Des cours communs pour écoliers et collégiens

Ecole Sainte-Marie et collège Frère André, Saint-Calais (72)
Isabelle Langlais
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À Saint-Calais, dans la Sarthe, l’école Sainte-Marie mutualise certains cours avec le collège Frère-André, situé sur le même site, afin de préparer les CM2 à l’entrée en 6e. Projets sciences, cours d’anglais, écriture de contes mobilisent élèves et enseignants des 1er et 2d degrés…

Seul établissement catholique à 20 km à la ronde, l’ensemble scolaire Sainte-Marie – Frère-André est situé en milieu rural, à la limite de la Sarthe et du Loir-et-Cher. L’école scolarise quatre-vingt-dix-huit écoliers, venus de vingt-quatre communes différentes. Et le collège, situé juste à côté, compte quatre-vingt-huit élèves seulement… Ces petits effectifs, avec une classe par niveau, favorisent depuis longtemps des projets communs : cross à Noël, temps forts mutualisés, séances partagées à la piscine… Lors de son arrivée à la tête du collège il y a six ans, Gwenola Arrondeau a souhaité approfondir ce lien. Cette enseignante de technologie, convaincue par la pédagogie de projet, lance alors des initiatives pédagogiques en sciences qui réunissent écoliers et collégiens. L’année dernière, elle les a ainsi embarqués dans le programme « Mission zéro »1, proposé par l’ESA (Agence spatiale européenne) et la Fondation Raspberry Pi. Pour ce challenge, CM1, CM2 et 6es ont pu conduire des expériences dans l’espace en codant un programme informatique simple, exécuté ensuite sur les ordinateurs Raspberry Pi installés dans la Station spatiale internationale (ISS). D’autre part, l’opération scolaire « Un ballon pour l’École », lancée par le Cnes et l’association Planète sciences2, occupe les CM1-CM2 et les 6es. Une fois par semaine, lors d’une heure supplémentaire, les écoliers et collégiens planchent ensemble dans trois ateliers pour concevoir et lâcher un ballon stratosphérique, encadrés par des enseignants du 1er et 2d degrés. L’un des groupes fabrique la nacelle du ballon qui transportera les expériences élaborées par un autre groupe (mesures de températures intérieures et extérieures, de pression…) ; un dernier groupe doit mettre au point les étalonnages des capteurs pour la « carte kiwi » chargée de transmettre les mesures et de prendre des photos du ballon qui peut monter jusqu’à 30 km d’altitude !

Les CM1-CM2 profitent du labo du collège

« Il faut la participation de chacun pour parvenir au bout de l’expérience. Ça les motive et les pousse à travailler ensemble ! souligne Gwenola Arrondeau, qui anime l’atelier « carte kiwi ». Cela permet de consolider le niveau de sciences des CM, mais aussi de leur rendre accessible le laboratoire du collège et en même temps de dédramatiser l’entrée en 6e. Les collégiens, eux, ont l’occasion de revoir leur programme grâce à ces ateliers et se retrouvent dans une posture de modèle, affirme la directrice. Par ailleurs, les enseignants de primaire sont souvent plus littéraires que scientifiques. Leur participation à cette aventure leur permet aussi d’élargir leurs connaissances. »
Cette année, de nouveaux ponts ont été créés entre l’école et le collège. « En septembre, nous n’avions que 14 élèves en 6e et à l’inverse, 31 élèves en CM1-CM2. Ce gros déséquilibre nous a poussés à repenser l’organisation de l’année scolaire autrement », explique Isabelle Langlais, directrice de l’école. Pour la deuxième fois, les CM1 ont été engagés dans le projet sciences et certains cours sont maintenant communs. En anglais d’abord. Sur les quatre heures prévues en 6e, deux heures sont dispensées avec les CM1-CM2, qui gagnent ainsi trente minutes, en plus de l’heure et demi de leur programme. Le groupe est partagé en deux sous-groupes de 22 élèves aux niveaux mélangés. « Pour s’adapter aux trois niveaux de classe, on travaille beaucoup le vocabulaire et l’oral à travers le jeu, avec des bingos, des images… », affirme Amélie Duval, enseignante de CE1-CE2 qui s’est portée volontaire pour assurer cette heure de langue. « Ils ont la même quantité de mots à apprendre mais nos exigences en matière d’évaluation varient. Les CM ont le droit à un support écrit d’aide pour se présenter à la classe par exemple, alors que les 6es non », pointe-t-elle.

Écrire un conte collectif

Pour préparer ses séances, Amélie Duval a appris à travailler avec Anne Moget, unique professeure d’anglais du collège, qui encadre l’autre groupe. « On se voit une à deux fois par période pour décider des thèmes qu’on aborde et s’assurer qu’on avance au même rythme, souligne Anne Moget. J’apprends beaucoup avec elle, notamment en matière d’animation. Les enseignants du primaire ont une façon plus dynamique et interactive de travailler avec leurs élèves. »
Amélie Duval en mesure déjà les bénéfices : « Je suis impressionnée par les progrès réalisés en six mois par les CM1 et les CM2. Quant à moi, j’améliore mon niveau d’anglais et j’apprends à mieux connaître les professeurs du collège. » Côté collégiens, si cela peut paraître un peu répétitif pour certains, la spontanéité des primaires déride le groupe et les pousse à participer.

Le français n’est pas oublié, écoliers et collégiens partageant un projet d’écriture mais mené en séances séparées par niveau. Après une évaluation de leur maîtrise de la lecture en début d’année, CM1, CM2 et 6es se sont engagés dans une démarche d’écriture collaborative impulsée par la direction diocésaine du Maine-et-Loire. « Le thème de cette année est le conte. Trente-cinq groupes d’élèves de la région y participent. De novembre à mars, chacun a écrit un début d’histoire qu’il a transmis ensuite à une autre classe afin qu’elle la poursuive. Nous en sommes à l’étape de l’illustration », détaille Anne Guérin, enseignante de la classe de CM1-CM2.
Le français n’est pas oublié, écoliers et collégiens partageant un projet d’écriture mais mené en séances séparées par niveau. Après une évaluation de leur maîtrise de la lecture en début d’année, CM1, CM2 et 6es se sont engagés dans une démarche d’écriture collaborative impulsée par la direction diocésaine du Maine-et-Loire. « Le thème de cette année est le conte. Trente-cinq groupes d’élèves de la région y participent. De novembre à mars, chacun a écrit un début d’histoire qu’il a transmis ensuite à une autre classe afin qu’elle la poursuive. Nous en sommes à l’étape de l’illustration », détaille Anne Guérin, enseignante de la classe de CM1-CM2.
Céline Touchard, professeure-documentaliste, a voulu encadrer un des deux groupes de CM1-CM2 : « Le projet m’intéressait. Le CDI étant au collège, je n’ai pas de lien avec les primaires habituellement. C’est une découverte totale ! Caler les progressions de nos trois groupes demande un peu d’organisation mais cela casse l’isolement qu’on peut ressentir quand on enseigne dans un petit établissement et procure une dynamique : on est portés par l’énergie des autres ! »

Une ambiance familiale

Pour Anne Guérin, qui avait participé il y a cinq ans à l’opération « Un ballon pour l’école », la force de l’ensemble scolaire, c’est d’être familial : les enseignants de l’école et du collège mangent une fois par semaine tous ensemble et sont plutôt en demande de liens. « Cela nous permet aussi de voir les attendus de la 6e et de préparer les écoliers au mieux », estime-t-elle. Les échanges multiples entre l’école et le collège enthousiasment les parents d’élèves du primaire, qui y voient un levier de stimulation. Ceux du collège semblent un peu plus dubitatifs… « Pourtant, cela fait beaucoup de bien aux 6es qui ont un niveau fragile, fait valoir Gwenola Arrondeau. Ils consolident ainsi leurs bases en douceur. »
Côté élèves, les avis sont partagés. Zoé, en 6e, se trouve « plus assurée en anglais ». Et Ethan se découvre une âme de grand frère avec les petits de CM1-CM2 : « Ils me demandent comment c’est la 6e, ce qui est plus dur… Ça me donne envie de les aider ! » Cassandre, à l’inverse, préfère les heures d’anglais entre 6es : « On fait des phrases plus complexes, je progresse davantage. » En CM2, Margaux accroche bien au projet sciences qui lui permet « d’aller dans les locaux des grands et d’avoir moins peur », mais regrette, comme Théo, en CM1, le comportement parfois un peu « brusque » de certains 6es qui « veulent tout faire à notre place ». Quelques frictions bien compréhensibles qui n’ont pas empêché Margaux de trouver « toute seule », sans l’aide des collégiens, la clé pour fabriquer le prototype de la nacelle du ballon !