Cours de culture religieuse
Collège catholique Saint-Exupéry de Roubaix (59)
Sylvain Milon, chef d’établissement
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Au collège catholique Saint-Exupéry de Roubaix, les cours de culture religieuse, introduits en 2012, font le plein. 270 élèves les suivent en 6e et presqu’autant en 5e. Dans cet établissement qui compte une forte proportion d’élèves musulmans et une minorité de chrétiens et de bouddhistes, chacun s’ouvre à la religion de l’autre.
En ce vendredi matin de janvier, une dizaine d’élèves de 5e travaillent par groupe de trois, au centre de documentation multimédia du collège Saint-Exupéry de Roubaix (Nord). Leurs recherches portent sur les fêtes religieuses. « Noël, Ramadan, Hanoukka, Aïd, Divali, Pessah, Holi… Chaque groupe a pioché une fête parmi celles des religions chrétienne, juive, musulmane, bouddhiste et hindouiste », explique Stéphanie Magne, professeur documentaliste qui aide les élèves dans leurs travaux avec Corinne Bacquet, membre de l’équipe pastorale, et Aubierge Boussougou, professeur de français et animatrice bénévole du cours de culture religieuse. À une table, trois amies feuillettent des ouvrages, à la recherche d’informations sur Holi qui célèbre l’équinoxe de printemps dans l’hindouisme. Parmi elles, Fériel et Safae sont de confession musulmane, Yéléna est athée. Elles confient leur intérêt pour ce cours : « J’ai découvert qu’il y avait des similitudes entre la religion musulmane et la religion juive, illustre Safae. Les musulmans mangent halal et les juifs casher, c’est presque pareil ! Ces séances nous aident aussi à prendre du recul quand d’autres n’acceptent pas nos croyances. »
Un cours obligatoire
À la lisière du très chic parc Barbieux et du quartier populaire de l’Épeule, le collège Saint-Exupéry accueille une grande diversité de familles, tant d’un point de vue social que religieux. Sur les 1 000 élèves de l’établissement, près de la moitié sont de confession musulmane, une minorité sont chrétiens et bouddhistes. « Cette diversité est l’une des grandes forces de notre établissement. Elle en fait un lieu de rencontres et d’échanges », souligne Sylvain Milon, son directeur. Face à cette spécificité, le collège a très tôt abordé la problématique interreligieuse. Mais, depuis septembre 2012, cette ouverture spontanée s’est formalisée par la mise en place d’une proposition pédagogique incluse dans l’emploi du temps. « L’objectif est de faire découvrir la religion de l’autre et d’apprendre à la respecter », explique Pascal Vandenkerckhove, adjoint du directeur en charge de la pastorale, à l’origine de cette initiative.
Dès la 6e, les élèves doivent choisir entre « Réflexion chrétienne », pour ceux qui souhaitent aller vers la profession de foi, et un cursus associant, à raison d’un semestre chacun, « Réflexion humaine » (sujets de société) et « Culture religieuse » (découverte des différentes religions) pour les autres élèves, même si l’idéal serait que tous aient accès à la culture religieuse. Obligatoires en 6e, ces cours deviennent facultatifs l’année suivante, mais seuls une vingtaine d’élèves y renoncent. De nombreuses familles catholiques choisissent la culture religieuse la première année : « Elles souhaitent offrir à leurs enfants une ouverture aux différentes religions, avant de les inscrire en réflexion chrétienne l’année suivante », souligne Corinne Bacquet. Au total, 270 élèves suivent ce cursus chaque année en 6e, et presque autant en 5e. Une trentaine de bénévoles, parmi lesquels des parents, des membres de l’équipe pastorale et une douzaine de professeurs, se relaient pour encadrer ces séances d’une heure hebdomadaire. En 4e et 3e, en revanche, il ne se poursuit pas mais des propositions de projet de solidarité ou de réflexion spirituelle sont faites sur temps scolaire de façon exceptionnelle ou hors temps scolaire.
« Pour se former, l’équipe pastorale et les bénévoles assistent à des conférences tout au long de l’année, notamment celles organisées sur l’interreligieux par la faculté de théologie de l’Université catholique de Lille », indique Sylvain Milon. Élaboré par le collège, le programme des 6es retrace l’émergence des religions dès la préhistoire, en lien avec les cours d’histoire, tandis que celui des 5es étudie notamment les trois religions monothéistes. « Nous travaillons à partir des directions données par le rectorat et le diocèse, en effectuant un bilan en milieu et fin d’année », précise Corinne Bacquet.
Parmi les outils pédagogiques, l’équipe utilise le livre Kim et Noé, culture chrétienne (lire p. 29), des éditions Mediaclap. Elle incite les élèves à mener des recherches qu’ils partagent à travers des exposés. « Nous organisons également des rencontres avec des responsables religieux ainsi que des visites de lieux de culte – églises, mosquées, pagodes ou synagogues –, même si, depuis les attentats, celle de Lille est moins accessible », regrette Pascal Vandenkerckhove.
Tous frères et sœurs
Riches en découvertes, ces séances peuvent l’être aussi en émotion : « Après la visite d’une exposition à la Cité de l’Évangile, à Lille, notre guide a dit aux jeunes qu’ils étaient tous ses frères et sœurs. Une élève s’est mise à pleurer : en tant que musulmane, c’était la première fois qu’elle s’entendait dire par un chrétien qu’elle était sa sœur… Tout le groupe était très ému, se souvient l’adjoint du directeur. Ce sont ces moments partagés qui font sauter les verrous psychologiques. C’est très important ! » Pour la célébration de Noël, qui s’est déroulée un samedi matin de décembre, les parents et les élèves étaient conviés. « Un prêtre est intervenu en tant que témoin : il n’y a pas eu d’Eucharistie. Des textes communs aux trois monothéismes ont été lus. Ils ont été accompagnés de chants et d’un slam sur le respect », se souvient Corinne Bacquet.
Depuis la mise en place des cours de culture religieuse, l’ambiance du collège se trouve améliorée. « Les élèves sont plus ouverts dans leurs discours et moins agressifs les uns envers les autres », témoigne Corinne Bacquet. Pour preuve, les attentats du 13 novembre dernier n’ont pas provoqué de débordements. Au contraire. Outre la minute de silence et des temps de discussion avec les professeurs, les 6es ont rédigé des messages de paix envoyés par ballons et se sont rassemblés dans la cour pour former le symbole « Peace & Love ». Aujourd’hui, le directeur envisage de franchir une étape supplémentaire : « Je souhaiterais que les professeurs utilisent le livre Kim et Noé en classe, notamment en histoire-géographie et en histoire des arts. Il s’agit d’intégrer la question de l’interreligieux à la pédagogie de l’établissement en s’appuyant sur les pages qui présentent les autres religions », explique Sylvain Milon. Alors que la sonnerie de la récréation retentit, une queue se forme devant le bureau du centre de documentation de Stéphanie Magne : « Des élèves de toutes confessions ont spontanément emprunté des livres consacrés aux religions : un manga sur le Messie, des contes tibétains, ou encore la vie de sœur Emmanuelle en BD ! » La récompense du travail accompli.