Un chef-d’œuvre qui fait grandir

École Saint-Victor, Saint-Laurent-de-la-Plaine (49)
Philippe Uzureau, professeur des écoles
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Les élèves de CM2 de l’école Saint-Victor, à Saint-Laurent-de-la-Plaine (49), ont un an pour réaliser leur chef-d’œuvre. Un parcours qui exige imagination et persévérance. Avec des résultats à la hauteur !

Dans une salle de l’école Saint-Victor, à Saint-Laurent-de-la-Plaine (49), sont disposés comme dans un petit musée les chefs-d’œuvre des neuf élèves de CM2. Les productions, résultat d’une année de tâtonnement créatif, sont aussi hétérogènes que charmantes. Parmi elles, une tête de chien husky modelée et peinte avec des yeux vairons, une gymnaste en plein effort sur des barres asymétriques, une élégante danseuse en fil de fer, des personnages en terre peinte inspirés du dessin animé Vice-Versa exprimant des émotions positives ou négatives… Et il y a des œuvres qui ne se voient pas, comme une chanson créée par une fillette sur le thème du harcèlement. Toutes ces pièces témoignent de la liberté laissée aux élèves, qui les oblige à aller chercher en eux-mêmes ce qu’ils souhaitent réaliser.

Un hibou en bois

En début d’année, ils doivent trouver un « sujet ». « Nous nous sommes inspirés de nos passions. Pour moi, l’idée est venue vite. J’adore la gymnastique, d’où mon personnage de gymnaste », s’exclame Éline, qui explique sa démarche avec enthousiasme. « Moi, je voulais réaliser une structure en bois car ma famille travaille le bois depuis 1760 », indique Sacha, passionné de sport, qui a créé à l’échelle un terrain de basket et ses gradins. Clémentine a réalisé une sculpture représentant une raie manta, mais elle a hésité entre plusieurs projets. « À un moment, je voulais réaliser la maquette d’un bateau du Vendée Globe », se souvient-elle. Quant à Inès, elle s’est lancée dans la fabrication d’une veste japonaise avant de se rabattre finalement sur la sculpture d’un hibou en bois.
Un travail en classe, à partir d’une carte mentale, leur permet en début d’année d’affiner leur projet, de définir ce qu’ils souhaitent exprimer et les émotions qu’ils veulent susciter chez les autres. À la fin du premier trimestre, les enfants se fixent sur une idée, choisissent les matériaux (de préférence récupérés), réalisent les premiers croquis et à partir de janvier, ils passent à la réalisation. D’où est née l’idée d’inviter les CM2 à créer leur masterpiece ? D’un échange entre Philippe Uzureau, professeur des écoles à Saint-Victor et chargé de mission à la direction diocésaine d’Angers, et son beau-frère Compagnon du Devoir qui a présenté un travail de réception à la fin de son parcours de formation. « Depuis six ans nos élèves de CM2 se prêtent à l’exercice, qui vient couronner leur parcours de primaire », note l’enseignant.

Le cœur, la main, la tête

Il est parfaitement adapté au projet pédagogique de l’établissement, qui veut « faire grandir l’enfant dans toutes ses dimensions : le cœur, la main, la tête » et valoriser la créativité de chacun en donnant une place aux activités manuelles et artistiques. Au fil du temps, le projet a essaimé dans deux écoles voisines en s’adaptant à leur contexte scolaire et aux choix pédagogiques des enseignants (cf. encadré).
À Saint-Victor, les enfants sont épaulés par des adultes. Il faut dire que la ville regorge de compétences. L’association l’Outil en main d’Angers propose des ateliers de menuiserie, couture, etc. et n’hésite pas à donner un coup de main… Le Musée des métiers de Saint-Laurent-de-la-Plaine met l’accent sur le travail du bois. « Nous souhaitons valoriser la transmission, le lien entre l’école et le monde professionnel », expose Philippe Uzureau.

L’apogée du primaire

Ainsi, neuf adultes – membres des associations locales, artisans et parents d’élèves – ont tutoré les enfants cette année. « Ils apportent des compétences techniques mais ils ne doivent pas faire à la place des enfants », prévient Philippe Uzureau qui, lui aussi, adore bricoler… L’école a investi dans une table et trois étaux, une scie (maniée uniquement par les adultes), une perceuse et une visseuse. « J’ai à cœur d’assurer la sécurité des enfants mais l’impératif de sécurité ne doit pas nous faire renoncer au projet », soutient la directrice, Cécile Bécot.
Créer un chef-d’œuvre est loin d’être un long fleuve tranquille. Il arrive que des pièces cassent, qu’il faille mettre des supports qui les rendent parfois un peu moins esthétiques, ou que l’inspiration manque pour finir son œuvre… Il faut trouver des astuces, s’épauler les uns les autres. « À certains moments de l’année, nous ne sommes plus très motivés. On croit avoir fini et, en fait, pas du tout… », fait remarquer Éline. L’exercice leur apprend la persévérance car malgré les aléas, ils doivent aller jusqu’au bout de leur tâche…
Ces projets se développent en lien avec les compétences scolaires de CM2 : mathématiques – il y a toujours des calculs d’angles ou des fractions à effectuer –, expression écrite, structuration du message oral. En fin d’année, chaque enfant présente dans le Théâtre des Rêveries de la ville son chef-d’œuvre devant un parterre de parents et d’intervenants. Ils créent eux-mêmes un diaporama qui retrace leur parcours créatif et explicitent le message qui sous-tend leur projet, comme celui de Clémentine, qui a réalisé la raie manta : « Il faut protéger les animaux, même ceux dont on n’entend pas beaucoup parler… » Les enfants s’engagent énormément. « Une petite fille paniquait chez elle la veille de la présentation à l’idée de monter sur scène et pourtant elle s’est très bien débrouillée. Ces chefs-d’œuvre amènent les enfants à se dépasser », plaide Cécile Bécot. Ils permettent aux moins scolaires de découvrir des activités dans lesquelles ils peuvent briller et tous gagnent en autonomie. Lors de la présentation finale, un diplôme et une clé de la réussite leur sont remis. Une clé qui fait de l’entrée en 6e une simple formalité.