Migrants

En fraternité avec les exilés

Institution Notre-Dame-la-Riche, Tours
Benoit Visse, chef d’établissement
Envoyer un e-mail

L’Institution Notre-Dame-La-Riche de Tours se prépare à scolariser et accueillir dans son internat vingt-cinq mineurs non accompagnés (MNA) en septembre prochain. Un projet qui prend sa source dans une sensibilisation indispensable à la question des migrations.

« Tout est parti en 2014 de la réflexion menée par la communauté éducative lors de notre Journée de la fraternité », évoque Benoît Visse, chef d’établissement de Notre-Dame-La-Riche à Tours, pour expliquer la genèse des nombreux projets engagés en faveur des migrants. Der-nier en date : accueillir en septembre 2019, vingt-cinq mineurs non accompagnés (MNA). « Il y a eu une prise de conscience collective que nous appartenions à une seule famille humaine. De plus, les appels répétés du pape François à aller aux périphéries nous ont fortement interpellés, poursuit-il. Cela rejoignait l’essence même de notre projet qui met au centre le Christ et son message d’aider son prochain. »
Un premier acte fort est posé en 2015 avec le voyage d’une quinzaine d’élèves sur l’île de Lampedusa, au large de la Sicile, porte d’entrée des migrants en Europe. « Nous voulions les amener à se faire une idée par eux-mêmes en se confrontant à la réalité et en rencontrant des habitants de l’île », explique Robin Durieux, adjoint de direction en charge de la pastorale et initiateur du projet. Pour ce voyage, les élèves se sont pré-parés pendant dix mois en travaillant les textes du pape François mais aussi les lois qui régissent le droit d’asile. « Ils sont rentrés bouleversés, avec le désir de témoigner et d’aider », raconte Robin Durieux. Pendant un an, ils ont raconté ce qu’ils ont vécu plus de cent fois dans des établissements de Tours, du Nord et de Bretagne ; ont répondu à de nombreuses interviews et ont été invités à témoigner à la Conférence des évêques de France et devant un groupe de députés au Parlement européen.

Quatre séjours à Grande-Synthe

La dynamique était lancée ! Ces lycéens ont donné envie à d’autres d’agir. Pour répondre à cette nouvelle demande, Robin Durieux initie un projet de bénévolat dans le campement pour migrants de Grande-Synthe, près de Dunkerque, avec l’accord du maire de la commune. Depuis 2016, quatre séjours ont déjà eu lieu. Sur place, les lycéens aident les associations humanitaires en distribuant des repas ou en animant des ateliers pour les enfants. Comme pour le voyage à Lampedusa, l’accent est mis sur la formation en amont. Pour ces séjours d’une semaine, en 1re ou Tle, les élèves se préparent dès la classe de 2de en participant, un mercredi sur deux, à un atelier sur l’engagement humain et solidaire.
Dans cet élan, Benoît Visse crée, en 2017, un Pôle solidarité « pour inscrire ces actions dans un projet global, porteur de sens ». Robin Durieux, qui en a eu l’idée en préparant à l’Ircom d’Angers un master Humanitaire et Action sociale, a structuré ce pôle autour de trois axes. Tout d’abord développer des actions localement en partenariat avec des associations : ainsi, l’an dernier, quatorze lycéens ont réparé des vélos de récupération avec des migrants logés à Saint-Pierre-des-Corps (37), la ville la plus proche, pour les leur donner et ainsi faciliter leurs déplacements. Le deuxième axe consiste à agir au niveau national et européen avec, par exemple, les séjours à Grande-Synthe. Le dernier volet est international : il consiste pour le moment à construire un lycée au Togo « afin de participer à un projet de développement qui pourrait inciter les jeunes à être plus heureux dans leur pays et vouloir ainsi y rester », détaille Robin Durieux. Des voyages interculturels de lycéens sont aussi prévus dans ce pays.

Une prise en charge complète

Cette dynamique s’appuie sur une expérience d’accueil de migrants dans l’établissement. Depuis plusieurs années, il scolarise des mineurs réfugiés, venus avec leur famille : des chrétiens irakiens et syriens, des Égyptiens, des Afghans… Cette année, Notre-Dame-La-Riche en scolarise une vingtaine. Pour ces élèves, a été mis en place un dispositif allophone dans le 1er et 2d degrés, avec des cours de Fle (Français langue étrangère), mais aussi des modules d’intégration et de socialisation, en s’appuyant sur l’expertise de l’Accueil Jean-Paul II. Créée par l’établissement, cette structure propose à des élèves décrocheurs un accompagnement personnalisé à travers quatre dispositifs (lycée du soir, micro-lycée, micro-collège et dis-positif Rebond). Cet accueil servira aussi de support pour les MNA. L’établissement a en effet répondu en décembre dernier à un appel d’offre du conseil départemental pour scolariser vingt-cinq d’entre eux. « L’idée n’est pas de les accueillir dans l’urgence mais de leur proposer un avenir », explique Benoît Visse. Le projet serait de les prendre en charge complètement : hébergement dans l’internat du lycée, accompagnement scolaire, éducatif, psychologique et médical. Pour cela l’embauche d’un surveillant à mi-temps est prévue afin de laisser l’internat ouvert pendant les vacances scolaires et les week-ends. Un enseignant de Fle sera aussi recruté à mi-temps et rémunéré par le lycée lui-même. La réponse du conseil départemental est at-tendue courant 2019. Pour le chef d’établissement, les élèves jouent un rôle majeur dans cet accueil : « Ils font évoluer les mentalités. Le témoignage de leur expérience à Lampedusa ou à Grande-Synthe dissipe les peurs. Ils en parlent autour d’eux. » Les professeurs sont aussi partie prenante. Deux d’entre eux se rendront au Togo l’an prochain, tandis qu’un enseignant et un surveillant ont accompagné en décembre des élèves à Grande-Synthe. Une espérance commune habite aujourd’hui Benoît Visse et Robin Durieux : que d’autres établissements de la région se mobilisent et enclenchent cette même dynamique.toutefois avoir semé des graines qui feront de ses élèves des bâtisseurs de paix.

© D.R.