L’inclusion aux petits oignons
collège Sainte-Anne à Saumur (49)
Hélène Poussin, enseignante spécialisée
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Au collège Sainte-Anne, à Saumur (49), un partenariat avec l’IME situé à proximité de l’établissement permet aux élèves du dispositif Ulis de participer à des ateliers de mise en situation professionnelle. Quelques après-midis par semaine, ils troquent leur casquette de collégiens, pour la toque de chef cuisinier ou les gants de jardinier.
Il est 13 h 45 lorsque le portail bleu du collège Sainte-Anne, à Saumur (49), s’ouvre sur Lucie, Mael et Maxence. Sac sur le dos, ils emboitent le pas à Hélène Poussin, l’enseignante spécialisée qui les accompagne ce lundi, comme tous les autres, jusqu’à l’institut médico-éducatif (IME) situé dans la rue voisine. Au programme cet après-midi : atelier cuisine. Les collégiens troquent leurs baskets et vestes pour des chaussures de sécurité et un tablier immaculé. Charlotte sur la tête, les voilà prêts à composer le menu du jour, qui sera servi le lendemain aux jeunes de l’IME : hamburger au morbier, salade de fruits… « Maintenant, je cuisine aussi le week-end avec mon père. Dimanche c’était une paella », sourit l’un des collégiens. En face, les deux autres essuient leurs larmes. « Je n’aime pas éplucher des oignons » souffle Lucie, les lunettes embuées. Autour d’eux, l’éducateur spécialisé de l’IME les oriente, sans jamais faire à leur place. Les supports des recettes sont adaptés, les outils simplifiés.
Gain d’autonomie
Sur les dix élèves du dispositif Ulis scolarisés au collège Sainte-Anne, trois ou quatre bénéficient de ce partenariat avec l’IME, qui met à disposition du collège, les plateaux techniques et éducateurs pour les élèves dès la 4e.À la clé : ouverture sur l’extérieur et le monde du travail, et gain d’autonomie. « Les ateliers fonctionnent comme des mini-entreprises. Les jeunes ont accès à divers ateliers à visée professionnalisante : blanchisserie, mise en boîte, horticulture, cuisine… Cela leur donne un côté pro que nous ne pouvons pas leur apporter au sein du collège. Quand ils se rendent à l’IME, on dirait qu’ils vont en entreprise, ils sont très fiers » explique Murielle Renou, directrice adjointe du collège Sainte-Anne. Ce partenariat, mis en place en 2021, est facilité par la proximité géographique entre les deux institutions et repose sur du donnant-donnant : la présence de collégiens au sein de l’institution permet de pallier la baisse d’effectif dont souffriraient les IME, depuis la promulgation de la loi de 2005 sur l’inclusion des enfants porteurs de handicap en école ordinaire.
Si la mise en place du dispositif Ulis au sein du collège s’est opérée en septembre 2013, la démarche école inclusive n’a rien d’une nouveauté. Murielle Renou, arrivée au collège en 1997, se souvient : « Lors de ma prise de poste, le collège comptait 150 élèves, ce qui n’était pas viable, d’où le ralliement sous un même organisme de gestion du collège au lycée des Ardilliers. Mais nous avions besoin également de mettre en place une politique de recrutement permettant d’asseoir les effectifs. Nous avons ouvert nos portes à portes à tous les jeunes et toutes les familles, c’est le projet éducatif de Ste Anne en lien étroit avec la Tutelle des Sœurs Jeanne Delanoue et aujourd’hui celle des Salésiens de Don Bosco. Aujourd’hui, notre collège accueille 325 élèves. » Dans sa démarche d’inclusion, Sainte-Anne s’est adapté aux besoins de chacun, une volonté ancrée dans le caractère de l’établissement : « On s’est vite rendu compte que tout le monde était différent. La pédagogie salésienne entend que chaque élève a un talent et une compétence en lui. C’est un peu la philosophie de l’école inclusive, chacun peut réussir avec ses aptitudes » poursuit la directrice adjointe.Une fois le collège terminé, les élèves ont la possibilité d’intégrer le lycée des Ardilliers qui dispose également d’un dispositif ULIS.

Socialisation
Hélène Poussin est une semeuse. Chaque jour, elle plante au sein de l’établissement des graines d’inclusion. « C’est un travail d’endurance, mais on avance petit à petit. Les idées se diffusent dans l’équipe éducative avec de la bienveillance et du temps passé. Les regards changent et cela se passe de mieux en mieux » confie cette professeure des écoles, enseignante spécialisée après avoir constaté le manque de moyens et dispositifs alloués, dans les écoles, à l’inclusion des enfants en situation de handicap. Aide à l’apprentissage, soutien scolaire, gestion des activités et emploi du temps, sensibilisation de l’ensemble de la communauté éducative, notamment en rappelant que l’Ulis n’est pas une classe séparée mais un dispositif d’accompagnement pour des élèves, certes à besoins particuliers mais avant tout inscrit dans les classes ordinaires de l’établissement… Pour Murielle Renou, la présence de cette coordinatrice est essentielle pour aider les enseignants à prendre de la hauteur : « Parfois on a le sentiment de ne pas participer activement aux apprentissages de ces jeunes tant le décalage est important,. Hélène Poussin nous rappelle alors que l’objectif premier n’est pas tant l’apprentissage scolaire que la socialisation. Les élèves porteurs de handicap sont considérés comme n’importe quels autres élèves par leurs camarades. C’est tout l’enjeu de l’inclusion. »

Quatre versions d’un même devoir
L’an passé, sur un effectif total de 325 élèves, 60 d’entre eux devaient bénéficier de dispositifs adaptés : Ulis, projets d’accompagnement personnalisés ou individualisés… pour 5 A.E.S.H, dont 1 A.E.S.H « collective » et 4 A.E.S.H « individuelles ». « Dans une même classe, il peut y avoir des élèves avec des besoins différents. Par exemple, deux qui nécessitent d’être sur ordinateurs, un bénéficiant de l’accompagnement de l’AESH, d’autres du dispositif Ulis… cela peut être dur pour l’enseignant qui peut parfois se retrouver à faire quatre versions d’un même devoir » détaille Murielle Renou. Pour la directrice adjointe, si l’avenir est de déplacer les IME au sein des établissements scolaires, les enseignants auraient besoin de plus de formation et les établissements de plus de moyens pour recruter des professionnels adaptés : « , « Mais les crédits sont de plus en plus réduits, estime-t-elle. Nous n’avons ni infirmière ni psychologue dans le collège. Gérer les différents handicaps est une charge mentale supplémentaire qui peut parfois doubler notre temps de travail. Pour une école réellement inclusive, nous avons besoin d’élargir le corps de métier ». Pour le moment, la directrice adjointe cherche des relais et partenariats externes, comme avec l’IME, et compte sur son équipe bienveillante, qui fait que « tout cela fonctionne ! »