Agir contre le harcèlement
Collège Saint-Louis – Notre-Dame, à Montfort L’Amaury (78)
Anna de Feydeau, chef d’établissement, Christophe Auvinet, directeur adjoint
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Depuis 2019, le collège Saint-Louis – Notre-Dame de Montfort L’Amaury (78) a choisi la méthode Pikas pour lutter contre le harcèlement. Elle incite « l’intimidateur » et ceux qui le suivent à trouver eux-mêmes une solution sans qu’aucune sanction ne soit appliquée.
Mettre en place une stratégie pour lutter contre le harcèlement est un travail de longue haleine. À Montfort- L’Amaury (78), au collège Saint-Louis – Notre-Dame, cela fait plus d’un an que le chef d’établissement Anna de Feydeau et l’équipe pédagogique s’y emploient. Dans cet établissement qui compte 650 collégiens, les cas de harcèlement ne sont pas fréquents mais les situations qu’ils engendrent sont suffisamment douloureuses pour que l’équipe ait eu envie de prendre le taureau par les cornes.
Dès le début de l’année scolaire 2018-2019, la direction a souhaité sensibiliser les jeunes à cette problématique. Côté Cour, une comédie musicale portant sur la question du harcèlement à l’école a été créée par une classe de 5e (cf. ECA n° 392, p. 40-41). Un travail réalisé sous la houlette de deux enseignantes, Géraldine de Bagneaux et Fabienne Boteilla, et présenté en juin dernier à tous les élèves du collège.
Cette sensibilisation s’est accompagnée d’autres actions à la fois inventives et efficaces lorsque des cas de harcèlement se sont présentés. Une jeune fille s’est ainsi vue doter, à l’initiative de la direction, de deux « anges gardiens » – des copines en qui elle avait confiance qui ont eu pour mission de déjeuner avec elle le midi et de la protéger, autant que possible, des agressions verbales. De quoi lui permettre de reprendre confiance.
Mais il fallait aller plus loin, être plus systématique dans la réponse apportée aux situations de harcèlement. Christophe Auvinet, professeur de mathématiques, devenu depuis directeur-adjoint du collège et Valérie Koenig responsable de la vie scolaire des 6e, ont décidé de se former à la méthode Pikas lorsque cela leur a été proposé par le diocèse en lien avec l’académie de Versailles.
Cette formation leur a permis de comprendre qu’il existe deux formes de harcèlement : celle qui oppose un harceleur ayant une vraie volonté de nuire à sa victime – situation rare dans les établissements – et une autre plus banale appelée « intimidation » par Anatol Pikas, qui voit un groupe cibler un individu et l’agresser de manière répétée. La méthode incite les adultes à identifier un faisceau de « signaux faibles » indiquant qu’un élève est devenu une cible : refus d’un groupe à ce qu’il participe à une activité collective, isolement, nervosité, baisse des résultats scolaires, etc. « Attirer notre attention sur ces signaux est essentiel car le problème dans le harcèlement, c’est que les adultes sont bien souvent les derniers au courant », observe Anna de Feydeau.
Éveiller l’empathie
Comment résoudre un problème « d’intimidation » ? « Ce qui est assez étonnant dans la méthode Pikas, c’est que
l’on demande de l’aide aux adolescents. On les incite à trouver une solution à la situation dans laquelle ils sont impliqués », observe Valérie Koenig. Les adultes cherchent à éveiller l’empathie des « intimidateurs », en faisant part de leur préoccupation pour la victime. Les éléments de langage de ces entretiens sont précisés par la méthode. «Soit cela fonctionne vite, soit il s’agit d’un autre problème qu’il faut aborder autrement», précise Christophe Auvinet. Le processus implique aussi une prise en charge de la victime grâce à des entretiens visant à renforcer son estime de soi. Quant aux parents, ils sont absents du protocole, ou presque. Ils n’apparaissent dans celui-ci qu’en cas d’échec. « C’est tout à fait normal. S’ils faisaient partie du processus, ils souhaiteraient avant toute chose que les ‘‘intimidateurs’’ soient sanctionnés. Or, s’il y a sanction, le harcèlement risque fort de se poursuivre ou de recommencer très vite… », avance Valérie Koenig.
Des collégiens ambassadeurs
Dans la foulée de la formation, une cellule baptisée Care (Cellule d’aide aux relations entre élèves) a été créée au sein du collège. Des enseignants et membres de l’équipe pédagogique, initiés à la méthode par Christophe Auvinet et Valérie Koenig, ont intégré le groupe. Il compte désormais six personnes et bénéficie de l’appui de Christophe Auvinet – qui, ayant un pouvoir de sanction, ne peut en faire partie. Par ailleurs, cinq ambassadeurs de 5e ont suivi une formation organisée par le rectorat en novembre dernier. Choisis par l’équipe pédagogique pour la qualité de leur attention aux autres, ils ont pour mission de désamorcer les conflits et de recueillir les doléances de leurs camarades.
Une présentation de Care a eu lieu dans chaque classe de l’établissement. « Nous avons souhaité communiquer autour de Care afin que les élèves identifient bien les personnes qui composent cette cellule et sachent à qui demander de l’aide », précise la directrice. Grâce à cette équipe constituée, le professeur qui reçoit la confidence d’un jeune n’est plus tout seul. « Pour l’enseignant, c’est un vrai soulagement. Il peut tout simplement dire à l’élève ‘‘Je ne sais pas comment t’aider, va voir les membres de Care” », explique Franck Manigot, professeur d’histoire-géographie qui fait partie de cette cellule. Les intervenants de la formation Pikas invitent les établissements à mettre en place un protocole qu’il sera possible d’activer en cas d’intimidation suspectée ou avérée. C’est bien ce qu’a fait l’équipe pédagogique du collège de Montfort-l’Amaury.