Des sixièmes à l’antenne

Depuis la Toussaint, une classe de 6e de Plouescat (Finistère) apprend à réaliser une émission de radio, avec trois journalistes de l’association Longueur d’ondes. Objectif : présenter un spectacle radiophonique au mois de juin, sur le thème de la montée des eaux.

Bienvenue dans L’Espace magnifique ! Vous nous suivez en direct de la Nasa. Il est 10 h. Notre envoyé spécial, Diego, va annoncer la météo de l’espace. » Un groupe de six élèves du collège Saint-Joseph, de Plouescat (Finistère), réécoute l’émission de dix minutes qu’ils ont enregistrée la semaine précédente. Fabrice Derval, journaliste de l’association Longueur d’ondes, leur demande comment l’améliorer. « En lisant moins ! », lance Diego. « En réécrivant la publicité pour la rendre plus dynamique », propose un de ses camarades. Les élèves reprennent leurs stylos pour peaufiner leurs textes : lancements, pubs, reportages des envoyés spéciaux, météo…

Comme tous les mercredis matins, depuis la fin des vacances de la Toussaint, pendant deux heures, les 24 élèves de cette classe de 6e investissent La Fabrique, nom donné à la nouvelle médiathèque de cet établissement de 230 élèves. Trois journalistes de Longueur d’ondes, association qui organise chaque année à Brest le plus important festival de radio de l’Hexagone (voir encadré), et Michel Geoffrey, professeur documentaliste, les encadrent. Répartis en trois groupes, les élèves imaginent ce matin-là des émissions : L’Espace magnifique, Radio Marée, et Radio Maison. Pour l’heure, il ne s’agit encore que de petits exercices pour prendre en main ce nouvel outil. L’objectif est plus ambitieux : créer un spectacle radiophonique qui sera diffusé devant les collégiens, les écoliers et les parents, en juin prochain. Avec, comme thème, la montée des eaux. Michel Geoffrey, à l’initiative du projet, présente le scénario : « Face au réchauffement climatique, le canton de Plouescat est envahi par la mer. Nous devons fuir sur un bateau. Sur le principe du film Good Morning England, l’idée est de monter une radio-pirate sur ce navire, pour collecter les sons et souvenirs précieux de notre territoire, en vue de reconstruire notre cité plus loin. »

Éducation aux médias

Quatre écoles primaires participent au projet (Sainte-Famille à Plounévez-Lochrist, Sainte-Thérèse à Lan- houarneau, Notre-Dame-du-Sacré- Cœur à Tréflez, et Notre-Dame-des- Victoires à Plouescat). Les intervenants de Longueur d’ondes passeront deux demi-journées avec les enfants pour enregistrer des fichiers sonores, qui alimenteront le spectacle des collégiens. Les élèves adorent. « C’est intéressant ! On apprend à créer une émission : on écrit nos textes et on essaye de mettre le ton », explique Nathan. Tous, timides ou expansifs, se prennent au jeu.

« Écouter le résultat et voir le public qui s’intéresse, c’est génial ! », se réjouit Kimberley. « Ce média nous permet de travailler l’oral, inscrit au cœur du projet éducatif de l’établissement, de façon ludique et concrète », explique Michel Geoffrey, qui circule entre les trois groupes pour aider les élèves. Les intervenants incitent les enfants à prendre le temps de poser leur voix, en leur proposant des exercices d’improvisation.

« C’est une telle chance de s’exprimer à la radio. C’est important que les enfants savourent leurs écrits, qu’ils les incarnent, chacun avec leur personnalité », souligne Anouk Edmond, elle aussi journaliste de Longueur d’ondes. Ces exercices apprennent aux collégiens à s’écouter entre eux. « Faire silence, ne pas couper la parole, analyser ce que leurs camarades ont produit… La radio leur permet de se familiariser avec tout cela », précise-t-elle. Au-delà de l’expression orale, le projet vise l’éducation aux médias. Lorsque Raphaël écrit pour son flash-info que « deux requins ont traversé la Méditerranée pour aller au Canada », Anouk Edmond le reprend : « Ce n’est pas possible ». « Mais on invente ! », se défend l’élève. « Ah oui ? Tu penses que les journalistes inventent ? », lui demande-t-elle.

Lors des précédentes séances, les membres de l’association ont échangé avec les élèves sur le fonctionnement des radios et ont diffusé un extrait du documentaire La Maison de la radio, de Nicolas Philibert. « Nous ne leur faisons pas un cours sur les fake news. L’idée est plutôt de les amener à découvrir comment l’on fabrique l’information par la pratique, pour leur faire prendre du recul par rapport à l’univers médiatique », explique Fabrice Derval. Dans les prochaines semaines, les élèves vont jouer aux reporters en allant à la rencontre des acteurs du territoire. Autant d’interviews qui nourriront le spectacle radiophonique de fin d’année. En outre, les collégiens se rendront fin janvier, le temps d’une journée, au Festival Longueur d’ondes. « Ils vont assister à un spectacle radiophonique d’élèves et rencontrer des journalistes radio », indique Fabrice Derval.

Cela fait trois ans que le collège travaille avec ce média. Tout est parti d’une formation que Michel Geoffrey a suivi à la direction diocésaine sur les webradios. Dans la foulée, il a lancé, avec les élèves de 5e, des émissions sur les actualités du collège, diffusées sur le site de l’établissement. En parallèle, le collège s’est équipé d’une table de mixage et de micros mis à disposition des enseignants. Dans le cadre d’un EPI (Enseignement pratique interdisciplinaire), un professeur de français et un enseignant d’histoire ont, par exemple, enregistré l’intervention d’un témoin de la Seconde Guerre mondiale venu au collège. L’an dernier, c’est un projet autour du cycle 3 qui a vu le jour, impliquant les classes de CM2 des quatre écoles primaires et les 6es. « Les élèves ont joué les apprentis reporters, en interrogeant le bénévole d’un cinéma local, en réalisant un reportage sur le théâtre de Morlaix, ou en faisant des micros-trottoirs entre eux », explique le professeur- documentaliste.
La démarche entamée cette année s’inscrit elle aussi dans le cadre du cycle 3.

Pour financer ce nouveau projet d’éducation aux médias, le responsable du CDI a déposé, avec l’aide de Longueur d’ondes, une demande de subvention de 6 200 euros, à la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Bretagne. Un financement que l’établissement a complété à hauteur de 1 200 euros. Après avoir peaufiné leur texte une bonne partie de la matinée, des élèves s’installent devant les micros pour enregistrer une émission, tandis que Victor Blanchard, troisième journaliste de Longueur d’ondes, règle la table de mixage. Face à eux, le reste de la classe écoute en silence. « Panique à Radio Maison : qui a mangé tout le chocolat ? », lance Nathan. L’interview des courgettes du potager suscite rires et applaudissements. Les collégiens ont réellement investi ce nouvel espace d’expression !