Nuts, le chien anti-stress

École hôtelière Renouveau, à Saint-Genest-Lerpt (42)
Jean-Pierre Martinez
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La médiation animale se développe dans les établissements : des enseignants passionnés amènent leurs animaux en classe. À l’école hôtelière Renouveau, proche de Saint-Étienne (42), la présence affectueuse du berger australien Nuts apaise les élèves et crée une ambiance studieuse.

Les lycéens de première pro de l’école hôtelière Renouveau, à Saint-Genest-Lerpt (42), se concentrent sur la préparation de leur prochain contrôle durant le cours de mathématiques de Jean-Pierre Martinez. La chienne Nuts prend aussi son travail à cœur. Ce joli berger australien de six ans, à la grosse tête marron et au regard doux, parcourt les travées de la classe pour s’assurer que tout le monde va bien, s’arrête auprès de ceux qui l’appellent à voix basse pour la caresser ou va rendre visite à ses « chouchous » – les plus en demande d’échanges – en se collant à leurs jambes et en réclamant des gratouilles.

Pas facile de tracer une droite dans son cahier tout en caressant sa tête mais tout le monde y trouve son compte. Dans la classe, l’ambiance est calme et Nuts y est pour beaucoup. « Avec elle, on est moins tendus et elle nous donne beaucoup d’amour », explique Emily, l’animal roulé à ses pieds. « En début d’année, c’était un peu étrange et même perturbant d’avoir un chien en classe. Maintenant, je trouve cela agréable. C’est une vraie compagnie. La perspective de voir Nuts me donne plus envie d’aller au lycée », ajoute Anaïs. Les élèves les plus nerveux trouvent au contact du chien une forme d’apaisement. « Je suis assez colérique. Nuts me détend et me rassure », affirme Ethan.

Certains élèves ont peur des chiens, aussi, pour limiter le contact, ils s’installent le long du mur. Aucun risque que la chienne ne s’approche d’eux. La plupart du temps, ces élèves s’habituent à ses allers et venues et parviennent même après quelques mois à la toucher du bout des doigts…

Créer du lien

À l’origine du projet, lancé il y a trois ans : la volonté d’apporter un peu de sérénité à une classe de CAP Cuisine où régnait une grande excitation. « Ça a marché ! L’ambiance a changé. De toute façon, Nuts est tellement sensible au bruit que lorsque le niveau sonore est trop élevé, elle se met à aboyer, ce qui calme tout le monde. Les jeunes lui obéissent bien plus qu’aux enseignants », s’amuse son maître Jean-Pierre Martinez. Apporter une forme de bien-être à ces jeunes parfois fragiles était son objectif. Mais les choses ne se sont pas faites du jour au lendemain. Il a fallu convaincre la cheffe d’établissement, Esther Milland, qui se souvient : « Au départ, j’étais un peu réticente car l’hygiène dans les métiers de la restauration est essentielle. Et les chiens me font parfois un peu peur… Mais il m’a semblé important de tenter quelque chose avec cette classe compliquée. »

Canaliser l’attention

Nuts ne peut accéder ni aux cuisines, ni à la cantine, ni au restaurant d’application. Mais elle est la bienvenue dans les salles de classe, les couloirs et à l’extérieur, sur le site immense et verdoyant du lycée qui fait face aux collines du Pilat. Jean-Pierre Martinez craignait aussi la réaction de l’équipe pédagogique, notamment de ceux qui auraient été impressionnés par cette chienne, bonne pâte mais imposante. Toutefois, elle a été bien accueillie. « Sa présence permet de créer davantage de liens. Les enseignants, comme beaucoup d’élèves, viennent la saluer dans les couloirs. Des collègues me demandent s’ils ne peuvent pas l’avoir aussi un peu dans leur classe. Mais ce n’est pas possible. Je la connais bien, ce qui me permet de deviner si elle est fatiguée ou si elle veut s’isoler », indique son maître. Un travail avec les parents a aussi été réalisé, car certains se posaient des questions. « Quelques familles se sont demandé si le chien n’allait pas empêcher les élèves de se concentrer mais ils ont compris qu’au contraire, les jeunes, plus détendus, parviennent davantage à canaliser leur attention », indique Yoann Quitaud, directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques.
Avant que Nuts puisse jouer son rôle de « médiation animale » auprès des élèves, il a fallu la former. Pendant un an, elle a été éduquée un jour sur deux, et a passé un Certificat de sociabilité et d’aptitude à l’utilisation (CSAU) dispensé par la Société centrale canine (SCC) pour apprendre à répondre aux ordres, être à l’aise en société et ne pas être inquiète quand de nouvelles personnes se trouvent dans son environnement. « Je continue régulièrement à la socialiser. Je l’emmène dans des endroits qu’elle ne connaît pas où il y a beaucoup de monde, comme sur des marchés. Par ailleurs, elle continue à suivre des cours de dressage. Et puis, à la maison, j’ai des enfants et il y a souvent du monde », assure Jean-Pierre Martinez.
Si Nuts contribue à apporter du bien-être aux élèves, le sien doit aussi être préservé. Au moment du repas, elle se repose dans une salle fermée à clé, isolée des jeunes et du bruit. Puis elle sort faire une promenade avant de retourner… au boulot. Mais en début d’après-midi, elle laisse tomber ses « rondes » et s’octroie une petite sieste, certaine que sa seule présence tranquille fera baisser le niveau de stress des élèves.