À Lille, l’Epil1 remobilise les 3es Prépa pro en cassant les repères : plus de cartable, une tablette fournie par le lycée professionnel et des devoirs facultatifs dont les notes ne sont prises en compte que quand elles remontent la moyenne.
C’est une classe de 3e en apparence ordinaire. À ceci près que les élèves y viennent les mains dans les poches. Depuis la rentrée de septembre 2017, le lycée professionnel lillois l’Epil a mis en place le dispositif « Sans cartable et sans murs » pour les trente-cinq jeunes de 3e en Préparation professionnelle, seul niveau de collège de l’établissement. Ces élèves arrivent fâchés avec le système scolaire pour de multiples raisons. Certains ont des problèmes familiaux ou sociaux, sont hébergés en foyer, déscolarisés,… « Nous les accueillons tous, quels que soient leurs antécédents scolaires, avec le souhait de les faire entrer dans la spirale de la réussite », souligne Didier Gamant, directeur de l’Epil. L’idée du dispositif a germé après la remarque dépitée d’un de ses professeurs : « Encore un jeune qui est venu sans cartable ! » Décision est prise de bouleverser les repères des élèves. « Nous avons fait le choix de supprimer tout ce qui ne fonctionnait pas : les cartables, les cahiers, les devoirs », résume le directeur. L’établissement a sollicité l’Association rotarienne des bibliothèques scolaires (ARBS) pour numériser les livres. Il a aussi investi dans des tablettes numériques, fournies aux collégiens, avec les stylos, les cahiers ou les feuilles, moyennant 65 euros par trimestre. Comme les élèves viennent sans cartable, tablettes et matériel ne sortent pas de l’établissement.
Après avoir suivi une formation, les enseignants enrichissent désormais leurs cours de nouveaux contenus, comme des QCM en ligne, des vidéos, des applications…. Christophe Lyoen, professeur de maths, projette au tableau ses questionnaires, auxquels les 3es répondent en temps réel. « Des graphiques nous permettent de voir instantanément quelles notions ils n’ont pas comprises », souligne-t-il. Chaque collégien bénéficie d’un compte Google Drive, où il retrouve ses documents. Où qu’ils soient, dans le bus, chez eux, chez des copains…, les élèves peuvent consulter cours, devoirs et livres numérisés, depuis leur téléphone ou leur ordinateur : la classe est dématérialisée ! Dans la foulée, les devoirs à la maison deviennent facultatifs : « Les élèves rechignaient à les faire, par crainte de l’échec. Désormais, seules les notes qui augmentent la moyenne sont prises en compte, avec la possibilité de refaire ces devoirs maison autant que nécessaire», indique le directeur.
Les collégiens ont vite apprivoisé ces outils. « C’est plus ludique ! Et moi qui suis désorganisé, je peux accéder aux livres sans rien prévoir », s’enthousiasme Alexandre, en 3e Prépa pro. Louis, son camarade, renchérit : « En anglais, on peut réécouter plusieurs fois un contenu, s’entraîner et refaire les exercices. »
Non seulement, ce mode de fonctionnement les responsabilise, mais il favorise le travail individualisé. « C’est frustrant pour un enseignant de voir qu’un jeune n’a pas compris une notion et d’être contraint d’avancer, faute de temps. Avec les applications, je peux donner aux élèves des activités adaptées à leurs difficultés, avec des exercices d’auto-évaluation », souligne Karine Filliette, professeur de français et d’histoire-géographie.
Néanmoins, l’établissement n’a pas renoncé au papier et au stylo, d’autant que les élèves passeront leur brevet sans tablette. Feuilles et crayons sont donc utilisés pour chaque devoir surveillé. Résultat : l’absentéisme a disparu et les notes s’améliorent. « Ça a changé mon rapport à l’École, témoigne Loïc.
Avant, j’étais en conflit permanent avec les enseignants. Aujourd’hui, la tablette m’incite à travailler, je viens à l’Epil avec plaisir. » Ce climat apaisé fait tâche d’huile auprès des parents qui reviennent chercher les bulletins de leurs enfants, alors qu’ils n’osaient plus se présenter au lycée. Pour l’heure, Didier Gamant n’envisage pas d’étendre le dispositif aux autres classes. L’objectif n’est pas d’adopter le « tout-tablette », mais de redonner confiance aux élèves qui arrivent en Prépa pro.