Des études du soir virtuelles

Lycée La Mennais à Ploërmel (56)
Véronique Calas, chef d’établissement
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fille qui étudie
© LA MENNAIS/PLOËRMEL

À Ploërmel (56), le lycée La Mennais propose depuis quelques semaines à ses élèves une étude du soir en distanciel, animée par des enseignants volontaires.
Une expérience appelée à se pérenniser au-delà de la crise sanitaire.

L’idée a émergé à l’issue du confinement du printemps dernier. Et si l’enseignement à distance permettait à tous les élèves de bénéficier de l’étude du soir ? Une question tout sauf anodine pour le groupe scolaire La Mennais de Ploërmel (Morbihan), unique lycée à plus de 20 km à la ronde dans ce cœur de Bretagne. Les 1 600 élèves de l’ensemble scolaire et les 150 enseignants doivent composer avec des emplois du temps particuliers, tributaires des transports scolaires.« On est peut-être le seul lycée en France qui finit ses cours à 16h30! On a donc mis en place une étude du soir à cette heure-là difficile à suivre pour les élèves qui rentrent en bus », explique Véronique Calas, responsable de l’ensemble scolaire réunissant des formations générales, techniques et professionnelles. S’appuyant sur le bilan post confinement réalisé en juin dernier avec les équipes, la directrice a élargi la proposition d’aide aux devoirs au plus grand nombre. « Certains élèves nous ont dit avoir “apprécié” pendant cette période de s’adresser plus directement aux professeurs via les outils informatiques. De même, des enseignants ont pointé la possibilité de répondre plus particulièrement à leurs questions », indique Véronique Calas.

Audience record pour la philo

À ces retours d’expériences s’ajoutaient un bon niveau d’équipement des familles ainsi que des pratiques numériques désormais partagées par la communauté éducative, via notamment les outils Office 365 et École directe. Ces voyants au vert, une réflexion sur une nouvelle forme d’accompagnement personnalisé à distance pour les élèves du lycée général et technologique, les soirs de semaine de 18h à 19h, a été lancée. « La condition était que les enseignants soient partants », déclare le conseiller principal d’éducation pour l’enseignement général David Trouvé. Après enquête, une dizaine ont accepté, dont la moitié ne participaient pas au dispositif en présentiel. « Cela représente 10 % des effectifs, assez pour démarrer et convaincre d’autres collègues de s’engager », note le CPE. Depuis la rentrée des vacances de la Toussaint et le retour à un enseignement à distance une semaine sur deux pour les lycéens dans le cadre du deuxième confinement, six sessions ont eu lieu dans trois disciplines – philosophie, physique-chimie et mathématiques. D’autres doivent suivre en anglais, éco-droit et sciences de l’ingénieur. « L’enjeu est de solliciter à distance les jeunes et d’anticiper la diversité des questions. On essaie de trouver l’organisation la plus adéquate ! », ajoute David Trouvé.

En philosophie, par exemple, le choix a été fait de proposer un temps d’approfondissement méthodologique pour s’adresser à l’ensemble des élèves de Tle. Chacune des deux sessions en visio était basée sur l’intervention liminaire du professeur, suivie de questions via le chat et de réponses en direct. Plus de 100 élèves ont répondu présent, soit le record du nombre de lycéens accueillis jusqu’ici à l’étude du soir en présentiel, toutes disciplines confondues ! Et ce, sans cacophonie : « Des règles ancrées depuis le premier confinement permettent de bien fonctionner : micros éteints pour tous, distribution de la parole par le professeur, réponse orale ou si besoin par écrit dans le chat et “like” des élèves pour signifier qu’ils ont compris, précise Eliott Morenn, enseignant investi dans les études du soir en présentiel et désormais aussi à distance. Au final, on a tourné autour d’une vingtaine de questions à chaque fois. Beaucoup d’élèves se sont appuyés sur celles des autres et les séances se sont déroulées avec sérieux. »

«On n’est pas seuls avec nos questions»

Sans être dupe: «Cette réussite a été conditionnée par la perspective du premier bac blanc organisé dans la discipline la semaine suivante, mais c’était l’idée ! », poursuit le jeune enseignant, qui rêve de pérenniser l’essai sous la forme de rendez-vous réguliers, en amont de ce type d’échéance. « Le but n’est pas de se substituer aux collègues, tout est fait en concertation. Mais cela pourrait être un appui pour aborder des points de méthode qui constituent la partie “fixe” de l’enseignement. Cela nous laisserait plus de temps pour développer les notions de cours en classe ! », développe-t-il.

En physique-chimie, autre configuration. Ne pouvant expliquer les exercices sans le support d’un tableau, Céline Parisse a utilisé le partage d’écran. Après un premier essai en distanciel, beaucoup de questions se posent encore, dont elle débat avec les collègues de son groupe disciplinaire. Faut-il cibler un niveau de classe ou les mélanger ? Comment réguler l’interaction en ligne sans faire trop attendre chacun ? « Il y a une dynamique différente à mettre en place dans les relations avec les élèves pour susciter leur questionnement, alors qu’ils ont l’habitude d’être plus guidés », observe l’enseignante, qui a débuté pour l’instant avec une vingtaine d’élèves de Tle. Le risque, derrière l’écran, c’est l’absence de retour des lycéens, selon David Trouvé. Analyse partagée par Catherine Berge, professeur de mathématiques, qui s’est heurtée au manque d’adhésion des 2des. « En présentiel, l’enseignant peut aller à côté du jeune et prendre appui sur le travail en cours. En distanciel, on touche plus d’élèves mais on ne voit pas ce que chacun fait. La formule, plus exigeante en termes de travail personnel, de recul sur ses propres difficultés, répond à d’autres attentes. » L’enseignante y voit l’opportunité de remédiations ciblées à partir des fragilités identifiées en classe : « Cela oblige à davantage communiquer sur nos pratiques et à être ingénieux. »

Ce que retiennent Justine et Matthieu, en Tle, c’est la liberté de la formule. « On n’est pas tenus de s’engager comme pour les études du soir en présentiel. On peut se connecter et se déconnecter selon nos besoins. C’est un peu moins personnalisé mais cela donne une vue d’ensemble grâce au regard des autres élèves », apprécie l’adolescente. « Cette proposition est à la fois pratique et rassurante, surtout avant les examens et d’autant plus dans le contexte sanitaire actuel.

On n’est pas seuls avec nos questions. Cela nous met aussi dans un rythme de travail et montre ce qu’il faut améliorer dans notre méthode pour être plus autonome », ajoute Matthieu, qui préconise des groupes plus restreints pour une meilleure efficience.

« Nous ne sommes qu’au début. L’idée serait d’étendre la formule à l’en- semble des classes et des disciplines. Pour cela, il nous faut des heures ! », souligne Véronique Calas, pour qui la gratuité du dispositif est un impératif. Jouant sur l’enveloppe réservée à l’accompagnement personnalisé, elle a redistribué une partie des heures dédiées à l’étude du soir en présentiel vers le distanciel (94 heures sur 280 heures au total, soit 2,61 postes ETP), rémunérées aux enseignants en heures annuelles (HSE).

« Le principe reste le volontariat. Il n’est pas question de remplacer le présentiel ni de changer les horaires et la structure du lycée. C’est un service rendu aux élèves, sans être un dû », insiste la directrice, qui ne s’interdit pas de réfléchir à une adaptation pour le lycée professionnel, où les jeunes et leurs familles sont moins équipés.

En jeu : un accompagnement au plus près de chacun. À la rentrée 2022, un lycée public hyper-connecté ouvrira ses portes à Ploërmel. « Notre établissement, même ancien, commence, lui aussi, à être très bien équipé, conclut Véronique Calas. Mais en tant qu’éta blissement catholique, c’est sur la pédagogie et le service éducatif que nous voulons faire la différence. »

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© LA MENNAIS/PLOËRMEL