Enfant qui écrit

Double direction: un rythme à trouver

Direction diocésaine d’Amiens
Martine Dargent, adjointe à la DDEC
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La direction diocésaine d’Amiens (80) a récemment nommé des chefs d’établissement sur deux écoles. Une nécessité économique qui induit des retombées positives en termes de pilotage et de dynamiques éducatives.

En deux ans, ils sont trois chefs d’établissement de la Somme à avoir relevé le défi d’une double direction. D’expériences et de profils divers, leurs qualités d’organisation et d’animation leur permettent, en se partageant entre deux établissements, d’alléger la charge financière qui pèse sur les petites écoles rurales. À l’enjeu permanent de maintenir des effectifs, en baisse dans ces zones de déprise démographique, s’ajoutent de nouvelles difficultés. Depuis juillet 2017, leur budget est grevé par la suppression des emplois aidés, ces contrats d’insertion professionnelle qui bénéficiaient de subventions. En outre, le traitement des directeurs d’école doit être revalorisé, suite à l’adoption, au printemps 2017, d’un statut du chef d’établissement commun au 1er et au 2d degrés.

Ce nouveau fonctionnement comporte un autre atout : il évite aux chefs d’établissement de cumuler une mission de direction, de plus en plus alourdie par les tâches administratives, avec une responsabilité de classe. Ainsi, Odile Delanchy se partage certes entre Saint-Joseph, l’établissement amiénois qu’elle dirigeait depuis sept ans, et Notre-Dame-de-Belloy-sur-Somme, école de campagne de quatre classes éloignée de 20 km, mais elle bénéficie ainsi de la décharge d’enseignement complète qui n’est accordée aux chefs d’établissement du 1er degré qu’à partir de quatorze classes. « Bien sûr, des tâches de comptabilité ou la nouvelle réglementation sur la qualité de l’air intérieur s’invitent encore à la maison le week-end, remplaçant corrections de copies et préparations de cours… Mais je ne souffre plus de devoir interrompre ma classe, ce qui me donnait l’impression de la négliger… », explique Odile Delanchy.

Des jours de présence fixes

Un ressenti partagé par Delphine Cazier. Comme directrice de Saint- Martin, à Yvrench, une école de trois classes, elle n’avait que dix jours de décharge par an… Son temps plein de direction est aujourd’hui bien rempli par l’animation d’une équipe élargie aux dix-sept enseignants de Saint-Pierre d’Abbeville : « En année de démarrage sur ce double poste et ayant validé mon titre de dirigeant en décembre, je ne peux pas dire que la charge de travail globale a baissé… Néanmoins, je maîtrise mieux mon temps, notamment parce que je peux prendre des rendez-vous à toute heure. J’agis aussi un peu moins dans l’urgence, ce qui me permet d’associer davantage les équipes à mes décisions. »

Dépourvues du don d’ubiquité, les deux directrices doivent compter sur le soutien de leurs équipes et de nouveaux modes de communication : « Nous avons un cahier pour les problèmes courants non urgents comme un néon qui clignote ou des autorisations de sortie à signer, tandis qu’un groupe WhatsApp permet à tous de suivre les arbitrages qui ne peuvent attendre », explique Véronique Delahaye, enseignante à Saint-Joseph. Récipiendaire de la délégation de pouvoir, elle gère donc, en l’absence de la directrice, le téléphone, les problèmes ponctuels de discipline et les demandes des parents. Une « marque de confiance » d’autant plus appréciable qu’elle traduit un véritable « lâcher-prise », Odile Delanchy ayant eu du mal à renoncer à une présence quotidienne dans ses deux établissements.

enfants classe
© V. LERAY

Delphine Cazier a abandonné plus facilement ses allers-retours permanents entre les deux sites. Des jours de présence fixes lui paraissent plus clairs pour les équipes comme pour les parents, que sa réactivité immédiate aux appels et mails ont achevé de rassurer. « Forte du soutien inconditionnel et de l’autonomie » de l’équipe d’Yvrench, elle s’est aussi assurée, sur les deux sites, du relais de personnels Ogec : à Yvrench, elle a passé en CDI l’assistante d’éducation qui s’avère une secrétaire efficace ; à Saint-Pierre, elle s’appuie sur Céline Ledoux qui faisait déjà office d’assistante de direction mais se sent « davantage associée, avec des responsabilités nouvelles ».

L’équipe enseignante de Saint-Pierre a aussi dû s’ajuster, comme l’explique Valérie Alipre, la responsable de l’Ulis (Unité localisée pour l’inclusion scolaire) : « Delphine Cazier déploie, durant ses temps de présence, une énergie et une disponibilité impressionnantes qui accélèrent notre rythme… En retour, elle nous représente avec efficacité : elle a déjà fait remonter auprès de la coordination de l’ensemble scolaire ma demande, restée lettre morte depuis des années, d’ouvrir une Ulis collège pour garantir une poursuite d’études à nos élèves. »

Enfants classe
© V. LERAY

Coopérations pédagogiques

Les Ogec ne se partagent pour l’instant que le salaire du chef d’établissement, au prorata de la santé financière des structures, avec en prime de légers renforts des structures moyennes envers les plus petites en comptabilité. Entre Notre-Dame et Saint-Joseph s’esquissent aussi des coopérations pédagogiques. Une enseignante d’Amiens a ainsi partagé ses progressions avec une suppléante de Notre-Dame et, lors d’une journée de rencontre, les deux équipes ont approfondi ensemble leur intérêt commun pour la discipline positive, domaine d’expertise favori d’Odile Delanchy. Elle y forme l’équipe de Notre-Dame, comme elle l’avait fait pour celle de Saint-Joseph, au cours d’ateliers conduits en co-animation avec les enseignantes et en proposant de nouvelles modalités pour les concertations ou les PPRE (Programmes personnalisés de réussite éducative). Delphine Cazier, quant à elle, s’emploie à métisser les cultures d’établissement :
« J’ai réaménagé mon bureau avec un espace de discussion convivial pour recevoir les parents et une table ronde modulaire pour le travail en équipe, histoire d’insuffler à Saint-Pierre un peu de l’esprit familial de Saint-Martin. Par ailleurs, je découvre avec intérêt, à Saint-Pierre, les conseils d’ école et le rôle qu’y jouent les délégués de classe. J’aimerais transposer à Saint-Martin cette rigueur dans le fonctionnement des instances… » Preuve que d’une nécessité économique peuvent découler des bénéfices éducatifs !

La progressivité est de mise

Consciente du surcroît de travail demandé aux chefs d’établissement multi-sites,
la direction diocésaine d’Amiens n’envisage d’augmenter leur nombre que très progressivement et exclusivement dans le cadre de décharges totales. Martine Dargent, responsable du pôle pédagogique, accompagne de près les trois directrices concernées nouvellement nommées, à raison de trois à quatre entretiens individuels par an et d’une ou deux réunions collectives, élargies à un autre chef d’établissement missionné sur deux sites depuis plus longtemps.

« Dans un autre cas de figure, un chef d’établissement sur deux sites bénéficie d’un adjoint, valorisé comme tel, ce qui le place dans une situation plus confortable de coordination. Mais lorsque la solidité financière des Ogec n’autorise pas cela, il faut travailler la délégation et la responsabilité en partage », explique Martine Dargent qui invite les équipes concernées à s’investir plus avant dans certains domaines (pastoral, pédagogique, administratif), en fonction des compétences de chacun. Associés au processus, les Ogec seront conviés à une journée de travail visant à développer les mutualisations initiées, par exemple via des prêts de matériel ou des mises à disposition de personnel.