Des Maisons de toutes les couleurs

Cours Saint-François-d'Assise, Châlons-en-Champagne (51)
Céline Cartier, chef d’établissement
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Pour renouveler son projet éducatif et étoffer ses effectifs, le Cours Saint-François-d’Assise, à Châlons-en-Champagne (51), a lancé un nouveau projet qui enthousiasme élèves et familles.
Sur le modèle d’ «Harry Potter», six Maisons, regroupant les élèves de la petite section à la 3e, ont été créées. Et aujourd’hui, les équipes, patronnées par un saint, concourent entre elles…

Assis dans la cour de récréation, les 460 élèves du Cours Saint-François-d’Assise (maternelle, école, collège), à Châlons-en-Champagne (51), arborent, en ce mardi de juin, les couleurs de leur maison : bleu, gris, violet, vert, rouge et jaune. Les jeunes attendent avec impatience le verdict : qui remportera le trophée cette année ? La statuette en bois de saint François d’Assise sera parée d’un ruban de la couleur de la maison qui aura gagné le plus de points, avant d’être remise aux vainqueurs.
Les élèves ont tous participé à cette Journée des Maisons au cours de laquelle ils ont tenté de récolter des petites boules de papier mâché qui matérialisent des points, appelés «Fioretti», en référence au recueil d’anecdotes sur la vie du saint de la fin du XIVe siècle. Le matin, pendant que les plus petits menaient des activités de plein air, les collégiens jouaient au Fioretti Pursuit, une déclinaison du Trivial Pursuit que l’équipe éducative avait préparée pour ses élèves. « Comment appelle-t-on un collectionneur de timbres? », leur a demandé Anne-Lise Daverdon, une enseignante. « Un timbrier ! », a répondu un élève de la Maison rouge, plein d’assurance. Et non, c’est un «philatéliste» ! Bien tenté, mais c’est un Fioretti que les rouges n’auront pas.
Tant mieux pour Anne-Lise Daverdon, qui fait partie de la Maison verte, et qui feignait l’agacement : « Ils m’énervent, ils gagnent plein de points ! », déclarait-elle deux questions plus tôt.

Fédérer la communauté

Le système de maisons est sacré dans l’ensemble scolaire. « Tout le monde joue le jeu ici, même les hommes d’entretien, même Manu, le chef cuisinier! », plaisante Céline Cartier, la chef d’établissement. Et attention, « ça bataille entre les profs ! ». Mais organiser un tel événement demande énormément d’investissement de la part de l’équipe éducative. « On rentre chez soi, on est épuisés ! », confie la directrice. Certains sont arrivés à 7  h 15 pour préparer ce jour de fête. Il y a deux ans, Céline Cartier dirigeait la maternelle et l’école uniquement. Elle a ensuite pris aussi les rênes du collège et se réjouit de « soutenir une équipe fédérée autour d’un projet au service des jeunes et qui mêle l’école et le collège ».
Cette organisation en maisons, regroupant des élèves de tous les niveaux, a été mise en place à la rentrée 2021. Imaginé de concert avec toute la communauté éducative, ce projet est apparu comme une nécessité. D’abord, parce que la crise sanitaire « a isolé les enfants les uns des autres », mais aussi – et surtout – à cause de la situation économique de l’ensemble scolaire. « On a connu une période de crise très impactante financièrement », admet Céline Cartier. L’établissement comptait 500 élèves en 2015, mais les inscriptions ont beaucoup baissé, ce qui a nécessité une analyse fine des raisons de cette chute : « La ville de Châlons est touchée par la crise démographique et la crise économique, notre réputation s’était ternie et nos projets n’étaient pas mis en avant », synthétise la chef d’établissement. L’année dernière, le groupe scolaire a regagné quatre élèves. « À l’échelle du bassin châlonnais, c’est une prouesse ! », ironise-t-elle. Saint-François devra cependant attendre trois à cinq ans pour voir les résultats de ses efforts.
L’urgence a donc conduit la communauté éducative à repenser un projet éducatif innovant. « Ça soude, de telles épreuves ! », résume la directrice. De profs à profs, d’élèves à élèves, de profs à élèves, on ressent la solidité du lien dans l’enceinte de l’établissement. « J’ai eu l’impression d’être dans une famille, se remémore Mathilde, une ancienne élève. J’avais besoin de revenir. » Aujourd’hui en 2de, elle a souhaité réaliser son stage de découverte auprès d’enseignants de son ancien collège. Dans la cour de récréation, on voit en effet des grands qui aident des plus petits, et des petits qui taquinent les plus grands, au grand bonheur de Céline Cartier, qui porte une robe multicolore pour ne pas faire de jaloux. « La dernière fois, j’ai entendu un écolier dire : “C’est mon grand frère de maison”. Là on se dit qu’on a gagné ! »

Une pédagogie ludique

Les enfants intègrent l’une des six maisons dès la petite section et la quittent en même temps que le collège. Ainsi, à chaque rentrée, l’ensemble scolaire organise la House day, une cérémonie durant laquelle les jeunes piochent la couleur de leur maison dans un chapeau. Ce scénario leur rappelle quelque chose… « C’est une référence à Harry Potter », explique Lucas, un élève de 3e qui fait partie de la Maison jaune. Comme dans le roman, les maisons sont caractérisées par des valeurs, et sont personnifiées non par un sorcier mais par un saint patron, permettant ainsi de vivre pleinement le projet pastoral. La Maison jaune, par exemple, incarne la joie de la bienheureuse Chiara Luce, la Maison verte, l’engagement social de Pier Giorgio Frassati. Ces valeurs s’accompagnent de priorités concrètes. « C’est difficile de s’habiller en vert ! », relève la petite Philippine, en CP. Heureusement pour elle, la fillette ne porte un tee-shirt de cette couleur que pour les grandes occasions !
L’organisation en maisons permet aussi de tester de nouvelles approches éducatives et pédagogiques. Pas besoin d’attendre la Journée des Maisons pour gagner des Fioretti : ils sont également échangés contre des missions, ou des services rendus. « L’autre jour, on a ramassé les feuilles qui étaient par terre », dit fièrement un petit garçon. La directrice sait bien que tous les prétextes sont bons pour donner un coup de main… et gagner des points : « Quand vous sortez de la voiture avec des objets lourds, ils viennent aussitôt vous aider ! C’est aussi un peu intéressé! »

Un projet fraternel

Au cours de l’année, l’école propose aux enfants des défis artistiques, sportifs ou culturels. C’est un moyen de mettre en valeur les jeunes en difficulté scolaire et de solliciter toutes les compétences. « On découvre des élèves de cette manière ! », se réjouit Céline Cartier, qui continue de lister les nombreux bénéfices de ce projet.
Cet après-midi, par exemple, les collégiens se sont affrontés au « béret », un jeu sportif qui requiert de la réactivité. Ensuite, ils ont présenté une chorégraphie qu’ils n’ont eu que trente minutes pour préparer. Cet exercice demande de maîtriser l’espace, la synchronisation, la créativité, mais aussi la communication entre les membres de l’équipe. Ce type d’activités « fait ressortir des caractères. Le groupe finit par avoir un fonctionnement, par se hiérarchiser… En classe, on ne repère pas forcément ces comportements », explique l’éducateur Julien Géraldy en observant les différents groupes qui préparent leur chorégraphie.
Une fois la danse exécutée devant toute l’école – une étape difficile pour tout adolescent –, c’est enfin l’heure de remettre le trophée ! « Et avec 223 Fioretti, c’est… la Maison rouge Carlo-Acutis qui remporte le trophée ! », annonce au micro Arnaud Faillol, professeur de SVT et animateur en pastorale, très vite couvert par les exclamations des élèves. C’est la deuxième fois que cette maison emporte la victoire. Le Cours Saint-François-d’Assise a trouvé ses Gryffondor !