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Des élèves créatifs

Lycée La Rochefoucauld, Paris
Véronique GARCZYNSKA, enseignante SES et formatrice
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Avec Déclic, les élèves inventent des solutions pour résoudre des problèmes concrets, comme limiter le gaspillage. Imaginé par une enseignante de sciences économiques, ce parcours, qui stimule l’imagination, est transférable dans d’autres disciplines.

Sans sortir de Polytechnique, des entrepreneurs de tous âges, dans le monde entier, font des trouvailles, parfois toutes simples, qui participent à changer le monde… alors pourquoi pas vous ? » Ce matin, Véronique Garczynska, professeur de sciences économiques et sociales au lycée parisien La Rochefoucauld, met au défi ses secondes. Elle débute ainsi une nouvelle séance du parcours Déclic qu’elle a élaboré pour rendre les élèves acteurs de projets.

Cette année, elle déploie ce scénario pédagogique, modulable à l’envi, sur une douzaine d’heures. En pied du chapitre dédié à la consommation, elle ouvre ainsi une parenthèse pour que ses élèves s’interrogent sur l’impact de leurs comportements quotidiens et se positionnent en «consomm’acteurs». Après quelques minutes de brouhaha pour aménager la classe en îlots et s’y installer en petits groupes, cette invitation à la créativité est accueillie par un silence attentif. Pour se replonger dans la dynamique, les élèves commencent par se remémorer les précédentes séances. Circuits courts, emballages, gaspillage, diktat des marques… Un travail de photolangage a d’abord permis d’analyser les représentations du groupe sur les modes de consommation, synthétisées sous la forme d’une carte heuristique affichée au tableau.

Les élèves ont ensuite visionné des vidéos d’initiatives inspirantes qui leur ont donné matière à débattre. Ils ont notamment été impressionnés par l’invention néerlandaise des « lunettes universelles », dont la dioptrie se règle sur le principe de celle des jumelles et qui peuvent solutionner 90 % des problèmes de vision pour un coût moyen de 5 euros. Le chewing-gum recyclable, fabriqué à base d’un latex naturel mexicain, ou la boîte de nuit écologique qui convertit en énergie les pas des danseurs ont aussi enthousiasmé les troupes. Ces exemples édifiants, sélectionnés par Véronique Garczynska à partir de sites de reportages positifs tels que Shamengo et Sparknews, complétés par des rencontres avec des entrepreneurs, aident les élèves à prendre « conscience de leur utilité sociale et ancrent les apprentissages dans les réalités qu’ils vivent », explique l’enseignante.

« L’intelligence collective fait aller moins vite mais plus loin. »

Véronique Garczynska a conçu le parcours Déclic pour remettre au cœur de sa discipline ce qui la rend passionnante à ses yeux : « Fournir des clefs de compréhension du monde contemporain, donner envie de participer à sa transformation… plutôt que se cantonner à dresser un état des lieux, souvent pessimiste, des phénomènes socio-économiques. »
Elle propose ainsi une « petite mise en jambe intellectuelle pour s’échauffer à la créativité », en brandissant l’image d’une pelle à poussière à des élèves intrigués. « Top chrono ! Vous avez trois minutes pour trouver, par groupe, un maximum d’usages possibles à cet objet du quotidien. » Un entonnoir, une raquette, une arme, un plateau, une pelle à tarte, une lame à enduire… Sur le même rythme enlevé suivent quelques exercices collaboratifs, préparant le brainstorming qui amènera les élèves à préciser leur solution innovante. « Des élèves moins brillants scolairement se révèlent à cette occasion, explique l’enseignante. Tous s’exercent à coopérer et expérimentent l’intelligence collective qui fait aller moins vite mais plus loin.»

Après avoir ciblé un problème concret, les élèves sont en mesure, en fin de séance, de formuler des idées pour le résoudre. Afin de réduire le gaspillage, ils souhaitent par exemple instaurer à la cantine des doggy bags ou le tri sélectif, avec fabrication de compost. D’autres envisagent de créer une machine à recycler le papier, un badge automatisant l’extinction des lumières, un système d’économiseur d’eau, un site de troc de vêtements… Certains veulent proposer à la supérette voisine de vendre des denrées en vrac dans des containers pour limiter les emballages.

Plus techniques, deux applications informatiques ambitionnent d’améliorer la gestion des stocks alimentaires à domicile ou de noter les articles en fonction de leur empreinte carbone. Un autre projet consiste en une journée « Je dislike les marques » au cours de laquelle les élèves casseront les codes imposés par la mode. Un groupe de lycéens en mal d’inspiration a fini par imaginer une plateforme de jeux vidéo en ligne dédiée aux anciennes versions pour lutter contre l’obsolescence programmée. Tous ces projets seront présentés en conseil de direction, voire à la mairie de Paris. Leur faisabilité sera travaillée jusqu’à la fin de l’année.

Ne pouvant répondre à toutes les demandes de formation qu’elle reçoit de la part de l’enseignement catholique, Véronique Garczynska présente Déclic sur son site Internet. Un kit pédagogique en ligne permet de transférer la démarche clef en main mais aussi de l’ajuster à des objectifs spécifiques comme, par exemple, aux nouveaux enseignements de pratique interdisciplinaire en collège. Une transférabilité expérimentée par Florence Guyon, enseignante de lettres au lycée Montalembert, à Courbe- voie (Hauts-de-Seine), qui a appliqué Déclic au vivre ensemble dans sa classe de 1re Sciences et technologie du management et de la gestion (STMG) : « À la fois très balisée et ajustable, cette démarche aide à sortir de sa zone de confort, à rejoindre les élèves et à les faire travailler autrement. La classe m’a surprise par la capacité d’autonomie et d’écoute inhabituelle dont elle a su faire preuve. Ce type de mise en projet rejoint la pédagogie scoute du “faire avec” plutôt que du “faire faire”.»

Arrivée à La Rochefoucauld en septembre dernier, Véronique Garczynska n’a pas encore converti ses collègues mais Déclic suscite intérêt et questionnement, tout comme sa pratique de la classe inversée, qui consiste à mettre les cours à disposition des élèves en amont de la séance en présentiel pour consacrer cette dernière à des débats et exercices d’application.

Certains enseignants, un peu méfiants envers les méthodes actives, se déclarent impressionnés par l’exigence de la démarche et par ses bénéfices en termes de motivation. Un autre déclic en faveur de l’innovation… pédagogique cette fois-ci !

élèves et professeur
© V. Leray