De la charrue au tracteur connecté

Lycée d’enseignement agricole de Nermont
Xavier Marin
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Au lycée d’enseignement agricole de Nermont, près de Châteaudun (28), respect de l’environnement rime avec haute technologie. Les élèves bénéficient en plus des apports d’un incubateur de start-up adossé à l’établissement.

Il y a un an, le Jardin de Nermont (28), créé par le lycée agricole du même nom, a vu le jour : un potager de 1 000 mètres carrés cultivés sans intrant chimique avec l’aide d’un magnifique percheron blanc qui tire une charrue ou une remorque selon les besoins. « Nous avons embauché une personne pour assurer le suivi des cultures mais les élèves de 4e/3e, qui sont nombreux dans l’établissement, y travaillent régulièrement dans le cadre d’un atelier “Maraîchage”. Les étudiants en BTS Agronomie : productions végétales viennent aussi identifier les plantes sauvages et les mauvaises herbes qui y poussent », explique Thierry Paya. Ce professeur de SES, référent Équitation, est aussi le chargé de communication de cet établissement qui compte 500 élèves sur les deux sites de Châteaudun et de Nogent-le-Rotrou. Le maraîchage, tout comme le cheval de trait, ont un effet bénéfique sur les collégiens. « Lorsqu’ils viennent dans le jardin, ils s’apaisent. L’hiver, nous allons aussi en forêt faire du débardage », précise Thierry Paya. Les activités en plein air sont l’occasion d’apprendre des notions fondamentales. « Quand nous utilisons le percheron, nous étudions la physique en abordant la question des forces. Et nous faisons de la mécanique en réparant les outils, de la biologie en étudiant la biodiversité et du latin grâce aux noms des plantes. L’enseignement est transversal », souligne Thierry Paya. Mais ce beau carré de culture maraîchère ne représente qu’un versant de l’exploitation de Nermont. Sur une soixantaine d’hectares, les élèves qui préparent le bac technologique STAV (Sciences et technologies de l’agronomie et du vivant) ou le BTS Agronomie : productions végétales travaillent, quant à eux, sur les cultures plus industrielles des céréales et de la pomme de terre, caractéristiques des grandes plaines de la Beauce. L’établissement, à l’instar de l’agriculture locale, mise sur les technologies hightech pour se développer tout en s’orientant vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Il a créé un BTS Systèmes numériques et prévoit de se lancer rapidement dans le machinisme agricole ultra-connecté.

Des cafés pédagogiques

Le site de Nogent-le-Rotrou, centré sur les formations Sapat (Services aux personnes et aux territoires), est, quant à lui, un petit laboratoire d’enseignement numérique qui essaime ses bonnes pratiques dans tout le lycée. Depuis le confinement, ses 130 élèves disposent tous d’une tablette. Ophélie Hélière, ingénieure pédagogique et spécialiste du e-learning, a été embauchée en 2017 pour consolider le pôle de formation professionnelle de l’établissement qui est devenu hybride (distanciel et présentiel). Elle a aussi mis en place une plateforme LMS (Learning management system) qui permet d’élaborer des parcours d’apprentissage. Mais avec le confinement, les professeurs du lycée ont commencé à sérieusement s’intéresser à l’enseignement à distance. Ophélie Hélière les a aidés à utiliser des outils simples pour élaborer des contenus interactifs. Elle leur a également donné des conseils pour créer des tutos et des cours en ligne. Depuis, les profs n’ont plus lâché ces outils. À leur demande, Ophélie Hélière organise régulièrement des Cafés pédagogiques pour présenter de nouvelles applications.

« Chacun s’en sert à sa façon. L’enseignement ne repose pas sur le numérique mais celui-ci apporte un plus. Il permet de dynamiser les cours à travers des exercices interactifs, de soutenir l’attention des élèves, de s’assurer grâce à un quiz rapide que la leçon a bien été assimilée et de détecter les notions mal comprises par les apprenants », expose la spécialiste. Le digital learning contribue ainsi à l’individualisation des parcours d’apprentissage, axe fort de cet établissement aux classes hétérogènes. Certains élèves n’ont aucun problème avec l’environnement scolaire tandis que d’autres éprouvent des difficultés à lire et à comprendre les consignes. D’où l’intérêt du e-learning grâce auquel ils abordent les notions à leur rythme, en faisant des exercices et en s’autocorrigeant. « Ainsi, les élèves qui ont un bon niveau ne sont pas freinés dans leur progression par le groupe », note Ophélie Hélière. L’enseignement digital conduit naturellement les élèves à utiliser les outils numériques. Les 4es/3es s’initient au pilotage de drones, de plus en plus utilisés en agriculture. Mais l’établissement va plus loin dans la sensibilisation aux nouvelles technologies appliquées à l’agriculture, car une simple porte le sépare d’un incubateur de start-up géré par l’association Les Champs des possibles et labellisé Le Village par le Crédit Agricole. Lancé en 2016 grâce à des fonds publics (35 %) et privés (65 %), ce campus agritech de 800 mètres carrés a déjà hébergé vingt-deux start-up. Certaines sont devenues des entreprises dynamiques, comme Cereapro.com, qui a ouvert un site permettant de vendre sa récolte au meilleur prix sans passer par une coopérative ou un courtier. Actuellement, huit jeunes start-up sont présentes dans l’incubateur, telle Visio-Crop, créatrice d’un outil d’aide à la décision pour les agriculteurs. Celui-ci permet de prévoir les meilleures dates de semis, d’identifier les risques de maladies et d’utiliser les bonnes doses d’intrants. Ou encore Cearitis, qui propose des systèmes de biocontrôle pour lutter contre les ravageurs (mouches de l’olivier ou du cerisier) en les attirant dans des pièges.

L’agritech à la rescousse

« L’agriculture du futur s’invente ici », affirme Xavier Marin, le chef d’établissement du lycée de Nermont. Les élèves visitent tous ce campus de l’innovation et ils se rendent régulièrement dans l’atelier de prototypage pour fabriquer des outils grâce à des imprimantes 3D. « Beaucoup d’étudiants en BTS font des stages dans les start-up et les enseignants qui les suivent, échangent régulièrement avec les entrepreneurs », explique Lucas Gernez, chargé de développement de l’association Les Champs des possibles. Grâce à ce campus, les étudiants sont initiés à une technologie qui devrait permettre à l’agriculture d’être « plus propre » dans une région où les cultures conventionnelles dominent. « Et, si en plus, ce campus peut donner à quelques-uns l’idée de se lancer dans la création de start-up, nous aurons rempli notre mission », conclut Lucas Gernez.