Co-éducation aux compétences psychosociales
Groupe scolaire Notre-Dame-des-Chênes, Saint-Malo (35)
Inès de Pierrefeu, fondatrice du programme Bien Grandir à l’Ecole
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Au groupe scolaire Notre-Dame-des-Chênes, à Saint-Malo (35), une mère d’élève a monté le programme Bien grandir à l’école pour outiller élèves, enseignants et parents dans le développement de compétences psychosociales favorisant un climat scolaire serein. Un moyen de mobiliser tous les acteurs pour aller dans la même direction.
« Le climat scolaire n’est pas seulement la responsabilité de l’École. S’il lui revient de mettre en place certains moyens (prévention, point écoute…), le développement des compétences psychosociales incombe aussi aux parents et il me paraissait essentiel d’agir pour une synergie École/Familles sur cette question. » C’est ce qui a motivé Inès de Pierrefeu, mère d’élève du groupe scolaire Notre-Dame-des-Chênes, à Saint-Malo (35), à proposer en 2022 aux chefs des trois établissements (une maternelle, une primaire et un collège) un projet ambitieux à destination du triptyque élèves/parents/enseignants, visant à développer les compétences psychosociales des élèves pour prévenir la gestion des conflits et garantir un bon climat scolaire. Le BGE, pour « Bien grandir à l’école », a séduit Jérôme Gaslain, directeur du collège, en ce qu’il permet aux « enfants-élèves de trouver une zone de confort à la maison comme dans l’établissement, avec des modalités certes différentes mais des fondamentaux communs ».
Psychologue clinicienne de formation et responsable du point écoute du collège, Inès de Pierrefeu a ainsi embarqué avec elle les trois Apel du groupe scolaire et mobilisé une trentaine de parents bénévoles.
Pensé pour les élèves de 3 à 15 ans, le programme Bien grandir à l’école se décline en ateliers thématiques pour les 1 000 élèves, conférences d’experts et partages d’expérience pour tous les adultes. «Nous avons un thème par an et une semaine spéciale avec des animations et apports pour tous, déclinés par niveaux, précise Inès de Pierrefeu. Pour les parents et enseignants, plusieurs conférences sont proposées durant l’année. Après les émotions et les relations, nous avons choisi cette année l’estime de soi. L’objectif est que chacun converge dans une même direction avec des outils communs, et de favoriser ainsi une véritable co-éducation. »
Ne pas accuser les parents
Car les familles, bien que le sujet puisse être source de tensions pour certaines, sont globalement demandeuses d’outils et de connaissances sur le sujet, notamment sur la gestion des comportements difficiles de leurs enfants. «Mais la forme, la façon dont on s’adresse à elles est déterminante. Elle génèrera coopération ou crispation. Personne n’a envie d’aller à une conférence où on va lui dire qu’il éduque mal son enfant », pointe Inès de Pierrefeu. Car il faut aussi entendre qu’aujourd’hui les parents sont pris dans une double injonction sociétale : celle d’être plus disponibles et à l’écoute de leur enfant, tout en exigeant de ce dernier qu’il se moule dans un cadre sans faire de vagues… Pour que le tandem École/ familles fonctionne, la psychologue recommande de « ne pas accuser les parents mais de leur montrer qu’ils sont une partie de la solution. Notre approche est donc de les outiller dans une démarche de guidance parentale plutôt que de délivrer un message de constat anxiogène ». Ainsi, les conférences et ateliers qui leur sont proposés mettent en avant des approches éducatives concrètes. Sur le thème «Parler pour que les ados écoutent et écouter pour que les ados parlent », l’intervenante a présenté la méthode Faber et Mazlish, qui passe par le jeu de rôles.
Idem pour les enseignants à qui le programme BGE propose des interventions ciblées sur leurs besoins. Ainsi, le psychopédagogue belge Bruno Humbeeck a centré sa conférence autour du harcèlement sur un outil pour solutionner les conflits : l’espace de parole régulé. « C’est une modalité d’expression par laquelle les élèves de la classe partagent leurs ressentis sur une situation dérangeante ou douloureuse, sans nommer l’élève qui en est la cause mais qui est présent, et réfléchissent collectivement à une solution », résume Inès de Pierrefeu. Une professeure principale du collège l’expérimente d’ailleurs cette année.
Pour les tout-petits, l’usage d’outils communs à la maison et en classe facilite l’apprentissage des compétences psychosociales. Le jeu de la météo des émotions, par exemple, fait chaque matin par les maîtresses, est repris par plusieurs parents, chez eux. L’engagement de tous les adultes dans ce projet contribue d’ailleurs à signifier son importance à l’élève, qui s’y embarque plus facilement.
Deux ans après le lancement du programme, Jérôme Gaslain dresse le bilan : « L’une de ses réussites est la connaissance du projet par l’équipe éducative du collège. Mais il est nécessaire de se donner du temps pour qu’il trouve toute sa place et soit reconnu. » Inès de Pierrefeu observe qu’une «dynamique» s’est amorcée. En attestent les 150 participants à l’une des dernières conférences, celle de Stéphane Blocquaux, docteur en sciences de l’information et de la communication, sur les usages du numérique, qui était ouverte à tous les parents de l’Enseignement catholique de Saint-Malo. Le chef d’établissement note pour sa part que « la confiance se renforce lorsque l’échange familles/collège est une priorité réciproque ».
Séance de sophrologie
Certains professeurs assistent également aux conférences proposées en soirée, ce qui montre leur mobilisation. « On les consulte, on tient compte de leurs contraintes, pointe Inès de Pierrefeu. Pour la semaine des émotions, on a tenu aussi à prendre soin d’eux. Des massages et des séances de sophrologie leur étaient offerts. »
Dernier atout du projet BGE : la mobilisation des parents. En dehors de ventes de pains au chocolat aux sorties d’école et de subventions de l’Apel départementale, permettant de payer quelques intervenants extérieurs, le BGE a peu de financements. Il est principalement porté bénévolement par les parents investis dans les trois Apel. Comme cette maman enseignante de yoga, qui a animé une séance de yoga des émotions pour les enfants.