camion vert

Des écoles mobiles pour les enfants du voyage

Groupe scolaire Saint-Adrien La Salle, Villeneuve-d’Ascq (59)
Charlotte Herbaut
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enfants
C. Léger

Depuis 1982, les antennes scolaires mobiles vont à la rencontre des jeunes Tsiganes, dont le mode de vie nomade ne permet pas une scolarisation classique. Il en existe une trentaine à travers la France, hébergées par des établissements catholiques.

Une maman a prévenu les professeurs par téléphone : les caravanes viennent d’être expulsées du terrain qu’elles occupaient illégalement, à Villeneuve d’Ascq, dans la banlieue de Lille. Elles se sont donc réfugiées à quelques encablures de là, sur le parking d’une zone commerciale, à Faches- Thumesnil. « C’est leur troisième expulsion en treize jours ! Je crains qu’on ne retrouve pas tous nos élèves », s’inquiète Pierre Boisseleau, l’un des trois enseignants qui sillonnent l’académie de Lille, à bord de camions aménagés en salle de classe, appelés « antennes scolaires mobiles ». Le professeur prend le volant du véhicule jaune, destiné aux 10-15 ans, tandis que Charlotte Herbaut grimpe dans le vert, dédié aux primaires, et Claire Chenu dans le bleu pour les maternelles. Ce cortège multicolore quitte le groupe scolaire Saint-Adrien, de Villeneuve d’Ascq, accompagné par le bibliobus de Laure Montaigne, salariée de l’Aset (Association d’aide à la scolarisation des enfants tsiganes) Nord. Une demi-heure plus tard, une douzaine d’enfants du voyage surgissent gaiement de leurs caravanes à la rencontre des quatre écoles-mobiles. Jeff, Cristalina, Antoine et Armani, âgés de 10 à 12 ans, prennent place dans la classe miniature de Pierre. L’enseignant leur propose des exercices sur-mesure, en fonction de leur niveau. Antoine et Armani sont déjà lecteurs, alors que Jeff et Cristalina déchiffrent à peine les mots.

2 000 à 3 000 enfants par an

Ces enfants bénéficient d’un dispositif qui a vu le jour en 1982, en région parisienne, à l’initiative de l’Aset et des Frères des écoles chrétiennes. Leur objectif : diffuser les savoirs fondamentaux aux enfants n’ayant pas accès à l’École. Validée par l’Éducation nationale, cette proposition originale s’est développée progressivement. Bordeaux, Grenoble, Toulouse, Lyon… Aujourd’hui, il existe une trentaine d’antennes scolaires mobiles en France, hébergées par des établissements catholiques, dont les deux tiers par le réseau lasallien. Selon les spécificités de chaque territoire, leur mode de fonctionnement et leur cible varient. Ces camions-écoles s’adressent aux populations tsiganes, regroupées sous l’appellation administrative « gens du voyage ». Ces populations, bien que françaises depuis plusieurs générations, ne savent généralement ni lire ni écrire, du fait d’un nomadisme incompatible avec une scolarisation ordinaire. Les camions-écoles peuvent aussi aller à la rencontre des populations migrantes, installées dans des bidonvilles, comme en région parisienne. « Il s’agit de faire prendre conscience aux familles de l’importance de l’École et de transmettre aux enfants les fondamentaux leur permettant, le cas échéant, de rejoindre un cursus scolaire », explique Olivier Bethoux, délégué général de la Fédération des Aset. Lorsque les gens du voyage se sédentarisent sur des aires d’accueil légales, ils peuvent inscrire leurs enfants dans les écoles situées à proximité, où des postes d’enseignants spécialisés ont été créés. « Les antennes mobiles ne sont pas une finalité, mais une passerelle vers une scolarité ordinaire », souligne Pierre Boisseleau. Cet objectif reste cependant difficile à réaliser, compte tenu des expulsions à répétition et du déficit d’aires d’accueil légales.

D’un point de vue pratique, l’Éducation nationale finance les postes des enseignants, tandis que les établissements scolaires qui hébergent le dispositif assurent l’approvisionnement, l’entretien et, lorsqu’ils en sont propriétaires, le renouvellement des véhicules rétrocédés par les Aset. Fragile, ce dispositif ne se développe plus. « Non seulement un camion-école aménagé coûte 70 000 euros, mais il est en outre difficile d’obtenir des ouvertures de poste de l’Éducation nationale », indique Olivier Bethoux. Grâce aux efforts des établissements et des Aset, la plupart des camions-écoles existants se maintiennent pour l’instant. Au plus grand bonheur des 2 000 à 3000 enfants qui en bénéficient chaque année.

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C. Léger