BTS ont lu C’est l’histoire d’un préfet…, un poème en prose très émouvant qu’ils ont écrit sur Jean Moulin. Ce même jour avait lieu l’inauguration de l’exposition itinérante Du cri du cœur à la voix des Justes, conçue en 2022 par la Conférence des évêques de France (CEF) en partenariat avec le Comité français pour Yad Vashem. Elle était installée dans le hall d’entrée de ce lycée général, technologique et professionnel, où chacun pouvait découvrir la dizaine de panneaux sur les Justes exposés durant trois semaines. La présentation de Justes par les élèves est le résultat d’un long travail. Six enseignants et une conseillère d’éducation se sont emparés du sujet. « Nous avons démarré en réunissant les délégués de classe dans le cadre du Conseil de vie lycéen et en réalisant une affiche présentant le projet, collée dans toutes les classes », explique François Chopineau, professeur de lettres et d’histoire en lycée professionnel. En janvier, une conférence a été donnée sur la justice dans la Bible par le père Christophe Le Sourt, responsable du Service national pour les relations avec le judaïsme de la CEF, et des rencontres ont été organisées avec Muriel Osowiechi et Mireille Miltsztayn, descendantes de juifs sauvés par des Justes. Chaque classe a aussi étudié la lettre pastorale de Mgr Saliège, l’archevêque de Toulouse qui a pris très vigoureusement, en 1942, la défense des juifs. Et la BD Justes parmi les nations, éditée chez Plein Vent, a été mise à disposition des élèves. Entre février et mars, six classes ont travaillé sur le parcours de différentes personnalités. Par ailleurs, l’aumônerie du XI I I e Ouest, située en face de l’établissement, emmène tous les deux ans une trentaine de jeunes visiter le camp d’Auschwitz. Parmi eux, dix lycéens du Rebours viennent tout juste de rentrer de Pologne… « Les jeunes sont très sensibles à la justice et à l’injustice. C’est sous cet angle que nous avons abordé le sujet. Cela a permis de faire surgir la parole », commente François Chopineau. Les élèves se sont engagés à fond dans leurs recherches, la réalisation de vidéos ou de poèmes. « Ils se sont passionnés pour le sujet », assure François Chopineau.
Cinq lycéens évoquent leurs recherches sur la Shoah et leur voyage à Auschwitz
Émilie, 17 ans, en Tle STMG : Je connaissais les Justes mais je ne savais pas précisément ce qu’ils avaient fait. Nous avons rapidement choisi de travailler sur le parcours d’Adélaïde Hautval, déportée pour avoir pris la défense d’une famille juive, qui nous a impressionnées, puis nous avons réalisé un court-métrage avec Chloé et d’autres élèves…
Les Justes sont d’une humilité effarante. La plupart estiment n’avoir fait que leur devoir alors qu’ils mettaient leur vie en danger. Ils voulaient être la voix de ceux qui n’en avaient plus… Nous avons travaillé quatre semaines sur cette période de l’Histoire mais nous avons envie d’aller plus loin dans la connaissance de la Shoah et de ces personnalités prêtes à braver la mort. Par leur courage et leur capacité à résister, les Justes apportent un formidable message d’espoir.
Chloé, 18 ans, en Tle STMG : Ce qui est étonnant chez cette femme médecin-psychiatre, qualifiée par les nazis « d’amie des juifs » et qui du coup a subi le même sort qu’eux, c’est qu’elle n’a jamais douté de ses choix et qu’elle est restée déterminée malgré les risques pris. Cela lui a permis de sauver de nombreuses vies dans les camps de la mort. Elle a eu un comportement absolument héroïque. En 1988, elle s’est suicidée car elle était atteinte de la maladie de Parkinson.
Théo, 21 ans, en 2e année de BTS SAM (Support à l’action managériale) : Dans ma classe, nos professeurs de français, d’anglais et d’espagnol nous ont proposé un projet original puisqu’il s’agissait de choisir « nos Justes ». Nous avons tout d’abord réalisé un travail de définition car beaucoup d’entre nous – dont moi – n’avions jamais entendu parler d’eux. Les Justes sont des personnes capables d’œuvrer pour sauver les autres et de se rebeller face à un système inique… Dans un second temps, nous avons sélectionné une personnalité. Mon groupe a choisi Coluche car avec Les Restos du cœur, il a voulu aider les plus fragiles et a lancé un projet profondément humaniste. Finalement, je me dis que l’on peut tous essayer d’être un Juste en étant prêts à aider les autres, bref, en devenant un petit héros du quotidien.
Nathan, 15 ans, en 2de : J’avais envie de faire ce voyage à Auschwitz car je ressentais un devoir moral vis-à-vis de tous ceux qui y sont morts. La Shoah représente aussi un moment fondamental de l’histoire de l’Europe et de l’humanité que je voulais mieux connaître. Une fois sur place, j’avais un peu l’impression étrange d’être sur une sorte de campus… Mais beaucoup de lieux sont particulièrement émouvants. Tout d’abord, l’entrée avec l’inscription « Arbeit macht frei » et les rails qui sont toujours là. Mais aussi les baraquements, même si des vitres ne nous permettent pas de s’approcher des planches en bois sur lesquelles dormaient les prisonniers, ainsi que les piles de chaussures, de bagages, de prothèses… Pire, nous avons vu une potence et les chambres à gaz aux murs griffés par les victimes. J’ai aussi été très impressionné par cette salle où sont accrochées les photos de toutes les personnes assassinées à Auschwitz, soit plus d’un million de personnes. Il faudrait plus d’un mois pour lire leurs noms. Là, on se rend vraiment compte de l’ampleur de l’Holocauste !
Nicolas, 17 ans, en 1re STMG : J’ai voulu faire ce voyage d’une semaine en Pologne et visiter Auschwitz, car j’aime beaucoup l’Histoire et j’ai entendu parler de membres de ma famille qui ont vécu la Seconde Guerre mondiale. Par ailleurs, j’avais envie de me rendre compte par moi-même de ce qu’était ce camp. Cette visite était bouleversante et en même temps, il était difficile de prendre conscience de ce qu’il s’y était passé. Il faisait très beau, les pelouses étaient verdoyantes… Néanmoins, nous avons rencontré un rescapé polonais exilé aux États-Unis. Il nous a montré son numéro tatoué sur le bras. Nous nous sommes identifiés à lui et demandé comment nous aurions réagi nous-mêmes face à une telle violence.