Autorité partagée
Collège-lycée Don Bosco, Landser (68)
Alain Werner, chef d’établissement
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À Landser, petite commune rurale d’Alsace du sud (68), le collège-lycée Don Bosco valorise le lien aux élèves et cherche à les responsabiliser au maximum. Un choix qui réduit les comportements difficiles et aide à gérer efficacement ceux qui surviennent.
Enzo le dit sans détour : « Quand j’étais en 6 , j’étais un sale gosse. Mon enseignant me retrouvait parfois à l’autre bout de la classe, je lançais des trucs en l’air, je me battais avec des élèves dans la cour... » Aujourd’hui en Tle, cet élève de Don Bosco, à Landser (68), a bien changé. « Je travaille, mon comportement est nickel et je m’implique partout : aide aux devoirs le lundi, tutorat le mardi soir, foyer des lycéens toute la semaine. » Le résultat d’un parcours sinueux mais toujours suivi de très près par l’équipe de ce collège-lycée du Sundgau, région cossue située au sud de Mulhouse, près de la frontière suisse.
Présence et responsabilisation
« Ici, nous avons des enfants issus majoritairement de milieux favorisés dont les parents travaillent à Bâle, en Suisse. Mais cela n’empêche pas les difficultés scolaires, des situations personnelles compliquées et quelques cas parfois de harcèlement ou de violence », affirme Alain Werner, chef d’établissement depuis vingt ans. Pour autant, le climat scolaire dans cet établissement de 1 062 élèves est bon. Et s’explique en partie par sa pédagogie salésienne, qui se résume en deux mots : présence et responsabilisation. « Ici, on connaît presque tous nos élèves par leur prénom, et on tient à l’esprit de famille», annonce Alain Werner, dont le bureau donne sur la cour de récréation. Si j’apprends un décès dans la famille d’un élève, je lui glisse quelques mots quand je le croise. Idem si j’entends qu’un jeune en difficulté scolaire a eu une bonne note dans une matière… » Le chef d’établissement demande à ses enseignants d’être présents sur la cour et d’assurer 1h30 de surveillance par jour. Et ils enseignent à la fois au collège et au lycée, afin d’avoir une connaissance de tous les élèves. Un point écoute est également en place. « Quatre enseignants et trois frères salésiens se tiennent à disposition des élèves, qui peuvent glisser un mot dans une boîte aux lettres au nom de l’adulte avec lequel ils veulent échanger », souligne le père Hildenbrand, supérieur de la communauté et enseignant d’histoire.
L’autre force de Don Bosco – Landser : son souci de responsabiliser les élèves, qui, ce faisant, développent leur empathie. Une dimension importante quand on sait que la prise en compte de l’autre manque parfois aux élèves perturbateurs, souvent très centrés sur eux-mêmes.
Des lycéens soucieux des plus jeunes
Les lycéens peuvent ainsi s’investir dans cinq grandes missions, essentiellement tournées vers les collégiens. Reposant sur la base du volontariat, elles trouvent toujours suffisamment de candidats. Première d’entre elles, le tutorat. En cette journée d’automne, sur l’heure méridienne, cinq tandems travaillent en chuchotant dans une salle au rez-de-chaussée. Parmi eux, Michel, élève de 1re, a bénéficié du tutorat quand il était en 6e et 5e et souhaite rendre ce qu’il a reçu. Tom, en 5e, tutoré par Lou-Élise, en 1re, apprécie ce soutien qui est aussi prétexte à quelques confidences : « Alors que je m’étais fâché avec un copain, ma précédente tutrice m’avait donné de bons conseils pour régler le problème avec lui», se souvient-il.
Certains tuteurs vont même jusqu’à alerter le professeur principal du collégien quand ils sentent qu’il est dans une phase de fragilité personnelle ou scolaire, confie Élise Limbach, professeure principale. Outre l’aide aux devoirs également assurée par des 1res et Tles auprès des 6es, les 2des animent, le midi, des clubs pour les collégiens : théâtre, vidéo, échecs, Rubiks’cube…
Les propositions changent chaque année au gré des passions et envies des lycéens investis. Et l’importance des missions, gage de confiance de l’établissement, croît avec l’âge des élèves. Avec les Tles, les adultes de l’établissement se situent même dans une forme d’autorité en partage.
Effet d’entraînement positif
Toutes ces opportunités d’autonomie encouragent les com- portements vertueux, selon Ambre, élève de Tle qui en plus de ces missions s’investit dans la commission Bien vivre de l’établissement. « Ces rôles nous permettent de nous intégrer. On se sent utiles, valorisés et on a envie de venir au lycée. Il y a un effet d’entraînement positif », pointe la jeune fille. Les collégiens apprécient d’avoir les lycéens pour interlocuteurs : « « C’est plus facile de leur parler car ils ont été à notre place il n’y a pas si longtemps », estime Gabriel, en 4e. Cela va de pair avec une prise en compte de la parole des jeunes, remontée via la commission Bien vivre, et aboutit à des projets concrets. Ainsi, face au stress grandissant exprimé par les élèves, l’éta- blissement propose du sport le soir et des ateliers sophrologie. Récemment, des rôles de médiateurs ont été créés pour que des lycéens aident les collégiens à résoudre leurs conflits. « Durant deux mois, j’ai organisé cinq rendez-vous avec une élève de 6e qui subissait des moqueries. Je l’ai écoutée et l’ai laissé exprimer ce qu’elle ressentait. Puis j’en ai fait part au directeur, qui a convoqué les intimidatrices pour régler le problème. Depuis, l’élève va mieux et elle m’a offert des chocolats pour me remercier !», résume Ambre.
Vanessa Vonflie, enseignante de mathématiques et professeure principale, profite de son heure de méthodologie de fin d’après-midi pour mettre à plat les éventuels soucis de la journée : « On a une diversité de profils, avec des élèves dys ou TDAH dont le comporte- ment pose parfois question aux autres. Alors je prends le temps d’écouter tout le monde sur ce qui les dérange, de leur expliquer pourquoi untel a besoin de bouger, de trouver comment un autre peut utiliser sa balle antistress, sans déranger son voisin… » Plus globalement, les enseignants passent beaucoup par l’écoute et la parole dans les situations d’indiscipline, confirme Louis Baumlin, enseignant de mathématiques et de religion. « Je dois beaucoup à ma prof de français en 6e, qui avait compris qu’il fallait me faire travailler seul, sans galerie à amuser, à mon professeur principal de 4e, qui me parlait beaucoup et aux déjeuners à la cantine, en tête-à-tête avec Monsieur Werner et parfois des lycéens. Leur façon de continuer à s’intéresser à moi m’a touché et m’a donné envie de m’y remettre », conclut Enzo.