Coulogne

Coulogne à la pointe de l’agro-écologie

Lycée agricole de Coulogne (62)
David Vandewalle, chef d’établissement
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© C. Léger

Zéro phyto, permaculture, aquaponie… Dans le Pas-de-Calais, le lycée agricole de Coulogne mise sur le développement durable et une pédagogie qui rend les élèves acteurs des projets innovants de l’établissement.

L’engagement en faveur du développement durable du lycée agricole de Coulogne, situé à la lisière de Calais, se devine d’abord à ses bâtiments. L’un est en bois, un autre arbore une vaste façade végétalisée conçue par les élèves au printemps dernier, tandis que de hautes plantes exotiques s’épanouissent dans le nouvel internat à ossature bois inauguré en avril 2016. « Nous avons commencé par mettre en place des poubelles sélectives pour le tri du papier. Puis, progressivement, tous les projets de l’établissement sont entrés dans une démarche de développement durable. En plus des bâtiments économes en énergie et de la production de notre eau chaude solaire, nous n’utilisons plus aucun pesticide, ni produit chimique depuis 2006 en filière paysage. Et en filière maraîchage, nos bassins aquacoles fonctionnent en circuit fermé, avec seulement 10 % d’apport d’eau par jour depuis 2014. Enfin, depuis trois ans, nous expérimentons la permaculture, un système agricole qui va au-delà du bio, puisqu’il privilégie les éco-systèmes naturels », détaille David Vandewalle, directeur du lycée agricole qui forme 360 élèves, de la 4e au BTS. Après une seconde dans l’enseignement général et technologique, les lycéens peuvent accéder à un bac Sciences et Techno- logies de l’Agronomie et du Vivant (STAV), ou à l’un des cinq bacs pro pro- posés : horticulture, animalerie, jardinerie, aquaculture ou aménagement paysager. Ces deux derniers mènent à des BTS au sein de l’établissement. À tout cela, s’ajoutent des formations en apprentissage (120 élèves) et la formation continue pour adultes.
Dans cet écrin de verdure de dix hectares, où fleurissent des jardins aménagés par les élèves, l’œil s’arrête sur des parcelles recouvertes de résidus de bois et de paille, indices d’une exploitation en permaculture : cette litière végétale nourrit le sol, empêche la pousse de mauvaises herbes et évite de le retourner, ce qui favorise la vie microbienne qui l’habite.
« Après des années à cultiver les terres en zéro phyto, c’est-à-dire sans utiliser de produits chimiques, nous avons décidé d’expérimenter la permaculture sur des parcelles, car les élèves en avaient assez de désherber ! C’était aussi une façon d’améliorer les conditions de travail », se souvient Isabelle Sauvage, directrice adjointe du lycée agricole. Le projet a été impulsé par un comité de pilotage réunissant enseignants, formateurs et élèves. Dans la foulée, un enseignant technicien Guillaume Gournay est allé se former en Normandie, dans l’emblématique ferme biologique du Bec Hellouin. Il pratique depuis l’association de plantes pour tirer parti de leurs synergies et a implanté des haies pour favoriser la biodiversité…

Transversal, ce projet qui implique des élèves de la 4e au BTS, de toutes les filières, concourt à les valoriser. «Comme nous testons des associations de plantes, des méthodes de semis, etc., les élèves voient les enseignants expérimenter et évoluer dans leurs pratiques. Par ailleurs, les maîtres de stage, qui ne peuvent pas prendre le risque de tester ces techniques sur leurs propres exploitations, suivent attentivement les travaux de nos jeunes », souligne Isabelle Sauvage. Les élèves participent au comité « Permaculture» mis en place par l’établissement.

Ils ont en outre le plaisir de déguster leur production au restaurant scolaire et ven- dent le reste au grand public, en circuit court, sur le site de l’établissement, le vendredi après-midi.

Associer plantes et poissons

Innover en confiant des projets aux élèves, tel est le credo du lycée agricole de Coulogne. « Quand je suis arrivé il y a vingt-cinq ans, l’aquaculture se résumait à l’entretien et l’étude d’un aquarium. Aujourd’hui, nous bénéficions de nombreux ateliers aquacoles, créés avec les élèves. Cela change complètement leur rapport à l’outil de travail : ils le traitent avec respect et développent un savoir-être apprécié dans le monde de l’entreprise », souligne Geoffroy Vincent, enseignant en aquaculture. Les élèves de sa filière ont par exemple développé, en circuit fermé, par souci d’économie d’eau, l’élevage de silures, un poisson jusqu’alors délaissé. « Cette espèce s’est très bien acclimatée au circuit fermé. Elle présente l’avantage de se reproduire très vite et de fournir des filets sans arrêtes », explique Geoffroy Vincent, en montrant des silures dans l’un des ateliers pédagogiques de l’établissement.

Autre projet écologique et innovant : l’aquaponie. Contraction d’aquaculture et d’hydroponie (culture de végétaux hors-sol), cette technique consiste à utiliser les déjections des poissons pour les plantes. Riches en azote, ces déjections nourrissent les plantes, tandis que celles-ci filtrent l’eau qui retourne « propre » aux poissons. Dans le cadre d’une semaine pluridisciplinaire, les élèves de BTS Aquaculture ont rédigé un rapport détaillé sur le sujet. « J’ai découvert cette technique, dont j’ignorais tout ! C’est très intéressant », illustre Michel, 21 ans, qui a participé à la rédaction de ce rapport. L’équipe pédagogique va s’appuyer sur ce document pour présenter au conseil d’administration de l’établissement son projet de création d’une serre aquaponique. « La conduite de projet permet d’impliquer les élèves, mais en travaillant sur la faisabilité technique et économique d’une initiative, il prennent aussi conscience des difficultés à surmonter », souligne Geoffroy Vincent.

Ces projets sont menés en partenariat avec le monde professionnel. Ainsi, l’Association pour la promotion de l’agriculture durable en Pas-de-Calais (APAD62) est associée à la démarche de permaculture. Tout comme le Parc Naturel régional des Caps et Marais d’Opale, qui organise chaque année la Journée de l’agro-écologie, à laquelle participe l’établissement.

Pour l’élevage des silures, le lycée agricole s’est rapproché d’Aquimer, un pôle de compétitivité dédié aux produits de la mer afin de bénéficier de son expertise, de la plateforme d’innovation Nouvelles Vagues, et du Centre national de la mer Nausicaà. Pour le projet d’aquaponie, il est envisagé de s’allier à Macadam Farm, une association spécialisée dans l’agriculture urbaine de Boulogne-sur-Mer. « Indispensables, ces partenariats favorisent l’effet réseau avec les professionnels de notre territoire », souligne David Vandewalle. En outre, chaque année, des voyages d’études permettent aux élèves de découvrir des entreprises d’autres régions, ou au-delà des frontières hexagonales, comme au Pays- Bas et au Portugal, pays avec lesquels l’établissement a tissé des liens avec une école agricole aux options similaires. Des échanges qui cultivent aussi l’ouverture d’esprit des élèves.