Dialoguer et célébrer

École Mère-Teresa et Saint-Augustin à Roubaix (59)
François Adam, chef d’établissement
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Chef d’établissement des écoles Mère-Teresa et Saint-Augustin, à Roubaix, François Adam conçoit avec ses équipes une proposition pastorale qui s’appuie sur le dialogue interculturel et intercultuel. Trois célébrations par an réunissent la communauté éducative, heureuse de vivre ces temps forts.

« Lors de notre première célébration, une majorité d’enfants, sur les 220 inscrits que compte l’école, ont répondu présents. Certains parents étaient venus avec un peu de suspicion : chercherait-on à les convertir ? Allions-nous imposer le signe de croix ? », se souvient François Adam, qui dirige à Roubaix (59) l’école Mère-Teresa depuis 2017, et conjointement l’école Saint-Augustin depuis 2018. Originaire de Saumur (49), le chef d’établissement a traversé « l’expérience enrichissante d’être l’étranger, celui qui est différent des autres par sa culture », lorsqu’avec son épouse il a enseigné à Séoul, en Corée du Sud. Obtenir la direction d’une école multiculturelle correspondait donc à ses aspirations personnelles.
À son arrivée à Mère-Teresa, il constate qu’il existe bien un vivre-ensemble mais « on ne se référait pas à l’Évangile et aucun temps d’échange sur la foi n’était programmé ».
Hors de question, bien sûr, de faire du prosélytisme mais « ne rien proposer, c’était trahir le projet éducatif de l’école et la philosophie de mère Teresa et de saint Augustin ». À chaque inscription, François Adam rappelle alors aux parents que son objectif c’est « l’enrichissement mutuel et que chacun doit être fier de la foi qu’il vit au quotidien ».

Des moments de fête

Depuis près de cinq ans, trois célébrations rythment désormais l’année scolaire : en septembre, à Noël et à Pâques. « À chacun de ces rendez-vous, il n’y a plus de crispation, se félicite le chef d’établissement. Nous étions certains de notre proposition qui était de célébrer la foi, l’amour de Dieu et de l’autre. Les élèves s’y sont totalement retrouvés, chacun s’est senti respecté et à sa place. Les parents musulmans les qualifient eux-mêmes de moments de fête. » Ainsi, la célébration de rentrée se veut un temps d’accueil des nouveaux élèves. Tous les écoliers accompagnés du reste de la communauté éducative, sont rassemblés dans la cour pour faire « maison commune ». « La démarche est d’inviter tout le monde, sans contraindre personne », explique François Adam. En amont, les élèves préparent en classe des chants, réfléchissent sur un texte spirituel et réalisent des bricolages. « Symboliquement, chacun est présent, ne serait-ce qu’au travers des objets fabriqués par tous les écoliers, qui seront ensuite exposés lors des célébrations », souligne le chef d’établissement.
Cette année, le thème de la rentrée, inspiré de l’itinéraire Pasto’fi l, était : « Comment accueillons-nous l’autre qui frappe à notre porte ». Les élèves devaient lister les paroles d’accueil que l’on prononce spontanément. « Cela a donné lieu à un foisonnement d’expressions, de diverses langues, afin que chacun puisse accueillir l’autre et dépasser sa peur », se réjouit François Adam. Chaque enfant avait aussi dessiné sa propre porte qu’il a offerte à un camarade.
« À Noël, cela donne du sens de parler des personnages de la crèche, de ce que représente cet enfant à naître, Fils de Dieu et pauvre parmi les pauvres », pointe François Adam.
Le père Jean-Claude Loock, curé de Wattrelos et accompagnateur de l’école, a quant à lui toujours mis un point d’honneur à n’imposer aucun geste religieux. Il déclare simplement : « Nous avons, catholiques et musulmans, quelque chose en commun : croire en un dieu qui est amour, quel que soit le nom qu’on lui donne. » Avant une célébration, le prêtre organise dans chaque classe un temps d’échange avec les élèves, d’une demi-heure à trois quart d’heure. Il constate d’ailleurs qu’il n’est pas compliqué d’évoquer Noël avec ces enfants, puisque la naissance de Jésus figure aussi dans le Coran.

© MÈRE-TERESA/ROUBAIX

Plusieurs rivières, une même source

« À Pâques, c’est un peu moins facile de parler de la résurrection de Jésus, mais l’échange vient et l’essentiel est là. Mon message reste le même : personne n’est obligé de croire mais moi je crois, donc je témoigne de ce que je crois », poursuit le prêtre. Pour la semaine pascale, l’équipe s’attache tout particulièrement à partager le pain, en signe de fraternité. « Je fais la même proposition dans les autres écoles catholiques. J’évoque Jésus mais toujours en signalant les spécifi cités de chacune des deux religions », expose le curé de Wattrelos. Tout échange devient l’occasion de créer un pont entre les deux monothéismes. « Pour les fêtes de Pâques, l’année dernière, un élève de CM1 a levé le doigt pour dire : “C’est comme si plusieurs rivières qui alimentent des villages, avaient la même source”. J’ai trouvé cela génial !, raconte le père Loock. Nous parlons de nos références communes. Issa désigne Jésus dans le Coran. Et Marie (Maryam en arabe), est souvent mentionnée dans le texte sacré de l’islam : elle donne naissance à Jésus au pied d’un palmier. Nos deux religions se rejoignent parfois… ». Quand ils arrivent en CM2, les écoliers connaissent bien les célébrations et le père Loock. « C’est de la joie ! », avance Abel. « Cela apporte de la sérénité et de la paix », s’exclame Amine. « C’est être tous ensemble », ajoute Mohamed.
Cette année, pour Noël, ils ont chanté Viens avec nous et construit une étoile, sur laquelle chacun était invité à écrire sa force sur une face et sa fragilité sur l’autre. Elles ont été regroupées pour composer une constellation représentant chaque classe. Toutes ensemble, elles ont formé une galaxie, lors de la célébration de l’Avent sur le thème « Tous fragiles mais solides ensemble ».

La richesse du partage

Pour Catherine Cliquennois, enseignante en CP-CE1 à Mère-Teresa, « au départ, ce n’était pas facile de parler du message de Jésus à des enfants de confession musulmane ayant peur d’être convertis ». Très vite, celle-ci a axé son discours sur deux grandes idées. « D’abord, nos deux religions ont un point commun : nous croyons en un Dieu d’amour qui nous aime et qui nous demande d’aimer les autres. Ensuite, je leur parle toujours avec mon cœur de l’importance de s’ouvrir à ce que l’autre pense et de la richesse de ce partage. »
Durant les fêtes de Noël et de Pâques, Catherine Cliquennois commence toujours par : « Je vais vous raconter ce que l’on enseigne dans ma religion sur l’histoire de Jésus et ce que j’ai appris de son message. » Elle écoute aussi les écoliers musulmans dans les temps forts que sont pour eux l’Aïd ou le Ramadan : « Nous vivons un moment de partage très riche où chacun accueille l’autre avec amour. » Et pendant l’Avent, la maîtresse reçoit des dessins de ses élèves, notamment de confession musulmane, sur lesquels il est écrit : « Bon Noël, Madame Catherine ! » Pour les préparations au baptême et à la communion des élèves catholiques, « j’envoie les familles vers la communauté des religieuses de l’Enfant Jésus – Nicolas Barré, et notamment sœurs Micheline Martel et Colette Flourez, qui vivent au coeur des quartiers roubaisiens », détaille François Adam. Elles font le lien avec la paroisse voisine Saint-François dans laquelle elles sont investies. « Aujourd’hui, chacun a compris qu’il devait être fi er de son cheminement de foi, confie le chef d’établissement. Adultes et enfants se sentent libres de parler de leur religion, du Ramadan et de l’Aïd, comme de Pâques et de Noël . S’écouter les uns les autres, c’est essentiel. Le bilan est extrêmement positif. Cet enrichissement relationnel et spirituel m’a aidé et nourri il y a deux ans dans ma préparation à la confirmation… »