Photos Bellevue-Alès

Une réforme structurelle du projet d’établissement

Collège-lycée Bellevue Marie-Rivier à Alès
Marjorie Gackière, chef d’établissement
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Branle-bas de combat au collège-lycée Bellevue – Marie-Rivier d’Alès (30). Le projet d’établissement, initié à la rentrée 2020, a donné des ailes aux enseignants, qui testent de nouvelles pratiques pédagogiques et un accompagnement encore plus personnalisé des élèves.

Certains établissements ont fait leur miel de la crise sanitaire et des longues périodes de confinement. C’est le cas de l’ensemble scolaire Bellevue – Marie-Rivier d’Alès (30), qui compte 700 collégiens et 500 lycéens. «Lors du premier confinement, l’établissement était vide. L’équipe de direction en a profité pour réfléchir à un nouveau projet. Nous avons bâti un canevas puis travaillé avec les enseignants », explique Marjorie Gackière, arrivée à la tête de ce groupe scolaire il y a trois ans. Il s’agit d’un projet d’établissement* vaste et ambitieux qui veut «préparer les jeunes aux enjeux de ce nouveau monde », rien de moins. Comment ? En développant une pédagogie de la relation, en allant vers une individualisation des parcours des élèves, en soutenant les pratiques favorisant leur autonomie intellectuelle et en veillant à leur bien-être ainsi qu’à celui des professeurs et des
personnels. « Ces nouvelles priorités, qui s’inscrivent dans la réforme du collège et du lycée, sont une lame de fond. Nous nous sommes mis dans une posture de recherche qui nous autorise à tester de nouvelles pédagogies, car la confiance est là », se félicite William Pialet, professeur d’histoire-géographie.
Cet élan est porté par une réforme structurelle. Les cours ne durent plus que quarante-cinq minutes au lieu de cinquante-cinq. Les enseignants disposent ainsi de quatre créneaux de quarante-cinq minutes par semaine, qu’ils investissent soit dans les ATP
(Ateliers de temps personnalisé), soit dans les APIPP (Accompagnements personnalisés individualisés animés par le professeur principal), soit dans les « selfs » – des moments durant lesquels ils se mettent à la
disposition des élèves pour préparer, par exemple, une évaluation.

Des profs souriants et détendus

Depuis le démarrage, en septembre
2020, on assiste à un foisonnement
de propositions d’ATP. « Il s’agit de faire cours autrement. L’ATP de mathématiques des 6es, qui a lieu en demi-groupe, privilégie par exemple
l’oral et le travail sur ardoise. Il laisse la part belle à la remédiation, ce qui permet de rattraper une mauvaise note
», estime Stéphanie Bayle, professeure principale de la 6eE. En demi-groupe toujours, les élèves améliorent leur orthographe grâce au Projet Voltaire ou leur
niveau de lecture via « une séance de fluence ». Et les enfants atteints de troubles « dys » lisent des textes sur ordinateur puis répondent à
des questions de compréhension. Également enseignante d’anglais, Stéphanie Bayle profite du temps d’ATP pour faire jouer ses élèves « à
la marchande
» avec des vêtements, organiser des jeux collectifs ou lire des livres dans la langue de Shakespeare. « Ces ateliers sont des
bulles pédagogiques qui permettent d’accompagner les élèves de façon personnalisée
», assure Marjorie Gackière. Encourager les enseignants à travailler en équipe fait aussi partie du projet. Tous les jeudis, de 11 h 10 à 12 h, ils sont déchargés de leurs cours afin d’imaginer des projets communs. Julie Razzanti, et Catherine Tramoni, respectivement enseignantes d’anglais et d’arts plastiques et professeures
principales d’une Tle option Arts, co-animent un ATP sur le thème des monstres. « Nous ne sommes plus seules dans notre classe et l’ambiance est celle d’un atelier. Avec nos élèves, nous cherchons ensemble des idées, des solutions et souvent, dans la foulée, nous mangeons avec eux. Cet ATP, c’est un moment à part », s’enthousiasme Julie Razzanti.
Dans le cadre des ATP, Stéphanie Bayle a créé un club « Côté nature » dont l’objectif est de fabriquer des objets à partir d’éléments naturels, auquel participent d’autres enseignants. Nathalie Barbier, enseignante de
sciences économiques et sociales, a créé un Café Actus durant lequel les 2des grignotent tout en réfléchissant à la transidentité, à la question des migrants, à la condition animale, au wokisme – des sujets qu’ils choisissent eux-mêmes et pour lesquels il faut parfois être au moins deux professeurs pour apporter des réponses à la hauteur. Le fonctionnement des ATP ravit les élèves. « Il y a une bonne ambiance, confie Guillaume, en 4e. Les profs sont souriants et détendus. Nous échangeons beaucoup. »


Au niveau du lycée, et notamment de la Tle, les professeurs, sous pression, veulent boucler le programme. De ce fait, les ATP sont parfois transformés en cours « classiques ». Mais ils sont aussi utilisés pour préparer à l’examen, notamment au grand oral. « Grâce aux ATP en petits groupes, nous sommes bien entraînés aux épreuves orales. Les observations des enseignants nous guident. Ils nous disent : «Là tu as été géniale mais sur ce point, c’était moins clair », apprécie Léna, en Tle.

Des entretiens dédiés à l’orientation

Quant aux APIPP, ils font l’unanimité. Dans sa classe, Géraldine Pialet, enseignante d’histoire-géographie et professeure principale, reçoit ses élèves de 4e après qu’ils ont rempli une fiche d’autoévaluation. « Je m’assure qu’ils ont la même perception que les professeurs des progrès accomplis. Certains élèves ne savent pas qu’ils sont bons. Il faut les rassurer. Le regard de l’adulte est important. Grâce à ces rencontres individuelles, ils se rendent compte qu’ils sont au centre de notre approche pédagogique », affirme Géraldine Pialet. Ces accompagnements sont largement dédiés à l’orientation. Au collège, les élèves se rendent au CDI pour faire des tests et ils s’entretiennent avec leur professeur principal. Le but est de les amener à mieux se connaître,
à mettre des mots sur leurs envies et leurs valeurs.
Au lycée, les entretiens en petits groupes permettent d’aller plus loin dans la définition de leur projet, qu’ils nourrissent en se rendant avec leur classe au Salon de l’Étudiant, à Montpellier. Dès janvier, les Tles, eux, se concentrent sur Parcoursup. « Les enseignants ne connaissent pas toutes les filières ni toutes les écoles – c’est impossible – mais nous cherchons ensemble des réponses », commente Laura, en Tle. « Notre approche permet aux enseignants de passer du temps avec les élèves pour qu’ils réfléchissent à leur avenir. Ils ont besoin de ce dialogue », résume Marjorie Gackière. Nul doute que ce nouveau projet
d’établissement est chronophage pour les enseignants. Il leur a fallu repenser leurs cours de fond en comble pour qu’ils tiennent en quarante-cinq minutes et l’individualisation des parcours prend du temps. De plus, les professeurs les plus engagés s’investissent dans
les différentes commissions : « projet d’établissement », « parcours Avenir », « grand oral », « rencontres parents-enseignants », «journées portes ouvertes », etc. Très réactifs, ceux-ci analysent régulièrement l’avancée des projets, ce qui fonctionne ou au contraire ce qu’il faut modifier…
Ce « chantier » permanent permet de tester de nouvelles approches pédagogiques en rendant le travail des élèves plus collaboratif tout en s’appuyant sur la métacognition et la remédiation. Une majorité d’enseignants l’apprécient, mais quelques-uns regrettent cette effervescence et le font savoir. Il faut
donc les convaincre de prendre part à cet élan… Mais pour la plupart, ce projet est une renaissance. « Nous avons vécu dix ans d’immobilisme total et cela a été difficile. Nous sentons aujourd’hui que nous pouvons innover, changer de posture et nous relancer sur le plan professionnel », conclut William Pialet. Sentiment partagé par
Julie Razzanti : « S’il n’y avait pas eu ce projet, je serais partie. Là, nous avons traversé la réforme du bac, de l’évaluation, le Covid et les cours à distance… en étant heureux dans notre métier !

*Cf. interview sur youtube.com/
Établissement scolaire Bellevue Marie Rivier