Bâti écologique et innovation pédagogique

Emmanuel D’Alzon, Saint-Médard-en-Jalles
Rozenn Petit, chef d'établissement
Envoyer un e-mail

Le nouvel ensemble scolaire de la métropole bordelaise, l’école-collège Emmanuel-d’Alzon, 
conjugue haute qualité environnementale et enseignement coopératif. Le tout au service d’un cycle 3 qui soigne la transition CM2/6e.

Son bardage en pin fleure bon la forêt landaise et ses larges baies vitrées offrent des perspectives lumineuses… Première construction en bois et paille de cette envergure en Gironde, l’ensemble scolaire Emmanuel-d’Alzon, à Saint-Médard-en-Jalles, a été inauguré le 7 octobre dernier, en présence de l’archevêque de Bordeaux, Mgr Jean-Paul James, quatre ans et demi après que son prédécesseur, Mgr Jean-Pierre Ricard, a béni la pose de sa première… botte de paille. Ce chantier durable a vu mûrir, au fil de trois rentrées échelonnant les ouvertures de classes du CP à la 3e, un projet éducatif qui conjugue coopération et innovation. « Ce choix d’un bâti écologique nous a lancés dans une véritable aventure du “co” », explique Rozenn Petit, coordinatrice de l’ensemble Sainte-Anne, au Bouscat, sous tutelle des Oblates de l’Assomption, dont Emmanuel-d’Alzon, distant de 10 km, est l’annexe. Nous nous sommes appuyés sur la solide expertise de Sainte-Anne en matière de développement durable. Cette création d’établissement a aussi permis d’expérimenter de nouvelles modalités d’apprentissage et d’organisation. » Pour ce faire, Rozenn Petit et la responsable du primaire, Véronique Hernandez, ont lancé un appel aux enseignants de Sainte-Anne désireux de faire évoluer leurs pratiques. Ensemble, ils ont imaginé avec l’architecte des locaux facilitant l’innovation. De larges coursives extérieures fluidifient la circulation. Et des classes, hautes de plafond et traversantes, équipées de mobilier modulable, communiquent avec une salle attenante vitrée permettant de scinder la classe.
Dès 2019-2020, la poignée d’enseignants volontaires a pu tester ses capacités d’adaptation dans des conteneurs Algeco et une salle polyvalente « à tout faire » avec une classe de CM1-CM2 et deux de 6e. Ils se sont initiés aux pratiques coopératives avec le formateur canadien Jim Howden, afin d’orchestrer un projet pilote autour de la différenciation pédagogique au sein d’un cycle 3 unifié. L’établissement a modifié l’organisation horaire pour faciliter la transition école-collège et l’enseignement coopératif. Les cours ont été réduits à quarante-cinq minutes, afin d’inclure chaque semaine deux à trois après-midis « blocs interdisciplinaires » mélangeant les élèves des trois niveaux. Le « bloc sciences » réunit ainsi les enseignants de technologie, de SVT et de physique du collège ainsi que l’enseignante de la classe à double niveau CM1-CM2, Nathalie Perrot. Cette dernière est ravie de faire découvrir à ses écoliers les laboratoires du collège, dès les premières semaines de l’année : « Je coanime une séance de trois heures avec mon collègue de technologie. Mes élèves et ceux des deux classes de 6e sont répartis en groupes de quatre pour concevoir une maquette d’engin spatial, en lien avec le thème de l’année, intitulé “Vivre sur Mars” : ballon-sonde, satellite, radar astronomique… C’est impressionnant de voir combien cette organisation les fait grandir. Quant à moi, je profite pleinement de cette occasion de diversifier mes cours ! »

Une responsabilité déléguée

Trois semaines et une exposition de maquettes plus tard, Virginie Pandeles, enseignante de SVT, inconditionnelle des classes flexibles, et son collègue de sciences physiques se relaieront – pendant 1 h 30 chacun – pour travailler sur les futures vies martiennes (alimentation, respiration, l’eau et ses changements d’état). « Cette scénarisation de contenus montre aux élèves comment les disciplines peuvent concourir à un but commun, toujours matérialisé par une réalisation concrète », explique Virginie Pandeles. Chaque fin d’année, le « bloc expression et création », qui réunit des enseignantes de français et d’anglais, donne lieu à la représentation d’une pièce de théâtre écrite en français, puis traduite et jouée en anglais par les 90 élèves du cycle 3. »

Chaque discipline réfléchit à une progression commune du CM1 à la 6e et, pour les bilans périodiques de chaque bloc, trois évaluations, une par niveau de classe, sont co-élaborées. Cette organisation ambitieuse est aussi expérimentée, sans décloisonnement de niveau toutefois, en cycles 2 et 4 : pour l’EMC en primaire, la méthodologie et les neurosciences en 6e, l’oral avec un concours d’éloquence à la clé en 5e et l’orientation en 4e et 3e. « Avec une vraie plus-value dans la relation aux élèves, plus personnalisée, ainsi que pour le travail d’équipe, étendu à la vie scolaire, requise pour les dédoublements de classe et l’animation de certains modules, par exemple sur le harcèlement en 5e, ou la gestion du cartable en 6e », souligne Maud Pasquet, enseignante de mathématiques et coordinatrice de ce système en tant qu’adjointe de Rozenn Petit pour le site d’Alzon. Devenues chefs d’établissement multisites, cette dernière et Véronique Hernandez ont dû systématiser la délégation de responsabilité : « Des référents solides et identifiés par les familles sont indispensables, notamment pour cette création d’établissement ex nihilo : l’acculturation des parents aux valeurs chrétiennes du projet et nos modes de fonctionnement sont sans cesse à expliciter. Dans ce contexte, il est notamment précieux de pouvoir recevoir les familles à plusieurs », estime Rozenn Petit.

Des maisons inter-niveaux

L’équipe d’Emmanuel-d’Alzon s’est emparée avec enthousiasme de la marge d’autonomie dont elle bénéficie. Enseignants et personnels éducatifs ont ainsi instauré des maisons inter-niveaux à la Harry Potter, avec un système de tutorat entre enfants et des défis coopératifs réguliers faisant gagner des lots bénéficiant à tous : un goûter partagé, une après-midi déguisée, un nouvel équipement dans la cour… Tout cela crée une ambiance participative propice à l’extension du label E3D de 
Sainte-Anne à Emmanuel-d’Alzon, où les élèves sont associés à l’aménagement d’un éco-lieu au cœur de l’établissement – comme ce fut le cas pour dessiner les vitraux de la chapelle. Un club « éco-friend » méridien ainsi qu’une formation pour les enseignants sur le « faire classe dehors », avec élaboration de séquences ad hoc dans chaque discipline, y contribue. Prochaine étape préparée activement par l’équipe : un séjour Erasmus+ pour les éco-délégués, intitulé « Les petits travailleurs d’Europe explorent les métiers verts d’avenir », au cours duquel les élèves découvriront une activité en lien avec l’environnement. La révolution de paille d’Emmanuel-d’Alzon se propage désormais au-delà des frontières.