Des petits chercheurs curieux

école Saint-Augustin d’Angers (49), école Sainte-Anne – Sainte-Croix du Mans (72)
Xavier Richard, professeur à l'école Saint-Augustin d'Angers et chargé de mission à la direction diocésaine du Maine-et-Loire
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L’importance accordée aux sciences et à la démarche d’investigation est un marqueur fort des diocèses de l’Ouest. Preuve en est le Congrès des jeunes chercheurs, lancé il y a plus de vingt ans. Cette dynamique, qui fait le bonheur des enfants, se décline avant tout en classe… SYLVIE HORGUELIN

A l’école Saint-Augustin d’Angers (49), les CM2 phosphorent. Question du jour lancée par leur professeur Xavier Richard : « D’où viennent les plantes ? » Les écoliers jettent leurs premières idées sur une feuille. Pour certains, elles viennent du pollen, pour d’autres des graines contenues dans les racines. « C’est les oiseaux qui déplacent les graines », écrit Paul, tandis que pour Léna, « les plantes naissent des racines qui se mélangent ». L’enseignant récapitule les hypothèses émises et lance le débat en encourageant les enfants à défendre leur point de vue. « Quand les racines de deux chênes se touchent, cela fait un troisième chêne », soutient Léna. « Moi je crois que l’arbre pousse à partir d’un gland », assure Arthur. Mais Camille qui a déjà ouvert un gland, affirme qu’il n’y a rien dedans. « Mais si, j’ai planté un gland et un arbre a poussé », persiste Arthur. À la fin du débat, chaque enfant choisit un ou deux points à approfondir à l’aide de documents. « Dans l’école, il y a des parterres d’herbe folle. Nous allons désherber et planter », explique avec entrain Matteo. « On va ramener des glands, des pommes, les ouvrir, les enterrer… Les réponses arriveront plus tard », complète le professeur, qui se réjouit de cette belle émulation.

Même enthousiasme dans la classe de Christophe Pinquié, professeur à l’école Sainte-Anne – Sainte-Croix du Mans (72), qui fait travailler cette année ses CM2 sur le thème de la matière : « J’ai demandé aux élèves de voir comment on peut superposer des liquides et poser des objets à différents niveaux. Les enfants vont apporter du matériel et des liquides. Cela va passer par la manipulation. Ils découvriront que plus l’eau est salée meilleure est la flottaison. » Mais Christophe Pinquié ne se contente pas de donner le goût de l’expérimentation à ses seuls élèves. Depuis dix-huit ans, il organise le Congrès des jeunes chercheurs pour la Sarthe, avec ses collègues du groupe sciences du Maine-et-Loire. Un temps fort bien rodé : le matin, trois ou quatre classes, du CM1 à la 6e, sont réunies dans une des écoles impliquées. En séance plénière, des délégués présentent les résultats de leur observation menée en classe pour relever un défi commun. Faire voler un avion le plus loin possible, par exemple. L’après-midi des chercheurs sont invités pour parler de leur métier et chaque équipe, en demi groupes, présente, à l’aide de supports variés, les résultats d’une démarche d’investigation conduite en classe.

Faire voler un avion

« Les enfants sont au centre du projet, développe Christophe Pinquié. Ils réfléchissent ensemble. Ils font des découvertes grâce à la manipulation et prennent des notes. Ils sont fi ers de participer au congrès et d’échanger avec des chercheurs du CNRS, comme l’an dernier. » Tout est parti de la Catho d’Angers, à la fin des années 1990, un groupe de travail sur la didactique des sciences, le Ceredis (disparu depuis), a pointé, tout comme les promoteurs de l’association La main à la pâte (cf. p. 29), « un désintérêt pour les matières scientifiques, en particulier chez les filles », se souvient Xavier Richard. D’où l’idée de ce congrès, qui crée une vraie émulation entre les élèves. Détaché à mi-temps à la direction diocésaine du Maine-et-Loire pour assurer un accompagnement pédagogique, Xavier Richard remobilise cette année ses troupes. Environ 80 enseignants volontaires (loin des 200 de 2020) de son diocèse devraient se retrouver au printemps dans une quinzaine de lieux. « Mais la frilosité reste de mise, avec les contraintes sanitaires qui n’incitent pas au brassage des élèves », note-t-il avec regret. « La démarche d’investigation a fait ses preuves, affirme Josiane Hamy, du département Éducation du Sgec. Elle permet d’ancrer les apprentissages. Elle est d’ailleurs entrée dans les programmes scolaires en 2002. C’était une intuition incroyable de faire travailler les élèves ainsi ! Mais une génération d’enseignants part à la retraite et les priorités ministérielles sont désormais tout autre… » Le temps « perdu » à réaliser des expériences est en fait gagné. Les enseignants installent, selon elle, « une façon d’approcher le monde, de mettre en discussion ce que l’on voit, de vérifier des hypothèses ». Cela oblige les élèves à défendre leurs idées, à argumenter et à privilégier le débat au rapport de force. « Dans cette société de fake news, il est important de se confronter au réel, expose Josiane Hamy. Les enfants développent ainsi leur esprit critique et deviennent capables de comprendre ce qu’on leur présente : les courbes de la pandémie, par exemple… »

© STE-ANNE–STE-CROIX/LE MANS

C’est dans cet esprit que le projet MERITE1, fruit de la collaboration entre des scientifiques de sept grandes écoles et universités du Grand Ouest et du rectorat de l’académie de Nantes, propose des ressources pédagogiques pour les enseignants et leurs élèves (du CM1 à la 3e). Josiane Hamy, qui a coordonné le projet pendant cinq ans, précise que les douze thématiques de MERITE s’inscrivent dans les programmes scolaires et abordent les sciences et techniques de façon très concrète et interdisciplinaire. « Apprendre en faisant par soi-même, investiguer, progresser par essai-erreur, réfléchir en groupe avec du matériel approprié, s’entraîner à raisonner sur des faits et des observations, sont les principes au cœur de ce projet », précise Josiane Hamy. Mais la manipulation ne saurait se cantonner aux sciences. Christophe Pinquié, historien-géographe de formation, prend plaisir à apprendre aux petits Manceaux à se repérer sur une carte ou à manipuler un globe. « Et en maths, quand on étudie les fractions, j’utilise les parts des camemberts du Trivial Pursuit », explique-t-il. Dans le Morbihan, Didier Jan, animateur pédagogique à la direction diocésaine, note quant à lui un certain essoufflement, qui se traduit par peu d’inscriptions aux formations en sciences proposées par l’Isfec ou la direction diocésaine : « Les professeurs des écoles, pour la plupart de formation littéraire, ne sont pas à l’aise avec les sciences. C’est évidemment différent au collège où ils sont spécialisés dans une discipline ». Il n’empêche : trois réseaux d’écoles de son diocèse participeront au Congrès cette année, soit quatre cents enfants de la maternelle à la 6e. Les plus petits devront trouver un moyen de soulever un objet sans le toucher ; les plus grands construire une grue permettant de soulever un objet de 50 cm… En Vendée, en revanche, l’aventure s’est arrêtée il y a deux ans, faute d’enseignants motivés. « Avec un manque de place et de matériel, la démarche fait peur, avance Nicolas Mériau, chargé de mission 1er degré à la direction diocésaine. Il est plus facile et rassurant de faire des sciences en s’appuyant sur des ressources documentaires… » Si des enseignants continuent à pratiquer la démarche d’investigation en classe, il n’y a plus d’impulsion diocésaine. Nicolas Mériau est donc reparti sur un autre projet stimulant : la programmation de petits robots par des élèves, du CE2 au CM2. Démarré en 2019, avec une formation des enseignants volontaires, cet apprentissage s’accompagne d’un nouveau défi commun cette année aux cinq diocèses des Pays de la Loire : Roboscol (qui existe déjà dans le public). Il consiste pour les enfants à choisir une histoire, à l’enregistrer puis à la mettre en scène avec pour acteurs les petits robots programmés pour se déplacer dans un décor. « Au départ, il y a le plaisir ! », conclut Didier Jan. Plonger un thermomètre dans l’eau, enfouir une graine dans la terre, habiller un robot, construire un décor…, « dès qu’on propose à des élèves d’apprendre avec leurs mains, cela crée un engouement pour les apprentissages ». Mais attention !, met en garde Josiane Hamy, « la curiosité des enfants, très vive au départ, doit être stimulée en permanence. » Aux enseignants d’entretenir la flamme !

1. imt-atlantique.fr (taper : « MERITE »).